BDJ (probably) - For the first time in months (or years ?)
Ce que je souhaiterais (pour ma mère)

J'attends


    J'ai ces jours-ci la sensation de passer tout mon temps à attendre (tout en m'activant, ça ne veut pas dire que je me tourne les pouces).

J'attends des nouvelles d'un vieil ami qui s'est mis aux abonnés absents, ce qui, compte tenu du contexte (chacun de notre côté quelqu'un de gravement malade) m'inquiète. Pour autant je suis incapable de lui téléphoner (après son absence de réponse à quelques textos habituels) ... je n'ai que des choses terribles ou tristes à annoncer. Et donc si son silence c'est que de son côté ça ne va pas non plus, je me dis que ça n'est pas le moment. Alors j'attends.

J'attends un document.

J'attends que quelque chose se passe concernant ma mère, une évolution dans un sens ou dans l'autre de son état ou au moins de sa situation de personne clouée au lit dans une maison vide sauf lorsque quelqu'un passe.

J'attends qu'une lessive sèche pour sortir la suivante de la machine que j'ai déjà fait tourner. La maladie, ça salit.

J'attends la fin de la vague de froid avec une sorte de stupide illusion qu'après ça ira mieux. Sauf qu'en fait à part que je devrais récupérer un peu d'allant puisque mon corps aura moins besoin de chauffage intérieur, je ne vois vraiment pas pourquoi tout devrait s'arranger dès lors que l'air n'est plus glacé.

J'attends en bouillant d'une sorte de rage désespérée de retrouver du temps pour écrire. Chaque fois que je me relance, un élément survient qui me confisque temps personnel ou énergie, et pas des bricoles : depuis quatorze ans, maladie et décès de mon père, enlèvement de Florence Aubenas et Hussein Hanoun (participation à leur comité de soutien), faux diagnostic d'une maladie grave, esquisse de rupture subie, vraie maladie chronique sérieuse d'une personne de la famille, rupture subie et stupéfiante d'une amitié fondatrice, rupture conventionnelle d'un contrat de travail mais suite à une prise à partie brutale - six mois pour refaire surface -, reconversion (ça, c'est positif mais les débuts dans un métier ça saisit l'énergie, et puis mon corps devait se former (efforts physiques des heures d'affilées, station debout)), solides ennuis financiers à force de déficit de mois en mois creusé [en 2012 une pause dans les malheurs et comme par hasard c'est là que quelque chose enfin mérite publication], manifs répétées pour soutenir la loi pour le mariage pour tous, perte de l'emploi pour cause de fermeture de la belle librairie, rupture affective au même moment subie (comme si l'annonce de la fermeture de la librairie avait déclenché que quelqu'un qui comptait tant pour moi m'annonce de dégager, qu'il avait trouvé mieux) - à nouveau six mois pour refaire surface -, nouvel emploi mais particulièrement exigeant physiquement (un peu comme pour les ennuis d'argent, de mois en mois je vais, sans m'en rendre immédiatement compte, et croyant bien faire, faisant de mon mieux, m'enfoncer dans l'épuisement), rechute d'un des malades chroniques, gros ennuis professionnels de l'autre, attentat du 7 janvier 2015 et ce qui s'ensuit, dont une sorte de sur-rupture par dessus la rupture précédente, démission comme suite à une blessure de fatigue (1), avec un bon espoir d'autre poste en vue, moins physique, différent, attentats du 13 novembre et parmi bien des conséquences bien plus graves, volatilisation de l'emploi envisagé et gros problèmes financiers (concours calamiteux de circonstances dont un foirage de la poste qui mettra quinze jours à nous présenter un recommandé), CDD (très chouette, très beau décembre 2015 en librairie, mais très prenant aussi), recherche d'emploi active (ce qui englouti le temps, vraiment), nouvel emploi très bien mais prenant également (trajets et périodes à temps pas si partiel), licenciement économique de l'homme (après longue longue longue période d'incertitude), décès de mon beau-père, maladie incurable de ma mère. L'ensemble avec depuis 2013 ou 2014 en basse continue l'affaire de la fuite d'eau invisible pour bien nous pourrir et les finances familiales et la vie.

Il y aura eu deux périodes de respiration début 2010 et en 2012. À chaque fois, même si je me suis plutôt mise au service des autres, j'ai bien avancé mes propres chantiers. 

Serait-ce trop demander que d'en avoir à nouveau une en 2017, une fois achevé le malheur en cours et qu'il n'engendre pas trop de contre-coups ? Il y a de belles perspectives. Mais j'ai besoin de pouvoir enfin disposer de ma propre existence pour les concrétiser.

En même temps tout à l'heure, demain, un type dangereux sera nommé à la tête de l'une des plus grandes puissances mondiales et une guerre finale pourrait très vite arriver. L'Europe ne fera plus partie des pays à considérer. Et donc, même si dans nos vies personnelles certaines choses s'arrangent, c'est collectivement que nous risquons de morfler. Le pays où je vis risque à partir d'avril en plus de se trouver fort mal embarqué.

Comment faire pour écrire quand rien ne se calme jamais ? Comment faire pour créer ? Comment y sont parvenus ceux et celles qui nous ont précédés (et connaissaient de largement aussi rudes difficultés) ?

 

(1) C'était sans doute une fracture de fatigue pas tout à fait bien diagnostiquée liée au fait de pousser en m'aidant d'un pied de lourds chariots pour des livres vendus à l'extérieur de la boutique ; je ne suis vraiment guérie et sans aucune douleur que depuis octobre, soit un an après. J'ai été trop consciencieuse je suis allée travailler alors que je boitais.

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