J'aimerais que l'un-e de mes ami-e-s qui savent bien écrire les choses avec une part politique se soit saisi avant moi du sujet. C'est quelque chose que je ne sais sous quel angle aborder.
Et de toutes façons comme me le faisait remarquer une amie sur Twitter, Trop tard il a le pouvoir.
Mais je crois que j'aime bien piger les mécanismes de pensée, je dois y trouver un élément rassurant. Un peu comme dans les Agatha Christie : il y a plein de crimes de partout mais toujours un mobile compréhensible (même si peu excusable). Elle ne présente pas des gens qui tuent pour le plaisir de le faire. Alors voilà, ma part d'enfance me pousse invariablement à tenter de trouver une explication rationnelle.
Et là, j'ai bien l'impression que ce Nouveau Néron qu'est le Potus45 tant qu'il n'aura pas fait sauter la planète par guerre ou par destruction de l'environnement, ne cessera de me poser ce genre de questions. Mais comment est-il possible que ..?
En l'occurrence sur ce désormais fameux executive order on refugees and immigrants.
OK le type a les idées qu'il a et, selon cette logique politique désespérante qui fait que tout politicien qui a des idées humanistes de générosité et de partage et d'entraide et de peuple instruit une fois élu se les garde pour lui (1) alors que ceux qui ont des idées de repli sur soi, rejets de l'autre, de toujours plus aux plus riches et de Il nous faudrait une bonne guerre à peine au pouvoir, ils foncent, il a foncé. Donc au bout du 7ème jour après son investiture, au lieu de prendre un sain(t) repos, vlan il décrète de plus belle (2). Il estime donc qu'il faut interdire aux ressortissants de tels ou tels pays d'entrer désormais sur le sol des États-Unis. OK, admettons. Admettons même que par exemple il se soit trouvé que les ressortissants de ces pays aient effectivement fait beaucoup de terrorisme aux États-Unis dans les années qui précédaient,
comment ça c'est pas le cas ?,
et qu'on soit de son parti politique et qu'on se dise, oui c'est bien, quelle bonne idée, comme ça on sera protégés (3).
Admettons.
On a donc un gars et tout son staff exécutif, qui prennent une décision à effet immédiat, sans penser le moins du monde à ceux qui sont au même moment dans les avions, avec tous leurs visas, leurs cartes vertes, leur chez-eux aux USA, ceux qui rentraient tranquilles pépouzes d'un moment en famille, ou d'un voyage d'affaires et pour qui soudain, ben non, ça peut pas, t'es pas né dans le bon pays, rentre chez toi.
- Mais justement je rentrais chez moi, là ...
- Hé bien hop c'est plus chez toi.
C'est quand même étrange une telle absence d'un minimum de sens de la mise en place concrète de ce qu'ils ont décidés.
Puis je me suis souvenue que ce type est milliardaire, c'est sans doute ce qui lui a permis d'être élu, et qu'il doit être tellement habitué à ce que toutes sortes de personnes se plient à ses moindres désirs, soit grassement rétribués soit craignant son pouvoir - car l'argent en donne tant -, qu'il n'est plus capable d'envisager le concret des choses, ni que certaines contraintes existent et ne sont pas flexibles et sont hors d'atteinte du bon vouloir de qui que ce soit. Un avion qui décolle à une certaine heure et vole à une certaine vitesse sur un certain parcours, ne peut pas arriver avant ni après une certaine heure. Et on ne peut faire de personnes qui voyageaient à bord en toute légalité au départ des illégaux à l'arrivée parce qu'on a décrété tout soudain que leur visa n'était plus adapté.
Certains cadres dirigeants du temps de l'"Usine" avaient de tels comportements. Habitués à l'obéissance servile de la plupart des gens, ils ne concevaient pas qu'on leur oppose la moindre contingence, feignant de croire qu'il s'agissait d'humaine mauvaise volonté.
J'ai des souvenirs des temps anciens de l'informatiques lorsque certains programmes conséquents n'étaient supportables par les machines de l'époque qu'en tournant la nuit alors que les traitements en ligne diurnes n'avaient pas cours, et précisément pour éviter que ceux-ci qui étaient en lien direct et immédiat avec les opérations des clients, ne tombent, bloqués, de certains hauts hiérarchiques qui après avoir demandé la modification de tel ou tel paramètre exigeaient qu'on relançât immédiatement la nouvelle version sans attendre la nuit. On avait beau expliquer que non seulement le traitement ne passerait pas, trop lourd, qu'il allait surcharger la machine au point d'être rejeté, non sans avoir fait planter tous les traitements en cours de tous les utilisateurs y compris ceux face aux clients, qu'il n'y avait que la nuit en heure creuse de des programmes de l'ampleur de celui requis pouvaient tourner, que les résultats seraient disponibles première heure du lendemain, beaucoup d'entre eux ne voulaient rien entendre.
- Lancez, on verra bien.
- C'est tout vu ça va planter. Il nous faudrait sinon des machines plus puissantes.
Ils avaient trop l'habitudes d'une réalité pliée, celle de leur volonté imposée aux autres sans soucis des conséquences. Les ambitieux subalternes temporaires se contentaient d'obéir, de sembler surpris du dysfonctionnement, qu'ils n'avaient de cesse que d'imputer à autre chose qu'à sa cause réelle, entre-temps la nuit venait, le programme pouvait passer au moment qui convenait et ils se présentaient au matin comme les sauveurs d'une situation compromise.
J'imagine que quelque chose de cet ordre c'est joué là. Personne n'a osé dire suffisamment fort que ça allait coincer pour des gens en cours de route, qu'il n'était pas décent de faire ça [déjà que], sans donner de date de mise en place dans un futur au moins assez éloigné pour ne concerner aucun avion déjà décollé. Et ça serait déjà bien le bazar si la mesure intervenait à partir de lundi ou du 1er février, mais pas tout de suite, pas juste là, maintenant, je signe et le temps que j'aille ensuite pisser on commence à bloquer les gens.
Personne dans son entourage n'aura osé s'opposer à la réalité pliée de l'apprenti dictateur.
Ça promet.
Ou alors c'est délibéré de leur part (- mais, et les gens en cours de route ? - don't care, on les arrête à l'arrivée, tant pis pour eux).
Et alors ça promet pire.
La démocratie Américaine, par le résultat de ces plus récentes et peut-être dernières élections présidentielles, s'est offert un crash-test grandeur nature, sans prototype à sacrifier sans trop devoir s'en inquiéter. It's for real. Puissent les différents acteurs de la mécanique politique et les citoyens responsables et intelligents (4) parvenir à éviter le pire.
(1) J'ai connu une exception : les tout débuts de Mitterrand en 1981. Mais ça n'a vraiment pas duré longtemps. Il en reste ici ou là 39h/semaine, un peu de congés payés en plus, le prix unique du livre (ce qui me permets à moi et à d'autre d'avoir encore du travail dans des conditions humaines) et ... la fête de la musique.
(2) Déjà que de toute la semaine il n'avait pas chômé. On en viendrait presque à regretter qu'il ne soit pas un peu fainéant.
(3) Je rigole, en fait, je n'arrive déjà pas à comprendre ça, mais disons que je parviens à concevoir que des personnes à la fois peureuse et munies d'un complexe de supériorité et paniquées par la recrudescence des attentats dans les pays occidentaux depuis le 7 janvier 2015, tiennent des raisonnements de ce type.
(4) Au passage, les jeunes chefs d'entreprises fleurissantes qui sortent de leur réserve pour dire Halte là, vous allez nous empêcher de travailler si vous continuez, sont peut-être les meilleurs remparts. C'est bien s'ils tiennent bon.