Un jeudi en juillet
21 juillet 2017
La vitesse à laquelle ma vie va depuis que j'ai un bel emploi me laisse pantoise. Plus même le temps d'écrire là, pas même le temps d'en éprouver un réel manque (quoi que dès que je me pose un peu). En passant à la vitesse supérieure, mais peut-être aussi grâce au triathlon je suis sortie de l'emprise du sommeil. Il me dominait depuis le dimanche 9 juin 2013 et plus encore (après une période étrange d'état de choc avec bon nombres de soirées entre amis passées à se tenir chaud et solidaires et donc dormir peu) le 7 janvier 2015. Je devais lui arracher l'autorisation de mener une vie quasi-normale dans la journée, mais ai dû plus d'une fois m'affaler sous un bureau à la pause déjeuner, dans un coin de la librairie là haut lors de l'arrêt de midi, sur un banc pour lui concéder 20 minutes afin qu'il m'accorde de finir l'après-midi de boulot.
C'est fini c'est magique c'est parti.
Tout au plus un peu de somnolence en début d'après-midi à l'heure où il faudrait que nous puissions tous nous accorder une sieste.
Pour autant je n'ai pas perdu la capacité de m'endormir instantanément à la demande, mais à la mienne, ce qui est infiniment moins flippant, même si ça reste parfois brutal.
Seulement même en dormant à nouveau comme un adulte normal, je n'ai pas ou si peu de temps personnel. Quelques miettes, que j'occupe à lire, ce qui fait partie du boulot mais reste un plaisir.
Ce jeudi, comme depuis le début de l'été il a fait beau. Plus ou moins pluvieux par accès. Mais globalement c'est un vrai temps d'été.
La journée de travail était comme une bonne journée de librairie, pas de temps mort mais un rythme normal et pouvoir avancer sur le travail de fond. Un seul type pour faire la manche que j'ai éconduit le plus respectueusement possible - l'argent de mes employeurs n'est pas le mien et par ailleurs moi je suis au travail et donc pas là pour en dépenser, sans compter que je n'ai pas d'argent sur moi -. Deux pour me proposer des objets à vendre dont un un livre, ce qui pouvait coller.
J'ai revu #anotherTed même si ça n'était pas vraiment lui, pas vraiment maintenant. Et fait la connaissance de Thomas. Même si ça n'était pas si simple, en tout cas de le revoir lui, sans compter la façon dont il m'est réapparu, sa silhouette, par les jambes (interminables !!) - j'ai cru, et puis je ne suis pas encore si solide -, quatre ans sans ses gestes, son accent, sa voix, cette élégance - hélas pas dans tous les compartiments de la vie -, je crois qu'au bout du compte ça m'a fait du bien.
J'ai quand même une réticence envers la triche quelle qu'elle soit. Les cheveux faux en font partie. Froissait l'alliance. Usurpation ?
Il serait simplement grand temps que quelque chose de bon me survienne enfin (pas seulement dans le travail, même si c'est essentiel). Celle-ci est déjà une absence du passé. Les absences actuelles sont celles de celui de mes cousins qui de facto n'est plus qu'un ex-beau-cousin (1) et celle du grand ami qui est devenu un homme invisible. D'accord, il l'est devenu par suite d'une grave maladie, mais voilà qu'elle s'est éloignée mais que l'absence, elle, se prolonge.
Serais-je déjà entrée dans la phase de la vie où parmi nos proches les disparus sont plus nombreux que les présents ? J'en ai peut-être après tout l'âge.
Enfin pris le temps de parler un peu avec une amie. La sur-occupation a été si forte, depuis la maladie de ma mère et qu'a renforcée le nouveau boulot que j'ai l'impression d'avoir en partie perdu de vue tous ceux que j'aimais. Seul-e-s ceux et celles qui fréquentent les réseaux sociaux savent que j'ai changé de librairie.
Après une réunion de travail il y aura eu ce retour à vélib, à travers le beau Paris, et si j'eusse préféré n'être pas seule (ce qu'un coup de fil reçu a un peu atténué), c'était un moment magique, peaceful crowd, wonderful weather, beautiful cityscape. Un momento perfetto.
Plus tard j'ai posé le vélo, vers Miromesnil pour accomplir à pied mon chemin partiel du temps de Livre Sterling. Ces trois années où je fus sans doute le moins malheureuse de toute ma vie, le plus moi-même aussi, même si le chagrin y était (mais d'une autre manière, avec un espoir qui perdurait). J'étais trop occupée à m'en sortir pour le mesurer, mais quelle chance j'ai eue de travailler là, quelle formation formidable. Et ces soirées !
J'aimerais que personne ne meure (du moins violemment et en tout cas plus personne à nouveau (puisqu'il y a déjà eu, avec l'attentat contre Charlie Hebdo)), mais que néanmoins un jour Philippe J écrive ma biographie. Il y a matière à une belle reconstitution d'un Paris en ce temps-là et ce qui y était possible pour qui aime les livres et pratiquait l'internet. Et je sais qu'il saurait brosser un tableau équitable des coups durs survenus tant avec #lancienneamie qu'avec #anotherTed . Peut-être même qu'il dénicherait des explications à la part difficilement compréhensible de leur attitude.
Et il saurait raconter mon ancien patron comme personne.
Ou l'épisode Johnny.
L'époque du Comité [de soutien] peut-être aussi.
Sans parler du club de dégustation de whiskies.
Dans la soirée #lefiston m'a appris le suicide du frontman du groupe Linkin Park, Chester Bennington. C'était soudain comme une explication à la sourde tristesse qui m'avait tenue tout le jour. Même si je ne suivais pas ces gars au point de me sentir concernée à titre personnel, quelque chose dans l'air qui flottait. Saudade.
(1) Si je disposais d'un minimum de mon temps je voudrais écrire sur les séparations collatérale. Les garçons me manquent, je m'étais affectueusement attachée, mon cousin me manque, j'aurais pour l'instant une sensation de trahison si nous nous revoyions, l'ami qui avait quitté une de mes amies mais par la même occasion tout l'entourage amical également, voilà il y a tant de pertes par ricochets en plus des disparitions principales.
Nelson et Yéti (que je reverrai cependant sans doute si sa famille "monte" à Paris et vient faire un saut à la librairie) apparaissent encore dans mes rêves.