Subroutines
30 avril 2017
Comme Alice je ressens cette nécessité de témoigner pour plus tard, d'autant plus que quel que soit le résultat la période restera dans l'Histoire comme le moment de bascule où la mémoire de la seconde guerre mondiale dont il restait pourtant des survivants et des personnes qui l'avaient traversée enfants, n'était plus suffisante à maintenir à distance les séductions du populisme d'extrême droite, entre nostalgiques (qui s'étaient longtemps tus) et plus jeunes qui pensaient qu'il s'agissait désormais d'autres choses et qu'on pouvait mettre sur le même plan racisme et options économiques, que ça n'était pas si grave d'être racistes (et antisémites ...) au fond. Le ralliement des ambitieux a déjà eu lieu et s'amplifie.
Quant à l'argument (avancé par des personnes que ça navre, mais pas au point de tenter de faire cette fois barrage) "Elle va gagner en 2022" il semble très répandu. C'est curieux un peu comme si, puisqu'on doit y passer commençons tout de suite on en aura plus vite terminé. Sans tenir compte du fait qu'on pourrait en crever. Ni du fait que si on écarte le péril à présent tant de choses peuvent se passer qui feront que peut-être en 2022 on échappera même au fait de devoir se poser la question.
Je me dis qu'il faut que je raconte en mode terre à terre. L'effet fait pour quelqu'un qui vivait là une vie moyenne.
Alors une des choses que j'ai constatées dans mon cas, c'est que l'agitation politique est telle et le sens si fort du danger (1), qu'une sorte de sous-programme qui tourne en permanence dans mon cerveau en ce moment. Jusqu'à dimanche dernier il était très accès sur Bon sang mais dans cette confusion générale pour qui vais-je voter ?
Depuis je ne me pose plus de question, tant il me semble évident qu'il faut faire barrage au parti dangereux pour notre démocratie en votant Macron, quand bien même je n'aurais pas songer à le faire en dehors de ce cas précis. En revanche je m'en pose sur la mesure du danger, sur que faire si ?, sur ce qu'il adviendra du pays, sur comment ne pas fracasser des amitiés sur nos divergences apparues sur le fait de devoir faire comme en 2002 front républicain.
C'est pour moi une période de vie ultra remplie, alors il m'arrive d'avoir quelques heures à fond dans telle ou telle activité et donc d'oublier, mais c'est très bref, et je m'aperçois que mon cerveau continue à tourner.
L'autre sous-programme est intime : il concerne la mort de ma mère (début février) et ses conséquences. Beaucoup de boulot, et de deuil et tout court : il va falloir vendre sa maison, se répartir ses affaires, continuer à faire beaucoup de papiers avant que ça ne se calme. Et puis il y a eu des ricochets de conséquences comme d'être en première ligne face au cambriolage de la petite maison normande et la récidive (mais il n'y avait plus grand chose à voler ; déjà que). Alors je me rends bien compte qu'à part certains moments d'être totalement concentrée sur quelque chose, j'y pense d'une façon ou d'une autre, en basse continue, chagrin ou préoccupations consécutives concrètes, sans arrêt.
Par miracle j'ai en ce moment un troisième sous-programme fort stimulant puisque j'ai une perspective heureuse dans ma vie professionnelle, et qui me demandera beaucoup de travail. Parfois quand les débats politiques m'épuisent ou me désespèrent, je pourrais presque en venir à me dire qu'après tout je pourrais faire comme tant d'autres coquets du second tour (2) et me dire que j'ai bien assez à faire sans m'occuper de l'état du pays, qu'après tout je n'aurais pas trop de toute mon énergie pour faire tourner la baraque.
Seulement voilà je crois que mon travail quoi qu'il advienne sera impacté. Et quand bien même ; je ne sais rester indifférente au bien commun, au sort de la cité.
Il y en a un quatrième, plus discret, celui-là c'est moi qui l'ai voulu et qui concerne le sport. Dans un mois puis deux je vais tenter mes premiers triathlons. Je n'ai pas pu m'entraîner ces derniers mois comme je l'aurais souhaité. Ça va être rude. Et puis je dois faire encore quelques efforts d'équipement.
J'avais donc bien assez à faire sans que la part politique ne prenne tant de place malgré moi, qui rêve de retrouver cette distance d'autrefois, quand on avait des Giscard - Mitterrand ou Mitterrand - Chirac et qu'on savait que ça serait plus ou moins rageant ou moche (selon sa situation personnelle ou ses convictions) mais rien de dangereux pour la nation en tout cas, qui serait gouvernée avec un même sens des responsabilités même si les options prises divergeraient. Et donc en étant alors un français moyen on pouvait poursuivre sa petite vie sans trop se préoccuper de ce que là-haut ils faisaient, si ça ne faisait pas partie de nos centres d'intérêt.
Si les choses s'étaient déroulées normalement sur tous les plans, je devrais être en train de me dégager l'esprit en vue de mon nouveau boulot, en train de me préparer pour les triathlons, et je suis en train de surmonter la perte de ma mère et la perte de sens collectif commun de mon pays.
La tension liée aux élections est telle qu'il est difficile de faire des projets ; autour de moi je ne connais personne que la situation réjouisse (3). C'est sans doute la première élection où c'est réellement le cas.
(1) que l'on se retrouve en dictature comme de rien. Ne serait-ce que par la grâce de l'article 16 de notre constitution, tombé entre de mauvaises mains, sans même parler de cet état d'urgence qui a été prolongé d'ores et déjà pour au delà de la fin du règne de François Hollande.
(2) L'expression n'est pas de moi, je l'ai vue passer sur Twitter
(3) Je n'ai pas, à moins qu'ils n'avancent masqués, de lepénistes parmi mes amis et il se trouve qu'aucun d'entre eux n'est supporter de Macron first place, même si beaucoup ont déjà voté pour lui au premier tour (pensant déjà qu'il y avait urgence). Ce sont des votes "pour le moins pire".
PS : Et un très beau texte d'André Markowicz , parmi tant d'autres.