vendredi 3 février 2017 (to later remember)
Faire-part

La fin d'une vie

 

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Au termes de deux mois d'une lente descente vers l'extinction ma mère est donc morte ce matin. C'est à la fois trop long et néanmoins inattendu. Son état s'était soudainement dégradé entre jeudi et vendredi.

Elle était née en 1932 en Normandie et avait vécu les conséquences civiles du débarquement. Jeune adulte elle avait eu ce cran de "monter" à Paris. Plus tard elle y avait rencontré puis épousé un étranger, mon père, qui faisait alors partie de ces cohortes d'ouvrier que l'industrie française recrutait dans leur pays par le biais séduisants de contrats tout compris (le premier logement, une formation, du soutien logistique pendant tous les premiers temps, des cours de français sans doute aussi). Ma sœur et moi sommes donc d'une génération issue des conséquences d'une guerre. Jamais ni l'un ni l'autre n'auraient quitté leur région d'enfance et de prime jeunesse sans la pression féroce et stimulante de la nécessité.

Quand elle s'est sentie libérée de ses devoirs de mère, elle s'est mise (ou remise) à la poésie. Longtemps je lui ai tapé ses textes à la machine puis saisi sur l'ordi, avant que les turbulences (littéraires finalement aussi) de ma propre vie me rendent indisponible. Ma fille a pris un temps le relais. Ma mère m'avait signalé certaines de ses publications, offert quelques-unes. Je n'avais pas mesuré la réelle ampleur de son activité. 

Ce soir, j'en ai trouvé quelques traces numérisées. 

Quelques formes brèves : dans Traces 158
L'annonce d'une publication dans Poésie sur Seine n°45

Des petits cailloux éparpillés par là

Ma mère n'utilisait ni ordinateur ni aucun internet (pas même le minitel qui l'avait précédé), je n'avais donc pas songé à chercher des éléments de son travail dans ce coin-là. 

Mes parents et leurs frères et sœurs et les conjoints de chacun formaient un ensemble de vingt personnes. Trois seulement vivent encore. Quant à mes grands-parents, le dernier à rendre l'âme l'a fait en 1982, et je le connaissais finalement assez peu.
Le XXIème siècle aura réellement débuté en 2016. 
Nous sommes déjà les nouveaux anciens.

Non sans regret car elle avait la constitution pour devenir une vaillante centenaire, on peut considéré que ma mère est bien allé jusqu'au bout de sa vie, cycle complet, tous bonheurs et malheurs accomplis. Jusqu'à la perte de son énergie vitale, de l'élan.  

Ce soir nous sommes soulagés, c'était une tension difficile à soutenir que celle de savoir la malade seule sauf aux passages de soignants prévus et quand nous pouvions nous tenir (et encore, si impuissants), à ses côtés. Très vite nous serons épuisés. Puis viendra la conscience de l'éternelle absence et sans doute un fort chagrin.
Lorsque je lis ce soir certains de ses poèmes que je ne connaissais pas, j'avoue éprouver également une forme de fierté.

[photo : tout à l'heure, un arc-en-ciel en son jardin]

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