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Prolétaire un jour, prolétaire ...

 

    Quand même cette curieuse constatation alors que j'aborde une nouvelle activité importante, nouvelle étape de ma vie, et pour la première fois (1) avec le sentiment qu'elle est choisie, qu'il y a eu de ma part une mise en œuvre presque méthodique afin d'y parvenir, parvenir au bord de tenter ma chance. Entre la prise de conscience que c'était là une voie à explorer pour moi et cette étape décisive (le plus dur reste à faire), compte tenu du contexte, il m'aura fallu cinq ans.

Peut-être qu'ensuite les forces me manqueront. Mais je tiens à essayer, faire de mon mieux, quitte à subir un échec plutôt que de rester dans de vagues rêves que l'âge ou la maladie éteindront, ou des regrets diffus. Mon point d'honneur est de faire de mon mieux.

Et donc quand même cette curieuse constatation, de ressentir une fois de plus que je suis la prolétaire d'un groupe qui m'accueille, celle confrontée à des tracas de coûts et de disponibilité horaire et calendaire, plutôt que d'organisation personnelle et de volonté. Je m'aperçois que j'ai eu le même tour pour tout ce que j'ai entrepris comme activités personnelles dans ma vie, exceptée peut-être l'inscription au cours de danse où j'ai pu observer au fil des ans que je n'étais pas la seule qui peinais à payer l'abonnement - tout en m'étonnant d'être une des seules à n'avoir pas réellement le choix des horaires de cours : c'est quand je ne travaille pas -. 
À croire que pour mes origines, dont je ne me dépare pas, j'ai de furieux goûts bourgeois. 

La part positive de cet ensemble est de pouvoir se dire qu'en cette vieille Europe en cette période là (fin XXème début XXIème) une femme quelconque, une citoyenne, pouvait avoir accès à ce qui lui convenait, même s'il s'agissait d'un accès strapontin. Aucune de mes aïeules n'aura eu de tels privilèges, ou la mémoire s'en est perdue. Mon appétit vient de leurs rêves, mes forces de leurs dévouements inouïs à leurs nombreux enfants. 

(1) Je ne sais comment compter ma vie de choriste tant ça me semblait une sorte d'injonction absolue lorsque j'ai croisé sur le pare-brise d'une voiture, le petit feuillet d'appel à voix de ma première chorale.  


Bécassine béatitude absolue

(Vous avez le droit de vous moquer)

J'ai traversé toute ma vie loin du luxe - fors quelques parenthèses un peu "fiançailles de Frantz" -, je n'ai ni argent à dépenser (ou si, une fois, en juin 2005 et j'en ai conçu une forme légère d'amnésie, retrouvant plus tard quelques chaussures, quelques habits dont je n'avais plus le souvenir ; il y avait eu une période d'euphorie à laquelle je n'étais pas du tout entraînée), ni envie de dépenses d'acquisition d'objets. Des choses utiles pour la vie quotidienne, oui, par exemple j'aimerais pouvoir refaire enfin la salle de bain, ranger l'appartement, refaire le réseau électrique (par sécurité), j'aimerais pouvoir participer à des financements de beaux projets, j'aimerais pouvoir à nouveau me déplacer et retourner en Italie, bientôt je vais avoir des envie d'expéditions sportives (1).

En 1998, lorsque le dopage s'est trop vu sur le Tour de France pour pouvoir continuer à être tu, j'ai découvert que des noms d'équipes pouvaient être des noms de montres de luxe. En fait je ne rattachais pas les noms des groupes de coureurs à des choses, y compris pour les marques bancaires pourtant connues de ma vie quotidienne. C'était disjoint. Des sons sans lien. Et (pour le cas des montres) pas la moindre idée de ce à quoi ressemblaient les objets, je veux dire, ce qui pouvait les distinguer des autres appareils à mesurer le temps que l'on porte au poignet.

Sous le précédent président qui aimerait tant devenir le suivant, il avait été question d'une marque de montre de luxe, un riche membre de sa cour ayant eu une sortie sur le fait d'en posséder une et qui aurait pu (dû ?) être un motif de fierté (2). À l'époque j'avais cru qu'il s'agissait d'auto-dérision. Ou qu'il avait été payé par la marque pour créer du buzz comme on disait (3).

Et puis ces jours-ci, je croise cet homme, sportif, d'allure élégante, avec au poignet une grosse montre métallique moche qui détonne avec l'ensemble de sa tenue, sobre et bien portée. Un peu comme des types qui semblent assez fins mais ont une grosse chevalière ou une gourmette énorme au poignet ou une dent en or (4) ou un tatouage voyant et racolleur. Bref, ça ne collait pas avec lui - je ne le connais guère, alors disons : le reste de l'image de lui -.

Ce matin, un de mes neurones, celui que lassent mes différents petits handicaps sociaux, a entrepris de me faire faire sur l'internet des familles la recherche élémentaire qu'il fallait.

J'ai enfin pigé.

Tout simplement l'homme disposait de cette fameuse montre réputée pour sa cherté. Et moi qui avais commencé à inventer des scénarii possibles de la présence d'une toquante détonante au poignet d'un homme au charme discret (5), j'ai enfin pigé qu'en fait il en était probablement fier. Peut-être même très.

[J'en ris encore]

 

PS : Comme je viens d'acquérir une grosse montre voyante pour les données d'entraînements - pas trouvé de modèle "filles" avec l'équivalent technique qu'il fallait -, je crois que je ne vais pas tarder à être aussi ridicule, quoi qu'en moins clinquant.

PS' : Peut-être qu'il disposait d'un modèle particulièrement volumineux et coûteux [à supposer qu'il y ait une corrélation taille / prix], et que d'autres de la même marque sont plus discrètes, qu'il existe des modèles fins pour femmes qui tiennent de la joaillerie, je ne sais, ou qu'avec un équipement de type costume cravate très corporate cadre sup ça ne m'aurait pas sauté aux yeux.

 

(1) Je n'avais pas mesuré le coût, exorbitant à mes yeux de semi-smicarde, de la pratique du triathlon : celui des engagements aux courses et des déplacements.

(2) ou plutôt de honte de n'en point avoir.

(3) Mission en l'occurrence parfaitement accomplie

(4) Déjà du temps où ça se faisait [la génération de mes parents] autrement que pour des rappeurs, je ne comprenais pas. Je trouvais ça d'une laideur maximale.
(5) Héritage familial porté avec piété, cadeau de la femme ou de l'homme aimé, qu'on trouve moche mais qu'on porte par amour du ou de la bien-aimé ...


Les tenues

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Je n'achète pratiquement plus de vêtements fors quelques occasions qui nécessitent une tenue particulière, par exemple pour assister à un mariage, ou il y a trois ans pour me vêtir en vue d'un entretien d'embauche. En fait j'utilise ce que j'ai, et pour le reste je me débrouille en mode Fortunes de rues - lorsque je travaillais dans le XVIème arrondissement, j'ai refait la garde robe de toute la famille, l'air de rien.

À présent que l'inscription dans un club de triathlon me conduit à acheter d'un seul coup un complet équipement, aux couleurs de celui-ci, je suis donc toute surprise de cette profusion vestimentaire, d'une séance d'essayage durant laquelle je n'ai pas à arbitrer par manque de budget, mais qui sert simplement à déterminer la meilleure taille car les différentes pièces à acquérir sont déjà déterminées.

Du coup et pour la première fois de ma vie j'ai pu entrevoir l'ombre du début du frémissement de compréhension de ce qui poussait tant de personnes à aller parfois "faire du shopping", car c'est effectivement vaguement agréable que de sélectionner ce qu'on sera amené-e-s à porter, du moins lorsque le budget y est. Et où personne ne viendra vous faire le moindre reproche puisque c'est obligatoire.

Depuis mon enfance et les sessions achats de chaussures en Italie (plus belles, moins chères), j'avais oublié qu'effectivement, acheter peut comporter une part de plaisir, de festivité.

À part ça enfiler la tenue du club ça donner un préambule de trac. Serais-je [un jour] à la hauteur ?

 

[photos : contrairement aux apparences ce ne sont pas les couleurs du club (et j'ignore s'il y a coïncidence ou concertation)]


Le jour des bonnets (de bains)

 

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Il semblerait que désormais chaque mardi doive être dédié à quelque série de choses que je reçois. Ainsi mardi dernier fut la journée de ma la pomme et ce mardi fut le jour des bonnets (de bain) : j'ai dû en acheter un au distributeur de la piscine le matin même (comme suite à un malencontreux oubli) et on m'en a offert un le soir.

Je suis curieuse de savoir ce qui m'attend mardi prochain. 


Je suis sans doute bête ou trop vieille désormais

... pour comprendre certaines choses.

Ainsi ces jeunes femmes croisées dans Paris. Voile religieusement porté. J'avais déjà remarqué que ça n'empêchait ni les chaussures de sport hyper-tendance ni les équipements technologiques de la plus performantes modernité. Pourquoi pas, en fait ? Mais depuis quelques temps je vois d'autres alliances que je ne comprends pas : voile et mini-jupe ; ce soir, voile et talons aiguilles (avec tenue plutôt sexy). Une seule certitude : au port du voile, je n'ai pas tout compris.

Ainsi cet état d'urgence prolongé prolongé prolongé prolongé. Ça me paraît peu efficace, sans doute justifiés dans les jours qui suivent un attentat alors qu'on recherche sans doute encore les suspects, leurs complices, mais sur la durée ? Là aussi, il se peut que je n'aie pas toutes les clefs de compréhension. 

Je suis allée récemment livrer deux cartons d'ouvrages scolaires dans un lycée voisin de la librairie. Grille fermée, OK. Des jeunes filles conversaient de part et d'autres de celle-ci, qui d'ailleurs m'ont gentiment renseignée sur où sonner pour que l'on m'ouvre. Tutto bene. 

Je sonne on m'ouvre, je m'identifie - on ne me demande aucun papier, admettons qu'on m'ait reconnue comme étant quelqu'un qui bosse à la librairie -, c'est moi qui prends l'initiative d'ouvrir les cartons pour faire bien voir qu'il s'agit de livres, habituée aux contrôles dans les lieux publics parisiens. Au moment où je m'apprête à ressortir, les personnes présentent à la loge m'enjoignent de faire bien attention à ne laisser ni entrer ni sortir d'élèves. Dans la mesure où les entrées ne semblaient pas réellement contrôlées je trouve la recommandation un peu étrange, mais admettons, quelqu'un de mal intentionné pourrait profiter pour se glisser à l'intérieur et faire des dégâts sur les lieux ou les gens. Sortir ? 
Pressée de retourner sur mon propre lieu de travail, je n'ai pas posé de question. 
Les jeunes filles continuaient de se parler d'un côté et de l'autre de la grille et se sont poliment écartées pour me laisser passer tout en poursuivant leur conversation comme si l'une d'entre elle était en prison. Par chance elles n'ont pas tenté de profiter de mon passage pour se réunir d'un seul et même côté - j'ignore quel argument j'aurais alors pu leur opposer, et encore moins quelle délégation d'autorité (Je suis la libraire, je ne fais que passer, mais je vous interdis de sortir ou d'entrer ?) -. 

Ce soir via @samantdi je lis cet article : un élève majeur d'un lycée, rendu furieux par l'interdiction de sortir, a frappé une enseignante qui tentait de la faire appliquer. L'agression est inexcusable, mais ce qui l'a déclenchée me replonge dans la même perplexité. En quoi est-ce davantage de sécurité que d'empêcher les gens de pouvoir sortir ? 
J'ai vu passer il y a quelques jours le triste fait divers d'un type en engin motorisé qui a forcé l'entrée dans un établissement scolaire et a grièvement blessé plusieurs élèves, donc je peux croire que le danger est réel. Mais il est (éventuellement) entrant. Et je ne vois pas bien, sauf à considérer chacun d'entre eux comme un terroriste en puissance, pourquoi limiter la libre circulation des élèves eux-mêmes empêcherait quoi que ce soit. Ils sont a priori plutôt des victimes potentielles, non ?

Et je ne parle pas même des exercices de confinement qui semblent si absurdes (article C'est bon chef, j'ai terrorisé mes élèves !, sur Médiapart) En cas de réelle attaque, à quoi pourrait bien servir le fait que les enfants un jour en pour de faux se soient couchés sous leurs tables ? (1)

J'ai l'impression que l'époque est devenue irrationnelle, ou moi stupide et déphasée, et d'être une très vieille dame du simple fait d'avoir connu des jeunes filles toutes - y compris musulmanes - heureuse de sortir "en cheveux" contrairement à leurs grands-mères, et des lycées dont les grilles étaient largement ouvertes dans la journée, d'éventuels intrus étant à l'occasion repérés par un gardien attentif qui les sommait de sortir ou se tenir à distance respectable des accès (2). Rétrécissements concrets et quotidiens des libertés.

 

(1) contrairement aux exercices d'alertes incendies qui peuvent permettre de reconnaître les issues de secours et de savoir quels sont les points de ralliement une fois dehors.

(2) Généralement des militants politiques qui tractaient, c'étaient des années très politisées. 


Classes populaires


    Une musique entendue sur ma petite radio ultra-locale m'a ramenée dans l'ambiance des années soixante-dix. Nous des classes populaires, on a vraiment cru qu'à condition d'être bosseurs et pas trop cons, on pourrait s'affranchir de l'usine et échapper aux guerres qui avaient essorées nos parents et grands-parents. Force est de constater qu'il n'en a presque rien été : on a échangé carcan contre précarité, pas même au grand air, vagues emplois devant un ordi, ou de manutention en lieux fermés, et la paix est sans cesse et de plus en plus menacée - en plus que pour certaines régions du monde elle n'a semble-t-il jamais existé -.

(Je ne parle pas pour moi, qui m'en sors pour l'instant mais au prix de quels efforts et quelles chances et par la grâce de l'amitié, mais d'un point de vue générationnel et pour les suivants, il y aura eu un petit lot d'années durant lesquelles en Europe occidentale on a cru avoir le choix, que nos enfants l'auraient) 


Dimanche jet-lagué

 Comme je préparais une rencontre-dédicace pour la librairie, et que nous n'étions pas encore tout à fait sorties du rythme "rentrée scolaire", la semaine n-2 avait été diablement intense. Un rhume à voix éteinte était venu compliquer les choses. J'avais comme d'habitude tenu le coup en refusant de m'avouer vaincue. Cette attitude bravache finit généralement par impressionner les microbes mais leur retraite s'accompagne d'une fatigue résiduelle supérieure à celle qui subsisterait si l'on avait capitulé d'entrée, passé trois jours au fond du lit pour se relever alors que leur victoire trop facile ne les intéressait déjà plus. Le lundi qui est mon dimanche avait été actif, puis la nouvelle semaine s'était présentée, elle aussi fort joliment chargée. 

D'où un retard solide dans les tâches domestiques et d'écriture, les photos à envoyer, les mails à répondre, tout (1).

Comme je disposais d'un dimanche non travaillé et d'un lundi prévu tranquille - j'hésite seulement au soir entre piscine et poésie -, je comptais mettre à profit le dimanche pour me remettre à flot.

Il faisait grand beau. Nous sommes allés courir. 

Mais en prenant notre temps. Celui d'admirer la face sud de l'île qui nous permet d'agréables entraînements (au soleil à l'abri du vent, on avait un sursis de presque-été). Celui de s'étonner de la transparence de la Seine dans cette zone-là. À presque donner envie de s'y baigner (c'est bien la première fois).

Celui d'admirer les joueurs de basket de rue, au bord de l'eau à Levallois. Ce sont généralement de sérieux concurrents qui s'y pointent et tout sport pratiqué à un certain niveau a ses beautés - y compris ceux pour lesquels on n'est pas passionnés -. 

Le dimanche était déjà à demi englouti lorsque nous sommes rentrés. 

Je comptais lire un tantinet, mais me suis endormie d'un bloc presque jusque au soir (2). Il faisait nuit lorsque j'ai pour de bon émergé. Avec la sensation de qui était en train de se remettre à l'heure après un voyage en avion aux nombreux fuseaux. C'était très agréable, ça me ramenait à mes sensations de 1989 lors d'un merveilleux séjour en Californie auprès de mon amie Carole et de sa famille, un des plus merveilleux moment de ma vie.

C'était un peu compliqué, j'ai cru qu'on était la semaine d'après ou que des choses prévues dans la semaine à venir avait déjà eues lieu la semaine d'avant. Il faut dire que jeudi en allant au travail par un chemin qu'une chaussée effondrée avait par ricochets compliqué, j'ai voyagé dans le temps et que j'ai pensé à l'avenir (ce qui ne m'arrive presque jamais, l'avenir pendant tant et tant d'année c'était vivre d'un jour l'autre, au plus loin, horizon fin de mois, la franchir sans trop d'encombres) alors c'est un peu normal que je ne sache plus quand j'en suis. 

Le fait est qu'à présent je me sens réveillée comme j'aurais dû l'être en plein dans la journée. Ce n'est pas désagréable je vais pouvoir un peu travailler pour moi, et rattraper mes retards de lectures chez les amis, mais pour ce qui est de ranger, rechercher (des habits, des papiers), repasser, lancer une lessive c'est raté.

 

(1) ou presque : pour les paiements d'impôts et de factures, j'ai accompli ce gros effort vendredi.
(2) J'en ai même profité pour faire un méga-beau rêve (même s'il finissait bizarre), au cours duquel je retournais en Belgique et pas pour rien ni n'importe qui.

PS : Et à part ça, grand merci à François Bon pour cette vidéo et ce lien (Sophie Cavez).
Merci aussi à Matoo pour le lien vers cette video de Nicole Ferroni drôle et instructive au sujet du Tafta CETA.


Mes amis sont au taquet (enfin aujourd'hui surtout un !)

 

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Il se trouve que pour l'assemblée du club de triathlon une photo de nous format paysage nous a été demandée, je crois afin que nous puissions nous présenter, nous les nouveaux. J'ai pris conscience ce matin qu'il fallait l'envoyer dans la journée et que si je disposais effectivement de quelques portraits mais au format paysage, uniquement des photos de groupe, dont certaines que j'adore. 

Il y a aussi qu'en 2015 j'ai pris d'un seul coup un méchant vieillissement - je me souviens de Carleen Binet évoquant la façon dont les événements de nos vies pouvaient marquer nos visages, j'avais pensé alors que c'était un peu surfait, même si ce qu'elle nous avait dit semblait prophétique, force m'est de constater qu'elle avait raison -. Les photos où je figure datant d'avant ne représentent plus franchement (franchement plus) la même personne.  

En fait un touite où je signalais ma quête a croisé un message avec un lien vers un site (privé) qui m'a fait chaud au cœur mais sur le moment même je ne disposais que de mon téléphone, j'avais donc seulement vu l'objet du mail dont j'ai cru qu'il annonçait une fête prochaine et c'est seulement après que j'ai vu qu'il contenait ce qu'il me fallait. 

Non seulement j'ai des amis (excellents) photographes mais deux ou trois (1) d'entre eux pratiquent une forme chaleureuse de télépathie. 

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crédit photos : Franck Paul pour le beau portrait en noir et blanc, Matoo (ou un ami ?) pour la rigolade sur un banc, Douja pour celle prise en octobre 2012 à Livre Sterling. 

(1) Au gré d'un mail qui annonçait un travail magnifique, j'ai aussi reçu une image mais elle était format portrait 
Gilda ecoute Thierry

merci à Anne Savelli


Dylan (encore un peu)

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Le week-end arrive et j'en suis heureuse : j'arrivais au moment où la fatigue risquait à nouveau de déposer une sorte de brume sur ce qui se vivait. Il faut dire qu'il n'y avait pas réellement eu de pause entre la semaine précédente et celle-ci puisque le seul jour de repos théorique avait été fort actif.

Pour la première fois depuis plus de dix ans, et même s'il y a eu du bon entre-temps, et (entre autre) une rencontre primordiale, je me sens soutenue par une brise favorable, ce n'est plus la tempête autour de mon radeau. La région est traversée par des vents violents et de sombres nuages d'amoncellent, mais en local, ça va mieux que ça ne le fut depuis 2003. Je naviguais à vue essayant simplement de ne pas sombrer et voilà qu'à présent je peux à nouveau considérer la carte, sortir les instruments, tenter de m'orienter. 

Ces discussions autour du Nobel de littérature participent de cette fragile et brève (je sais que ce temps sans turbulences sera de courte durée) euphorie. Ça fait du bien de se chamailler pour quelque chose de ce genre, ça détend, ça permet de souffler un peu. Le niveau global de violences et duretés a si bien augmenté depuis 2015, qu'on ne peut plus prêter attention à tout ce(ux) qui le mériterai(en)t. Un peu comme dans les transports en commun parisiens dans lesquels désormais pas une rame, pas un train n'échappe au passage d'un mendiant ou d'un autre. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut donner à tous, pour peu que l'on ait eu à faire plus de deux trajets et un peu longs. 
Alors se focaliser pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures sur un fait de divergence culturelle, c'est sans doute égoïste, mais ponctuellement ça fait du bien, ça permet de reprendre son souffle. 

Alors voici une image qui m'a fait rire, dont j'ignore l'origine, je l'ai pour ma part trouvée sur Instagram chez @driverminnie  et un texte subtil chez Vincent Message, qui permet à chaque lecteur de poser sa propre réflexion (je fais partie des libraires un peu chagrins, des "mais dans ce cas pourquoi pas Leonard Cohen ?" et de ceux qui savent combien certains écrivains auraient et mérité et eu besoin de la visibilité que donne cette distinction, je fais partie de ceux que ceci amuse néanmoins bien un peu) :  

 

« Le Monde » m’a proposé de réagir à l’attribution du prix Nobel à Bob Dylan. L’intensité des échanges sur les réseaux sociaux porte en quelques heures tout débat à ses points de saturation, et peut donner envie de passer à autre chose. Je pense néanmoins que nous pouvons nous estimer heureux de vivre dans un pays où chacun, à côté de la vie qu’il mène, est aussi sélectionneur de l’équipe nationale de football, ministre de l’éducation nationale et membre du jury Nobel. Je comprends, dans cette polémique, ceux qui disent que d’autres écrivains avaient plus besoin d’une telle reconnaissance, à une époque où la place de la littérature est extrêmement fragile. Je me sens plus loin de ceux qui affirment que Bob Dylan ce n’est pas de la littérature, ou qu’on ne peut pas être chanteur et poète. Mais au-delà de la polémique, j’ai voulu saisir l’occasion de rendre un hommage plus personnel à un très grand artiste, qui compte beaucoup pour moi.

"On raconte que l’été 1965, quand, au festival de Newport, Bob Dylan a mis un moment au rancart sa guitare acoustique et son harmonica pour jouer du rock électrique, les amoureux de folk dans le public n’ont pas suivi, ont sifflé et hué, ont crié à la trahison. On raconte que Dylan a continué sa route, désamour ou pas, accident de moto ou pas, pour traverser le blues, le gospel et la country, des mers et des montagnes, toutes les frontières. Aujourd’hui, ce sont les membres de l’académie Nobel qui le hissent sur un nuage en affirmant tout haut, avec le poids de l’institution qui consacre, ce que beaucoup de lecteurs se disaient déjà entre eux : Dylan est un immense poète.

J’ai découvert sa musique l’été 1998. Autant dire que je suis arrivé bien après la bataille. La marche sur Washington pour dire qu’on a un rêve, les eaux montantes des temps qui changent, c’était trois décennies plus tôt. Mais le combat ne paraissait pas avoir cessé. L’homme au tambourin et le jokerman continuaient de refuser, par sa voix, d’être les pions que manient les maîtres de la guerre. J’ai passé des années, ensuite, à recopier ses textes, à les faire lire à des amis, à suivre des yeux les vers que les notes portaient plus avant. On y regardait des bateaux se perdre dans la brume du lointain et, depuis la tour de guet, des cavaliers approchant sous l’averse. Le vent soufflait des réponses, hurlait, enflait en ouragan. Peut-être y avait-il, toute proche, comme un espoir, une jeune femme aux yeux tristes, la tête emplie des plus étranges visions, pour proposer un abri dans l’orage.

Il y a, dans les mondes de Dylan, des fulgurances qui éclairent brièvement, et des nuits de mystère que chaque lecture approfondit. Les énigmes qu’on y rencontre ne relèvent pas d’un ordre différent de celles qui se dressent à chaque vers des Chimères de Nerval ou qui hérissent la prose barbare des Illuminations. Il semble régner là une jeunesse éternelle. Personne peut-être depuis Rimbaud n’avait trouvé des mots d’une telle justesse pour dire l’indépendance sauvage, le mauvais sang qu’on a en soi, le feu qu’on veut voler et qu’on ira répandre partout. Dylan a continué de laisser sourdre la sève qui irriguait les feuilles de Walt Whitman ; il a lancé Mona Lisa sur l’autoroute à une vitesse surréaliste ; rêvé les vagues des océans depuis les chambres sans eau chaude qu’enfumait la petite bande de la Beat Generation.

Que cet insaisissable-là, nomade en refus permanent des responsabilités, qui a tenu très vite à n’être le porte-parole de rien, mais qui incarne toute cette époque, et ses espoirs, se retrouve célébré dans les palais de Stockholm, cela a quelque chose de doucement ironique.

On peut critiquer le choix. Les réactions que j’ai lues sont vives, souvent intéressantes : elles disent beaucoup sur les manières que nous avons de cartographier les arts et de penser les tours et détours de leur reconnaissance publique. Ceux qui regrettent de voir une si haute récompense aller à celui qui n’est à leurs yeux qu’un « auteur de chansons » ne se sont peut-être jamais penchés sérieusement sur ses textes, ou restent prisonniers d’une vision très hiérarchisée des formes d’expression, qui ne rend pas service aux arts. Il n’existe pas d’arts mineurs ou majeurs. Il y a, dans chaque domaine, une foule d’artistes banals, un bon nombre d’artistes honorables, et puis quelques très grands.

D’autres voudraient voir les catégories respectées, et les prix littéraires n’aller qu’à des auteurs connus d’abord pour des livres de littérature. Mais la littérature n’a jamais dépendu des supports qui la fixent ; elle déborde le livre depuis très longtemps, de tous côtés, et plus intensément encore à une période où elle s’écrit aussi pour internet, pour la radio, pour être dite lors de performances ou lue dans des expositions. Bob Dylan est-il moins poète parce que ses poèmes ont la forme de chansons ? Nous éprouvons encore beaucoup de difficultés à penser les œuvres hybrides ou les identités à traits d’union. Cela ré-ouvrirait l’avenir, pourtant, d’accepter qu’un poète-compositeur-interprète n’est pas moins compositeur ou poète parce qu’il est tout cela à la fois. Les Nobel ne disent pas que les frontières sont caduques ; ils n’affirment pas que toute chanson appartient de droit à la littérature, ou que la poésie passe aujourd’hui d’abord par la chanson. Ce que leur décision peut nous faire constater, c’est plus simplement que les limites sont poreuses, et que de grands artistes n’ont aucun mal à les franchir.

Sans contester le talent de Dylan, certains enfin soulignent que d’autres écrivains avaient bien plus besoin d’une telle visibilité que lui. Il est sûr que la littérature est un art des petites quantités, que le prix Nobel ne démultiplie à chaque saison qu’un court moment l’attention qu’on lui porte, et que la lumière d’exception qui va venir éclairer, dans les semaines qui viennent, l’œuvre déjà très exposée du songwriter aurait pu changer de manière plus décisive le devenir public d’œuvres comme les romans d’Antonio Lobo Antunes ou de Don DeLillo, comme les poèmes d’Adonis ou de Philippe Jaccottet.

Il n’en reste pas moins que jouer la carte Dylan, ce n’est pas jouer contre la littérature ou contre la poésie. Toute son œuvre s’en nourrit, y renvoie, y amène. Celles et ceux qui ne connaissent pas ses textes ont toute une Amérique à découvrir. Celles et ceux qui l’écoutent depuis des années peuvent se sentir en désaccord avec le choix des Nobel, mais pas, me semble-t-il, le trouver hors-sujet, aberrant ou déshonorant. Quand le bruit retombera, il restera Mr Tambourine Man, ou Shelter from the Storm, Sad Eyed Lady of the Lowlands, ou bien Visions of Johanna. Ces textes qui dans ma vie, et dans bien d’autres je pense, ont été comme des événements. Alain Rémond le disait dans le titre d’un des livres qu’il lui a consacrés : avec Dylan, un jeune homme est passé. Il est toujours jeune homme. Il continue de passer."

En récompensant Bob Dylan, l’académie Nobel a su reconnaître que la littérature ne vit pas que dans le livre. Elle nous invite à dépasser la difficulté que nous…
LEMONDE.FR
 
Le gag suprême est sans doute que, fidèle à lui-même, le principal intéressé n'a pour l'instant (que je sache) pas réagi à l'honneur qui lui était accordé
 
Depuis jeudi, un nombre impressionnant de clients nous ont souhaité "Bon courage" et nous nous demandions si nous avions si mauvaise mine, si c'était une allusion au surcroît de travail fourni par le vrai François et le Harry vieilli ou au manque à gagner du fait qu'aucun écrivain n'ait été primé.
 
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photo de photo prise lundi soir à la maison du Danemark 
 
 
addenda du 16/10/16 peu avant 16h : 
 
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