"À quel âge sommes-nous nous-mêmes ?"
Ce monde-là

Une tape sur l'épaule

    C'est un des RER C du matin. Étrange période entre les fêtes où nous sommes quand même un bon petit nombre à nous en aller bosser (1). Pour le deuxième matin un train court est annoncé qui s'avère long en fait. 

Ce qui permet aux voyageurs d'être répartis, tranquilles et naturellement, un par lot de quatre sièges, dans cette sorte de bienséance qui veut que l'on évite de s'entasser s'il n'y a pas nécessité.

L'homme qui est assis aux quatre sièges juste devant le groupe que j'occupe, dort. Il a la tête appuyée sur la vitre. On pourrait imaginer l'entendre ronfler.

Arrivés aux Grésillons ou bien à Gennevilliers, un autre homme assis davantage vers l'avant, se lève plus tôt que nécessaire. Au lieu de se diriger vers la porte la plus proche il marche vers l'arrière. Alors qu'il parvient presque à ma hauteur il tape doucement sur l'épaule du dormeur. Un geste amical et chaleureux parfait qui m'émeut.

Le dormeur a une fraction de seconde un bref air éberlué, mais aussitôt se lève et lui emboîte le pas. 

Sans un mot.

J'ai d'abord pensé à deux collègues qui bossaient sur le même chantier (2). Ça m'a bien plu l'idée.

Seulement la façon dont celui qui dormait s'est trouvé immédiatement opérationnel, et leur silence bien rodé peut laisser place à bien des romans. Des soldats (sans uniforme) ? Des hommes effectuant une filature et s'apprêtant à utiliser la circulation à plusieurs issues des RER à étages pour plus de discrétion ? 

En terme de scénarisation de la vie quotidienne, ce geste et l'enchaînement de leurs mouvements était vraiment parfait. Je leur suis reconnaissante de m'avoir offert matière à romancer.

 

(1) Sinon quel intérêt de prendre un RER vers 8h ? Et qui s'éloigne de Paris et donc des gares importantes, des trains pour aller loin.

(2) Pourquoi un chantier ? Peut-être à cause du nombre de grues sur zone. Ou que j'aime à imaginer le travail qui s'y fait. Et qu'il se prête à de la camaderie.

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