Deux ou trois souvenirs de Gotlib
05 décembre 2016
Mes souvenirs de Gotlib sont essentiellement des souvenirs d'enfance.
Il y avait Gai-Luron dans Pif Gadget que j'aimais bien : j'aime l'humour à froid ça date de mon atterrissage au monde, la mort de Kennedy sans doute.
Et puis Rubriques à Brac et les Dingodossiers, que je lisais en les empruntant à une bibliothèque, Isaac Newton et la pomme, l'enfant qui perdait soudain la magie de sa comptine, Le blésmouti labiscouti oui leblésmou labiscou, la coccinelle, des trucs de type jeux de mots foireux (1).
En revanche Super Dupont et Pervers Pépère étaient trop "mecs" pour mon humour de fillette ou d'adolescente. Depuis le temps que j'ai envie de relire ceux qui me faisaient rire, peut-être que des publications "en hommage", me permettront de ré-accéder à mes enchantements d'enfant.
Un autre souvenir date du dimanche 17 septembre 2006. C'était l'époque où Bruxelles était pour moi la ville d'après la ville d'avant et la ville d'avant ce qu'elle serait pour moi après, une sorte de seconde maison. L'époque aussi où avec le fiston qui n'avait pas douze ans, nous profitions tant que nous le pouvions d'un tarif miraculeux d'alors à la SNCF pour enfant de moins de douze ans et un accompagnant.
Donc, Bruxelles, tous les deux, un dimanche d'après la rentrée scolaire, histoire de se détendre un peu. Et comme je souhaitais avant tout faire plaisir à l'enfant notre visite principale fut pour le musée de la BD.
Et voilà que parmi tant d'autres choses il y avait sous verre certaines pages des cahiers d'écolier de Marcel Gottlieb. Dès que l'exercice le permettait, il faisait des illustrations épatantes (2).
Et il y eut (au moins) un instituteur ou un professeur intelligent qui avait noté sur un de ses devoirs,
"+ 2 pour les illustrations !"
À l'époque je ne connaissais pas l'histoire du petit Antoine qu'une institutrice bienveillante avait laissé écrire soudain en marge de son cahier, se gardant bien de le rappeler à l'ordre et enjoignant même ses camarades à respecter sa concentration.
Mais j'avais été émue aux larmes par la clairvoyance et le soutien de cet adulte grâce aux encouragements duquel nous sommes des milliers (millions ?) de lecteurs à avoir pu profiter de l'art de ce grand Marcel. Ça m'avait tellement marqué que ce soir, sans avoir trop à le rechercher j'ai trouvé mes photos de l'époque et les photos du cahier, alors qu'elles n'étaient pas même taguées : en ce temps-là notre mémoire numérique était toute fraîche et nous n'imaginions pas un jour nous retrouver à la tête de bibliothèques personnelles d'images parmi lesquelles des retrouvailles seraient difficiles.
Gloire aux enseignants qui protègent et encouragent les enfants créants.
À part ça, cette année 2016 est décidément une hécatombe. Tous ceux et toutes celles que j'admirais dans ma jeunesse et qui ne l'avaient pas déjà fait, poussent leur soupir dernier.
(1) J'aime les calembours, c'est un point commun avec feu mon père.
(2) J'imagine une mère attentive, le soir avant le souper ou juste après, - Marcel fait tes devoirs au lieu de [toujours] dessiner.
- Mais maman, je les fais.