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Première semaine

 

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Il est vraiment troublant de constater à quel point la vie nous met par moment des accélérations inouïes.

Me voilà déjà libraire chez Charybde depuis une semaine, qui fut plutôt de formation car je dois apprendre les spécificités locales, il y en a toujours, et une part d'activités administratives. Il y aura inévitablement des surprises au fil de l'eau, il y en a déjà eu une et de taille, et qui risque de bien nous compliquer la vie, mais la passation de consignes sur fond de dossiers bien tenus me rappelle lorsque j'avais pris à "l'Usine" la succession une fois d'un gars très compétent, méthodique et organisé : tout y était clair et net, avec de la logique. Je pense donc que la période d'adaptation sera intense mais peut-être pas si longue. La clef sera de rapidement trouver un rythme pour les différentes tâches. 

Pour la première fois durant ma seconde vie professionnelle, j'arrive dans un endroit que je connais déjà, c'est très troublant de débuter tout en s'y sentant à ce point chez soi, et dont un certain nombre des habitués sont déjà des connaissances voire des amis. 

Alors cette première semaine est passée comme dans un rêve, à une vitesse folle, d'autant plus que ma vie personnelle dans le même temps combinait premier triathlon et grenier (de la maison où vécurent mes parents) à vider et travaux à préparer. Je vais enfin pouvoir et devoir vivre à ma pleine vitesse. Tenter que coïncident l'énergie d'entreprendre qui est en moi avec l'énergie physique nécessaire pour que l'action ait lieu. Ce défi me rend heureuse.

Il n'est pas raisonnable de mener l'ensemble de front. Mais je n'ai pas du tout été maître de la coordination. Pourquoi a-t-il fallu que la maladie puis la mort de ma mère coïncide avec mes débuts en triathlon (alors que j'avais tenté de m'inscrire l'année qui précédait et y songeait depuis octobre 2011), et que ces deux éléments tombent exactement au moment où la librairie Charybde avait besoin d'une personne pour remplacer l'amie qui regagnait son premier métier, elle-même contrainte par un calendrier légal de dates limites de mise en disponibilité ?

Je crois que s'il n'y avait le deuil, et combien il est dur de faire face à ses conséquences (1), je serais heureuse comme du temps de la préparation des répétitions de chorale pour les concerts avec Johnny ou comme le "juste après" de la période du Comité de soutien (2).

Bizarrement, les présidentielles qui m'ont tant souciée, me semblent dater d'une ou trois éternités. Comme si le quinquennat était déjà bien avancé. Parvenue à saturation avec cette campagne comme je n'en avais jamais vu, je ne parviens pas à m'en inquiéter. 

 

(1) pour autant pas si malheureuses, je ne veux surtout pas me plaindre. 

(2) à Florence Aubenas et Hussein Hanoun


Librairie Charybde : on va commencer par faire la fête

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On va commencer par faire la fête, et vous êtes les bienvenus.

Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, la librairie est là : 

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C'est non loin de la gare de Lyon ou du métro Reuilly Diderot. Si vous pouvez venir ça me fera plaisir de vous faire découvrir mon nouveau lieu de travail, et de nouvelles lectures.

[photo-montage par Hugues Robert à partir d'une photo prise par Marianne Loing à Arras le 1er mai 2016 ; je suis très touchée qu'ils aient tenu à fêter mon arrivée]

PS : Quant au petit chien il fut aimablement prêté par George Orwell (non, je rigole)


L'arme compassionnelle (crapule, va)


    Ils marchaient derrière mais plus vite que moi. Juste un peu. Ce qui fait que le temps qu'ils s'approchent, me dépassent et s'éloignent, j'ai entendu sans l'avoir voulu, ni souhaité, un grand pan de leur conversation. 

Il s'agissait d'un homme jeune et d'une jeune femme. Elle écoutait, marquant son attention, posant parfois une brève question, il parlait.

La première phrase que j'ai entendue concernait la séparation de ses parents, 

Mes parents ont divorcé, ça s'est très mal passé. Enfin pour ma mère. Elle ne s'en est pas remise, même maintenant douze ans après. Elle était encore folle amoureuse de lui. A fait une tentative de suicide. Puis six mois d'HP.

Comme j'ai un trop bon petit cœur j'ai eu le temps de penser Pauvre garçon, comment s'en remet-on, avant de tiquer sur son ton de voix trop neutre, trop calme, trop égal ce qui combiné avec mon expérience de la vie, m'a ramené vers de plus prosaïques pensées : Mais pourquoi lui raconte-t-il ça ?

Assez vite il a expliqué qu'il n'avait pas été si affecté, qu'il s'était créé sa propre bulle, fier d'avoir su être aussi fort (1). Que lui ne souhaitait pas commettre la même erreur que son père.

Là ma part de gentillesse naïve a commencé à songer : Oh, il va lui annoncer qu'il ne la plantera pas dès qu'il se sera un peu lassé ? mais ma part d'expérience lui a soufflé Attends la suite, tu la connais.

Il avait bien compris que son père avait eu besoin passé 45 ans de vivre enfin sa vie, qu'il s'était enfermé trop jeune - là, ma naïveté avait battu en retraite et mon mauvais esprit prenait ses aises : - Hé, mec, s'il ne l'avait pas fait tu ne serais pas là devant moi -, que vraiment non c'était une erreur à ne pas faire.

Ils étaient à présent juste devant moi, selon la façon de certains piétons qui te doublent puis comme ils ne vont pas vraiment plus vite et que le trottoir ou le chemin n'est pas si large, te font en pratique, une queue de poisson. La jeune femme était une jolie ex enfant blonde pas retrafiquée, silhouette élancée, classe.

Et que d'ailleurs, il ne ferait pas comme son père, pour commencer il allait voyager, beaucoup, qu'il fallait profiter de faire certaines choses tant qu'on était jeunes et qu'à 27 ans, il devait bouger.

Alors j'ai ralenti.

Je ne souhaitais pas entendre la suite. Cet air international et immémorial trop bien connu.

Il l'avait séduite parce qu'elle était belle, et peut-être qu'une relation suivie s'était mise en place, mais il refusait de s'engager. 

Plus jeune, j'eusse probablement pensé Pauvre garçon ça a dû être pour lui enfant si rude qu'il est normal qu'il se sente incapable de se stabiliser. À l'âge qui est le mien et vu de l'expérience accumulée,  j'ai principalement songé qu'utiliser le suicide manqué que sa daronne comme départ d'argument pour dire à une femme, Je t'aime bien mais guère plus et d'ailleurs je pars voyager, était très très très moyen comme procédé.

J'espère que c'est la jeune femme qui en fait a filé.

 

(1) d'ailleurs il ne parlait pas du tout sur le ton de la confidence 


Retrouvailles avec Paris (et découverte de l'existence de Shawn Mendes)

 

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C'est curieux alors que je me sentais pourtant tout près de Paris à Montmorency comme une fois revenue intra-muros pour le travail, j'ai l'impression de rentrer d'être partie loin longtemps. 

Le fait de bosser dans un lieu qui m'est extrêmement familier, dans lequel je me sens comme chez moi, me donne l'impression d'être entrée de plain pied dans l'une de mes vies parallèles - une autre a lieu à Bruxelles, je n'en ai pas fini avec cette ville -. Et si finalement l'année et demi vécue dans le XVIème arrondissement n'était qu'un songe fastidieux et malencontreux ? L'année dans le Val d'Oise une façon d'accompagner la fin de vie de ma mère ?

Il y a beaucoup de travail, en particulier à cause d'un changement dans la législation (1) qui ne sera pas sans conséquences. Quelle que soit la solution choisie, elle engendrera un surcroît de travail par rapport à la gestion courante.

Les amis viennent déjà me déposer des SP, un premier courrier d'éditeur est arrivé à mon nom, c'est comme si j'étais là depuis longtemps. 

Lors d'une pause entre journée de travail et soirée de présence (2), j'ai pu faire un tour dans le quartier. Que je connais à la fois très bien et pas tout à fait puisqu'il me reste des rues à découvrir. 

Je suis passée voir la gare secondaire (3), dans mon souvenir vaste et déserte, dans la réalité d'aujourd'hui petite et très peuplée.

Moi qui étais toute légère d'être concentrée sur mon nouveau travail - ce qui fait du bien, j'aime mon métier -, voilà que j'ai découvert que les OuiBus, selon une logique qui m'échappe, pour Bruxelles partaient de là.

À Bercy qui ne s'appelle plus ainsi, d'énormes files d'attentes se tenaient partant de chaque entrées. Probablement des contrôles encore renforcés après l'attentat de Manchester et le même genre de spectacle, au vu de l'âge des jeunes ou très jeunes accompagnés, qui attendaient (4).

On m'a distribué un prospectus de lutte contre l'alcool, qualifié de drogue, ce qui m'a semblé un peu excessif. Je me suis demandée si j'avais l'air concernée. On m'a aussi passé un flyer pour Shawn Mendes, dont je n'avais jamais entendu parlé, pas même de nom, malgré paraît-il un très grand succès,  et qui je l'appris de retour à la librairie, était en fait l'artiste de la soirée. Je m'endormirai moins ignare. Au moins ce garçon dispose d'une vraie voix. 

Et c'était rassurant de constater que les gens ne cédaient à aucune panique du fait du tout récent attentat dans un endroit équivalent. 

J'ai aimé découvrir longeant les voies ferrées des rues neuves, jusqu'alors de moi inconnues ; échangé quelques mots avec un père et son fils (ou un oncle et son neveu) qui étaient sortis jouer un peu au foot, faire quelques passes en bas de leur immeuble.

L'homme était bien arrivé en Normandie. La vie avance. Demain j'irai dans la maison de ma mère poursuivre la descente des affaires du grenier. 

Pour la première fois depuis des années, moins une parenthèse chaleureuse l'an passé, alors que je découvrais la belle petite librairie du haut de la colline, que ma mère n'était pas encore malade, ni l'homme enchômagé, et que j'avais eu l'illusion d'un plateau calme, enfin, je suis curieuse des mois à venir, lesquels ont peut-être une chance de déboucher vers du bon, et d'être, à traverser, fort stimulants. 

 

(1) obligation d'un logiciel de caisse certifié à partir de janvier 2018.
(2) Ça n'était pas moi qui organisais
(3) Celle de Paris Bercy
(4) Je comprends l'intention mais quel danger encore plus grand pour les gens qui de fait constitueraient les proies d'autant plus faciles pour des passants mal intentionnés. Notre société dans sa structure fait que l'on prend les précautions pour l'intérieur en se fichant de ce qui peut advenir dehors devant - en cas d'horreur la responsabilité vis-à-vis des assurances n'incomberait pas aux mêmes -. 


Trop tard

Je revenais du triathlon à vélo en compagnie de mon parrain. Il était devant et moins rapide, moins habile à la faufile, vers le rond-point qui à Clichy est près du cimetière nord, je me suis retrouvée entre deux voitures nez-à-nez avec une très jeune femme voilée qui faisait la manche. Je ne crois pas avoir émis quoi que ce soit d'autre que de la surprise, en fait ni l'une ni l'autre ne nous attendions à ce qu'un vélo / une piétonne surgisse dans cet interstice. J'allais lentement, j'ai pu freiner. Dès qu'elle m'a vue elle s'est excusée et glissée plus près d'une voiture afin que je puisse passer. Son élégance m'a frappée.

J'ai filé rejoindre mon parrain qui m'attendait de l'autre côté (il avait eu le bon feu, vert). C'est seulement à retardement que j'ai saisi qu'elle m'avait parlé en anglais, un anglais fluent, pas celui de qui barbouille quelques mots de survie.

Le flux de voiture était fort, je ne la voyais plus, on m'attendait devant, je n'avais pas un sous vaillant - fors peut-être un billet de secours coincé dans une sous-poche coincée dans mon sac -.  J'ai tenté de me retourner je ne la voyais plus. Alors, j'ai poursuivi mon chemin. 

Mais depuis, je m'en veux. Elle était probablement une vraie réfugiée, sans doute de Syrie et non une de ces fausses migrantes qu'on croise fréquemment (1). Elle semblait jeune, il y aurait peut-être eu moyen de l'aider.

Je n'ai pas eu l'occasion ni le temps de repasser à ce rond-point depuis.

 

 

(1) Je me demandais pourquoi les familles qui font la manche sous la bulle de la ligne 14 à Saint Lazare vocalisaient leur demande d'aide ; en fait c'est pour "prouver" qu'ils sont bien de vrais Syriens. On en est là. 

PS : Ce qui m'y a refait songé c'est ce à dérouler de Christian Lehmann dont voici l'amorce 

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No Brett any more

Pour moi, bien plus que les James Bond et autres Ivanhoé, Roger Moore était Brett Sinclair, un rendez-vous hebdomadaire pendant un ou deux ans lorsque j'en avais une douzaine (1) que j'avais avec ce type et son pote Dany Wilde et qui me ravissait. 

Le côté gros machos séducteurs me passait complètement à côté, je voyais surtout les amis dissemblables et plein d'humour et aventuriers - ce qui à l'âge que j'avais me semblait être une vie d'adulte de "gens riches" normale - et le schéma immuable : il leur arrive des coups durs, mais en prenant les choses du bon côté, en s'entraidant et en étant plus intelligents que les méchants, on finit toujours par s'en sortir. 

J'ignorais que le doublage en français - à l'époque aucune possibilité de V.O. en France - était un petit chef d'œuvre, Michel Roux et Claude Bertrand s'en donnant à cœur joie et rajoutant des vannes (Ah cette façon qu'avait Tony Curtis doublée d'interpeler son ami, "Sa majesté ...", ou "Son altesse", ce ton gouailleur, j'adorais) et de la complicité. Le côté cou raide et coincé de Roger Moore. Ses façons pince-sans-rire. 

J'adorais. 

Me sont restés, l'épisode où un chef de je ne sais quelle mafia se fait descendre à Cannes (ou quelque chose qui y ressemble, ou Nice, ou Monaco ?) dans un cinéma, celui où Dany achète une maison de campagne à retaper et celui qui était pour moi le plus marquant dans lequel Brett Sinclair se fait enlever et opérer et coller une puce dans le cerveau pour ensuite devenir un tueur après avoir entendu quelque mot déclencheur. Il se retrouvait donc à devoir lutter contre son ami. Ça me vrillait le cœur (1). 

J'adorais ce générique avec les vies parallèles. 

Je ne les trouvais même pas vieux, ni même bling-bling. C'est dire si j'étais embarquée.
Je ne les trouvais pas spécialement beaux, ni moches d'ailleurs. J'étais avant l'âge de la séduction. Ce qui comptait c'était les aventures, le petit suspends, la catharsis - une fois de plus, ils s'en sont tirés -. 

La télé de mes parents était en noir et blanc. Je croyais donc que le feuilleton l'était. Découvrir la série des années plus tard avec la couleur, la couleur vintage de ces années-là m'avait stupéfiée.

Voilà un souvenir d'enfance de plus qui se vitrifie en pur souvenir, les principaux intervenants sont désormais fantômes, c'est un passé désormais lointain. 

Je reste reconnaissante envers ceux qui avaient si bien incarné ses héros qu'on nous accordait et qui ré-enchantaient un quotidien pas difficile mais plutôt âpre. Le feuilleton du samedi, ce moment de la semaine qu'on attendait avec une petite joie anticipative. Ce bref bonheur par procuration. 

 

 

(1) Et ça m'a peut-être sauvée, cette référence qui traînait dans ma construction mentale, d'un cas de forte amitié brutalement renversée lorsque j'ai connu une situation semblable des années plus tard dans ma vie. C'était arrivé à Dany.

 

 

 

 

 

 

(1) C'était sans doute une rediff car je vois sur wikipédia que la première diffusion datait en France d'octobre 1972

PS : Au passage, je découvre ceci 

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(La vie était moins drôle avant wikipédia)


La misère

 

    Le nouveau travail à peine commencé me voilà déjà de retour dans Paris. Je n'avais pas tant l'impression de l'avoir quittée. Mais je me rends compte que j'y étais tellement moins et surtout tellement moins en journées de semaine que c'est un peu comme si je rentrais d'un long voyage. 

Et j'avais oublié à quel point la misère est prégnante, à moins qu'elle n'ait profité de mon année "au vert" pour se démultiplier. Là haut sur la colline il y avait trois mendiants dûment identifiés, que les travaux de la place avaient fait fuir (où donc sont-ils allés ?). À Paris presque plus de trajets métro sans au mieux un bon musicien, plus une terrasse de café sans être apostrophés de façon répétitive (1). Et je ne fume pas mais j'ai bien l'impression que plus aucun fumeur ne peut s'en griller une sans se faire réclamer de quoi fumer.

Le fait est que l'on finit soi-même par perdre patience, la sur-sollicitation tuant la compassion - sans parler que j'ai décidé d'imputer les vols dont nous avons été victimes sans le moindre remboursement (2), sur ma générosité, de toute façon limitée par notre budget -. Je ne supporte plus ceux qui se sentent obligés de raconter des craques. À présent les rares que je tente de dépanner si jamais j'ai sur moi quelque monnaie sont ceux qui énoncent simplement leur besoin d'argent sans vouloir jouer sur l'apitoiement. 
Enfin le fait que quelqu'un soit au chômage dans la maison incite fortement à la plus grande sagesse dans les dépenses. Ça rend moins généreux que lorsqu'on se croit à peu près hors d'eau.

Ceci combiné avec ce que j'entends des situations de travail des uns et des autres, ou de leurs faibles salaires (plus ça va plus le lien masse de boulot abattue / rémunération semble avoir disparu du moins avoir un rapport assez biscornu), donne une vision sombre de l'avenir, sans même avoir abordé le volant écologique. 

Je n'en demeure pas moins contente d'avoir réintégré la grande ville. C'est tellement plus stimulant.

 

(1) En même temps très longtemps que je n'étais pas allée en terrasse.
(2) Ça peut paraître absurde mais ça correspond à quelque chose qu'on ressent : nous avons été lésés d'environ 700 € en objets et produits courant qu'il nous faudra repayer et donc nous allons plus probablement désormais nous passer. Du coup mécaniquement c'est notre sens du partage et de l'entraide qui en a pris un coup. 


Ce n'était pas ma première surprise party (mais mon premier triathlon, si)

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C'est très étrange la façon dont le paysage de ma vie a changé depuis fin octobre, les choses semblaient aller dans une direction, et puis des événements surviennent, et voilà que nous nous retrouvons orphelins (à un âge où il est raisonnable de l'être, ne nous lamentons pas) et à la fois lestés de chagrin et délesté de toutes sortes de contraintes concrètes et de la peur que nos parents aillent mal (1), je suis appelée à prendre un emploi dont je n'aurais pas osé rêver (même si il va falloir bosser dur pour être à la hauteur, bon sang que ce défi me plait), et le triathlon auquel je souhaitais m'appliquer depuis que nous étions allés à Bruxelles encourager Pablo qui y faisait le marathon (octobre 2011, me semble-t-il) est enfin devenu une réalité (2).

C'est génial et beaucoup de bonheur après avoir essuyé bien des tempêtes de pouvoir enfin remettre de la voile et voguer vers ce qui correspond à ce qu'on ressent comme bon.

Une fois la maison de ma mère vendue et le déménagement effectué, je pourrais peut-être même enfin aborder l'écriture sans être requise par divers devoirs, mon temps confisqué ainsi qu'il l'a été.

Pour commencer ce fut un XS et comme ce club est bien organisé et accueillant qui attribue à chaque newbie un parrain (ou une marraine) et que le mien est formidable, je n'étais pas seule, j'étais accompagnée et soutenue tout du long - alors qu'il eût fait tout ce parcours beaucoup plus vite sans moi, voire surtout le M qui est une vraie distance -.

Pour la première fois depuis bien longtemps je n'ai pensé à rien de la marche du monde, fors des considérations environnementales, car ce lac est si sale. Ça gâchait le plaisir de nager.

J'ai oublié les chagrins. L'action les dilue.

JF était allé me chercher mon dossard la veille. Ce qui fait que j'ai pu arriver sur la zone de transition assez vite, déposer mon vélo, et me mettre dans la file d'attente pour les toilettes - deux seulement c'était trop peu, Ah, la rangée de toilettes sèches du No Finish Line ... -. Était-ce un effet de la météo favorable ? Je n'ai pas eu de besoin de pipi intempestif comme ce qui m'a saisie lors des 10 km de CAP faits par temps froid. Là, impeccable, aucune gêne, aucune envie pressante, rien.

Seuls petits tracas physiques, et qui eurent lieu après : une sorte de contraction des boyaux, très bizarre, sans autres conséquences (dieu merci) que la douleur même et le souffle coupé, et presque systématique après un effort long. Il ne faut surtout pas que je me penche vers l'avant après une course. Et puis une très étrange sorte de crampe .. à la main droite (?!) alors que je poussais mon vélo en marchant à côté afin de rejoindre les amis pour encourager les autres dans l'après-midi. J'en ai parfois de la même eau aux pieds après (à la fin de) la danse. 
Durant la course, aucun problème d'aucune sorte, si ce n'est un point de côté vers le milieu de la CAP qui souhaitait pointer son nez, j'ai un peu ralenti, il a passé son chemin.

La natation ne s'est pas bien passée : oppressée (première fois que je nageais en combi), je ne suis pas parvenue à trouver le rythme. Je faisais quelques crawlées puis je devais regarder d'où j'en étais. Le fait que l'eau soit totalement opaque participait de la sensation de ne pas parvenir, ou si lentement, à avancer. J'avais l'impression aussi que ma respiration sifflait (3).

Au bout du compte un parcours pourtant parmi les plus rapides que j'aie jamais fait, ce qui [me] surprend.

Capture d’écran 2017-05-21 à 19.28.47(Le temps officiel dit 19' mais il y a eu un moment où l'on était dans l'eau sans pouvoir avancer parce que ça bouchonnait ; j'ai déclenché ma montre quand j'ai pu réellement avancer)

L'autre sensation étrange c'est le mouillé - pas mouillé dans lequel la combi nous met, et peut-être que mon corps était un peu trop occupé à déterminer s'il était ou non trempé. 
L'eau était à 17°c. Ne m'a pas semblé froide.

Découverte : dans ce lac on n'a pas pied.

Pour la prochaine fois (conseil des expérimentées) : il faut remonter la combi au maximum afin de n'être pas gênée dans l'amplitude des bras. 

Les transitions furent une bonne surprise. Avec mon vieux système de cale-pieds je gagne un temps fou à n'avoir pas deux changements de chaussures à effectuer. J'avais pris le parti de courir sans chaussettes et c'était mieux ainsi. La serviette par terre. Seuls les pieds ont réellement besoin d'être essuyés. J'avais pris le petit coupe-vent sans manche du club. Était superflu par cette bonne chaleur (plus de 20°c le soleil qui donnait). Finalement ôter la combi était facile même sans points de vaseline.

De même les lentilles de vue étaient superflues : la nage n'était pas si longue qu'il fallait voir de très loin, il suffisait de suivre ceux qui précédaient. Et par ailleurs mes lunettes de vélo course à ma vue sont formidables.

La bonne surprise fut le vélo : ça déroulait tout seul. En fait mon cœur qui bat vite et mes jambes solides me rendent plus simple le fait d'enrouler gros (enfin, gros pour moi). J'ai failli me manger un rollerman indélicat qui n'écoutait pas le stadier de route. À un embranchement ils avaient laissé passer une ou deux voitures ce qui rendit dangereux. Mais globalement c'était très étrange de ne pas devoir tenir compte des feux rouges ni de la circulation. J'aurais pu aller plus vite, si je n'avais pas ralenti par automatismes aux croisements. J'ai fait du 22 km/h environ.

La course à pied m'a seulement posé le tracas d'être incapable d'accélérer. Le cœur, sinon, ce serait emballé. Mais j'aurais pu faire un tour de lac en plus sans problème. Voire deux.

Présomption : croire que j'avais les bras de par mes petits entraînements de CAP amarinés au soleil. Alors j'avais pris la précaution de mettre mon pantalon souple noir par dessus un cuissard de cycliste, jambes protégées. Ils ont cramé. Comme aux plus belles heures des Roland Garros où j'allais.

Mon parrain a fait le retour avec moi à vélo, tranquillement. J'ai apprécié l'attention.

Belle ambiance de club, les uns restants pour encourager les autres. C'est amusant de s'y retrouver à trois des nageurs matinaux de Clichy (des années précédentes).

Un café 1,10 € au café près de la gare où ils sont accueillants et où les toilettes sont nickel. J'en ai profité pour me passer le visage à l'eau. Je crains des conséquences d'avoir trempé dans celle du lac.

Comme j'ai nagé bien trop lentement, le passage nage vers vélo n'a pas tout à fait eu lieu. Comme si j'avais nagé au pas. En revanche descendre de vélo et se mettre à courir, ça donne quelques foulées bizarres, comme si les jambes étaient aussi moles que les montres de Dali. Mais pourtant elles avancent. C'est le cerveau qui peine à passer de la config moulinage à la config allonger une foulée.

Il y avait une consigne vrac pour les sacs. Une vraie surveillance à la sortie vélo (numéro vélo = numéro de dossard).

J'avais pris un antivol léger que je n'ai pas laissé dans le sac de sport que JF a remporté. Bien vu, fut très utile. 

Il faut glisser son dossard dans le dos pour le vélo et devant pour la course. Ne pas ôter la jugulaire de son casque de vélo avant d'avoir posé celui-ci à son emplacement.
Pour les hommes, ne pas ouvrir sa trifonction dans les zones d'arrivées ou de transition. Les femmes sont moins soumises à cette tentation.

Quelqu'un a partagé des sandwichs et une banane. On a pris un petit en-cas dans une boulangerie (pour moi : feuillette chèvre épinards). Remangé deux ou trois bricoles (quartiers d'oranges, pain et jambon glissé dedans) avant qu'ils ne replient le ravitaillement. J'ai gardé mes gants de vélo pour courir. Ça n'était pas gênant. J'ai aussi absorbé peu après l'effort une barre énergétique et un gel. Dans mon bidon de l'eau avec des gouttes de vrais citrons. C'était parfait. Pas pu boire pendant le vélo, mais la distance était trop courte.

Le triathlon, c'est euphorisant. En plus que les personnes que l'on croise sont belles d'allures, pour la plupart. 

J'ai soupesé quelques vélos modernes. Est-ce que ça changerait quelque chose dans mon cas ? J'aime mon vieux biclou. 

Je crois pouvoir affirmer qu'à part un mauvais quart d'heure (au sens littéral) de nage en combi, j'ai connu aujourd'hui le bonheur. L'Homme était venu m'encourager. Et ça m'a fait beaucoup de bien au moral.

Me suis régalée à prendre des photos bien qu'avec le seul téléfonino. Penser une prochaine fois à lui confier l'appareil photo afin qu'il me le passe pour la suite.

Je suis agréablement surprise par mon peu de fatigue. Preuve que je devrais pouvoir accomplir de plus longues distances ou aller plus vite.

Curieux de nager, pédaler et gambader là où dans un mois je vais venir à un événement prestigieux (4), et vers là où je ne travaille déjà plus.

 J'aimerais pouvoir m'aligner sur le M l'an prochain. Les temps ne m'ont finalement pas semblé si intenables. Seul le 1,5 km de nage avec combi me semble inaccessible (pour l'instant).

 

Il aurait fallu que je puisse pour le suivant participer sur les distances suivantes : 1 km de nage, 25 à 30 km à vélo, 7 km de course à pied, qui n'existent pas. Il me faudra donc me confronter à du M qui est un tantinet présomptueux pour moi. Peut-être que s'il fait beau ça ira. 

 

[crédit photo : Agathe Conte]

(1) Je sais que ça peut sembler bizarre. Mais ça me rappelle un vieil écrivain chilien (je crois) qui racontait dans les années de dictature une forme de soulagement à se retrouver en prison (une prison où ils étaient à peu près traités correctement) : la peur de l'arrestation, la tension permanente s'était de facto trouvée allégée. Il y a de ça : fini le souci qu'ils souffrent et se sentent mal, la peur d'être appelés en urgence.  

(2) Je m'étais à la fois dit qu'il était grand temps qu'en sport je passe à la vitesse supérieure et pas seulement nager deux matins par semaine et danser une fois et que le marathon mon corps ne voudrait pas ou du moins pas tant que j'aurais un travail physique. Qu'il fallait que le sport l'entretienne et ne l'entame pas. Et puis j'avais hérité je ne sais plus exactement comment d'un tee-shirt "triathlon" lancé par une femme de mon gabarit et je l'avais pris comme une transmission. Tu dois en faire quelque chose.

(3) D'une façon générale j'ai eu la sensation que ma respiration n'avait pas toute son ampleur.

(4) Remise du prix Marcel Pagnol avec Claude.

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Le même début que la fin

 

    Il aura été curieux que ma première journée dans ma nouvelle librairie de travail (1) démarre exactement comme la dernière de celle que j'ai dû quitter : une personne venant nous "vendre" son manuscrit alors que nous ne sommes pas éditeurs (2), dans les deux cas, trop empressée de nous raconter son histoire, alors que raconter par le menu les péripéties donne immédiatement le sentiment que ça doit être fort mal écrit, puisque sinon à quoi bon nous noyer dans une telle débauche d'actions. L'autre point commun étant que la personne semble très fière de son idée alors que dans les deux cas c'était du rabâché du 150000 fois déjà fait.
Celui de la veille y ajoutait une grosse dose de mainsplaining au moins aujourd'hui il s'agissait d'une femme partant probablement d'éléments autobiographiques, ce qui est moins pire.

Dans les deux cas, l'apprenti-e écrivain-e nous interrompant lors d'un passage de témoin et c'était curieux ça aussi d'être en transition d'un versant à l'autre (celle qui explique, celle à qui l'on explique), tout en étant témoin passif impliqué dans une semblable situation.

J'oubliais : le point commun entre ces deux importuns était qu'ils n'achetaient aucun livres, l'une faisant semblant d'esquisser un achat avant de lancer sa réclame, l'autre même pas, et considérant d'emblée que nous devrions être flattées qu'il consente à tenir notre avis pour valable.

À part ça, quelle belle journée et comme c'est étrange pour moi après tant d'années difficiles d'entrevoir la possibilité d'un relatif bonheur, de me sentir the right person in the right place. Je crains seulement quelques interférences les premiers mois avec la fin de mon épisode 2016/2017 du syndrome de George Bailey ; il va falloir que je cloisonne sévère. Et ça sera compliqué tant que les successions n'auront pas été effectives puis le déménagement des meubles et affaires de ma mère vers la Normandie (en gros, même si certaines choses iront ici ou là, qu'une répartition se fera).

J'aimerais tellement que côté État général du monde ça se calme un peu - après la destitution de Trump, par exemple, rêvons donc un peu -. Un peu comme si je souhaitais que les politiciens et autres dirigeants fassent correctement leur boulot afin que je puisse me consacrer aux miens. Douce illusion.  

 

 

(1) Je crois que je suis une polyamoureuse de la librairie, il y a toujours celle où je travaille et puis d'autres qui comptent beaucoup aussi, y compris parfois parmi celles qui n'existent plus (Livre Sterling pour ne pas la nommer).
(2) Certains libraires le sont aussi, on pourrait alors comprendre. Mais là, dans les deux cas : non.


Deep nice theater sleep

 

    L'un des charmes de l'abonnement collectif au Rond-Point est qu'entre temps j'oublie ce qu'on était censées voir et que l'on s'y retrouve entre amies. 

Ce soir sur ce dernier point, c'était bien raté : il y avait week-end de ciné-club et les camarades ont probablement modifié leur date. Je me suis donc retrouvée seule.

Sur le premier, c'est le plus souvent l'occasion d'une heureuse surprise. 

Ce soir, non. 

Deux hommes dont un à poil fréquentent la même femme - jouée par Emmanuelle Béart que je n'avais pas reconnue, et ça n'était pas par perfection du rôle tenu -. L'un d'eux est acteur de porno avec uniformes et entraîne l'autre dans ce métier. La femme est du type femme d'affaire pressée ; d'où qu'elle semble faire appel à des hommes que sans doute elle paie et qui viennent lui remettre les idées en place.

Ça eût pu faire un Jules et Jim assez joli. Hélas, non. 

Le jeu était outré, sans doute par dérision, il n'y avait fors deci delà une belle réplique, ou une phrase discrète mais destinée à nous rester, rien pour relever l'intérêt. 

Et comme je l'avais supputé, cet effet de mise en scène - oh un homme nu - servait à cacher l'inanité de l'ensemble. 

Après, l'ennui et ma fatigue m'ont si profondément entraînée dans le sommeil que j'ai peut-être manqué ce qui rendait la pièce un peu meilleure. J'ai repris conscience alors que l'homme nu se livrait à un touchant monologue sur son bonheur forestier - ce qu'il faisait seul en forêt m'a totalement échappé -, qu'avais-je donc zappé ?

Une fois rentrée j'ai tenté de lire quelques critiques et le résumé mais rien n'est venu m'éclairer. 

Comme j'avais déjà effectué la première partie de ma nuit, j'ai pu profiter d'un peu de temps personnel avant d'aller me coucher. Ce spectacle n'était donc pas sans intérêt.

 

Bon, mes vacances [d'un soir] ont été un brin décevantes on dirait. 

Cependant il semblerait que ça commence à sentir réellement le roussi pour Trump, alors il se pourrait que mon premier jour du nouveau boulot ait lieu dans une ambiance générale d'euphorique soulagement.