Nos conditionnements
30 juin 2017
C'était ce matin sur la ligne 7, de légers problèmes ont semblé s'alourdir. J'allais chercher des livres en un comptoir au Kremlin Bicêtre, je m'en suis tirée en sortant une station plus tôt (puisque c'était finalement bloqué) et en terminant mon trajet à pied.
Livres récupérés j'ai cru que l'incident serait terminé, mais non : cette fois-ci grilles fermés. Et puis des véhicules toutes sirènes hurlantes qui se dirigeaient vers les stations plus au sud de la ligne, un hélicoptère qui semblait surveiller, des piétons qui se pressaient dans les bus, ou marchaient, hâtifs et avais-je cru sombres.
J'ai craint le pire.
Quelqu'un sur Twitter m'a obligeamment renseignée : le colis suspect était bien sous contrôle.
Je restais sceptique : pourquoi un délai si long avant reprise du trafic ? Pourquoi dans un premier temps des hoquets puis un arrêt avant soudain une fermeture radicale.
Ce n'est qu'au soir, toujours via un twitos que j'ai eu l'explication : il y avait en fait eu deux incidents distincts et successifs.
En attendant, c'est fou comme à présent vivants à Paris nous sommes conditionnés vers le pire dès le moindre incident d'un peu d'ampleur.
Un de mes camarades libraires passe me voir en fin de journée, il s'étonne d'un message que je n'ai pas reçu, et qui présente un caractère d'urgence.
Assez vite nous comprenons : il me l'avait envoyé à mon adresse mail perso (plutôt qu'à celui de la librairie) ; or au travail j'ouvre très peu ma messagerie et uniquement lorsqu'il y a une raison précise. Alors qu'en fait dans ce poste-là l'avoir en permanence en ligne serait efficace.
Mais voilà pendant des décennies j'ai été empêchée de consulter mon mail au travail. Entre mal vu voire carrément interdit pendant des décennies de mon boulot de banque puis de celui en chaîne de librairies, il m'en est resté ce conditionnement qu'au boulot on ne consulte pas ses mails perso. Et j'ai beau savoir que dans celui-ci non seulement je suis libre mais qu'en plus ça serait plus efficace, je ne parviens pas (encore) à y songer.
L'ensemble de la journée m'a laissée impressionnée d'à quel point nous pouvons être, à notre insu, conditionnés, par des obligations ou interdictions longtemps subies ou bien des événements survenus et qui laissent des sortes de réflexes réels ou de pensées.