La journée de librairie aura été toute douce : seules deux personnes pour des échanges de cadeaux (1) et sinon quelques clients paisibles et une jeune australienne. Les trajets se sont effectués sans tracas particuliers.
Au retour j'avais décidé de me la jouer premier bus premier train. Ce qui m'a fait repasser par Paris.
Gare du Nord, les portiques avant l'accès aux Thalys sont plombants. Je me souviens d'avoir tant de fois accompagné les uns ou les autres jusqu'à leur train. Ça ne serait plus possible et ça me rend très triste.
Une amie semblait chez elle mais je n'ai pas osé la déranger. Salut, je bossais aujourd'hui, et là je rentre chez moi, ça me ferait plaisir qu'on se voie, on prend un café ? : Pas osé.
La raison voudrait que je lui envoie un mot pour lui proposer une revoyure un autre jour. Le hic c'est qu'en ce moment je ne peux rien prévoir. C'est effarant comme l'hospitalisation sans guérison possible d'un proche nous enserre, comme cela nous confisque le temps.
Et puis il y a le travail avec des week-ends travaillés. En temps normal ça ne me pèse pas, le tout est de s'organiser. En ce moment, c'est compliqué.
C'est bizarre de ressentir comme si triste une journée qui s'est bien passée.
Mais elle est plombée par les conséquences de ce qui se trame ou s'est tramé.
L'affaire de la fuite d'eau invisible nous coûtera 6200 € (avant travaux). Il faut payer avant la fin de la semaine. Nous n'avons pas contesté en temps voulu une expertise écrite à charge et nous voilà considérés comme fautifs. Ni effectués assez vite des travaux de (re)mise aux normes.
Un blog que je lis d'habitude pour me remonter le moral citait une des œuvres de l'ex-bien-aimé et de sa dulcinée. Ça brûle encore. J'ai la sensation d'une spoliation. Que c'est avec moi qu'il aurait dû écrire. Je me dis que l'auteur du blog n'a sans doute pas la moindre idée de la façon dont son ami est capable de traiter une femme dès lors qu'il a trouvé mieux, ou du moins plus conforme aux désitérata masculins (2). J'ai eu cette pensée pour le moins curieuse que c'est probablement par lui que j'apprendrai sa mort. À tout le moins, c'est présomptueux.
Pour autant ce blog reste intéressant, il ne faut pas tout mélanger. Et d'ailleurs les blogs que j'ai pu (re)lire aujourd'hui auront été réconfortants. Les réseaux sociaux ont presque tout phagocytés mais ceux qui perdurent sont de qualité.
Je me dis, comme Anne, que l'année 2016 aura été très très peu voyageuse : nouveau travail oblige, manque de congés et manque d'argent. Je ne pense pas que j'en aurais vraiment jamais, mon métier de libraire est un genre de sacerdoce qui maintient fauché-e. Mais si je parvenais à écrire et publier quelque chose peut-être serais-je ici ou là invitée (on peut toujours rêver).
Je me laisse parfois aller à imaginer ma vie si elle n'avait pas à deux reprises violemment été déviée. Il y a le parc (un parc) en commun. Les livres. Mais à part ça ?
Suis-je vraiment où je suis ? Est-ce que je n'ai pas une existence principale en train de se dérouler ailleurs, dans les progrès d'écriture, en bonne compagnie ? Comment peut-on être à ce point un pion entre les mains d'autrui ? Je te veux près de moi / Je ne te veux pas / Je suis si heureux que tu sois venue / J'ai rencontré quelqu'un / Tu n'encombres jamais / Ça serait mieux qu'on ne se voie plus
Les écrivains, sans doute plus que d'autres, une fois dans la vraie vie écrivent n'importe quoi.
Il y aura eu le réconfort en mettant à profit un moment calme de tomber sur un album illustré pour enfants écrit par un ami. Mais la tristesse associée de ne même plus se rappeler de la dernière fois que nous avons passé un peu de temps ensemble, tellement les mois ont défilé sans les moindres retrouvailles. Partant de là je me suis souvenue de tou-te-s les ami-e-s disparu-e-s. Des personnes qui ont cessé de donner de leurs nouvelles et d'en prendre. Des blogueurs, entre autre, qui ont cessé de bloguer, et dans le même mouvement, toutes relations avec leurs anciennes connaissances. J'aurais passé une partie non négligeable de mon temps à attendre en vain le retour de quelques-un(e)s. Leur volatilisation avait si peu de sens. Comment peut-on du jour au lendemain mettre quelqu'un à la poubelle, sans signe avant-coureur, sans conflit, sans rien ? Ils ou elles allaient revenir, forcément, dès qu'ils retrouveraient un moment.
Écrire me manque, je ne le fais plus qu'ici depuis la mort de mon beau-père et la sur-occupation induite alors que je tentais péniblement de retrouver un rythme après l'été de permanence puis la rentrée (scolaire et littéraire) et quelques rencontres avec certain-e-s de mes auteur-e-s préféré-e-s. Il y aura eu le festival de cinéma d'Arras (et de l'écriture sur les films, jusqu'au jour de l'annonce de Trump élu, comme ça m'a coupé les pattes, ça), puis la dégradation de la santé de ma mère et depuis les circuits hosto-boulot et l'épuisement induit. D'autant qu'en décembre en librairie c'est du 7/7 ou quasi.
Reste qu'au moins je n'ai rien à me reprocher : il n'y a pas d'interstices dans lesquels je pourrais glisser cette part de mon travail. Tout est trop instable, trop perturbé.
J'apprends par François Bon que la librairie Corti va fermer. Même si elle a des successeurs, ça ne sera plus pareil.
George Michael est mort. Je sais pertinemment que le sort (?) se contrefout du calendrier. Il n'en demeure pas moins que cette année 2016 aura été celle d'une hécatombe de personnes qui furent très créatives et reconnues dans leurs métiers. On pourrait presque croire qu'il y a quelque chose de l'ordre du : Vu ce qui se profile, on préfère partir avant.
Par dessus tout il y a cette question de l'hospitalisation à domicile de ma mère qui me tracasse. C'est elle qui le souhaite. Et l'hôpital qui veut libérer des lits : on ne peut pas leur en vouloir de ne pas vouloir garder une patiente en fin de vie qui refuse les soins. Mais l'idée de quelqu'un laissé seul qui ne peut quitter son lit me gêne. Tous sont à me dire que je m'en fais pour rien, que des passages sont prévus, et des systèmes d'appels (3). Mais ça me tracasse : être seul-e, étouffer, ne pouvoir appeler.
J'ai été malade hier soir, une sorte d'intoxication alimentaire, c'est seulement au cours de la journée que j'ai cessé d'avoir le corps douloureux. Il me semble que la fatigue des jours derniers et ces inquiétudes lancinantes, n'y étaient pas pour rien.
Il fera froid, les jours prochains.
(1) quel contraste avec le XVIème arrondissement et ses refourgueurs de cadeaux achetés sur amazon ou à la Fnac (étiquettes incluses)
(2) Merci à Anne Savelli pour ce lien édifiant.
(3) À une paire de jours de son retour, rien n'est installé, cependant.