Nuit hachurée
10 septembre 2016
J'étais encore tombée de sommeil, heureusement déjà dans mon lit. Il n'empêche qu'à l'issue d'une bonne grosse journée bien remplie, de la réparation du vélo (y aller, en revenir avec), à quelques tâches domestiques, en passant par les trajets (12 km aller-retour, dont l'un émaillé par un étrange incident), et les quatre heures de librairie avec de nombreux clients et cartons (finis les mois de juillet et août pendant lesquels on peut parler avec chacun, affiner le conseil), le sommeil m'avait terrassée, en plein milieu d'une ligne, le livre lu heureusement en le tenant de côté, sans quoi il m'eût chu sur le nez.
C'était un livre post-apocalyptique, avec la cause de l'apocalypse en son début : une épidémie foudroyante, une grippe qui tuait en quelques heures et se propageait par simple proximité dans un seul lieu clos. Ça démarrait dans un théâtre (1).
Mon rêve se déroulait dans un cinéma, j'y étais avec l'homme de la maison, et la personne de l'accueil montrait quelques soudain symptômes puis une autre personne, et je comprenais que quelque chose était en train de se passer, qu'il ne fallait pas rentrer à la maison au risque de contaminer ceux qui y étaient (les enfants, grands, en gros) et de toutes façons c'était peut-être trop tard, nous tombions dans une sorte de léthargie avec du mal à respirer et je tentais de secouer mon homme pour que nous sortions à l'air libre.
L'effort pour respirer m'a sortie du sommeil.
J'avais soif (en pour de vrai). Mais je suis quand même repartie dormir, quelque chose de moins périlleux probablement. Deux heures plus tard les cris d'un homme dans la rue m'en ont à nouveau tirée : il vitupérait après quelqu'un qu'il sommait de descendre, apparemment une femme, que "bien sûr" il traitait de pute avec un gros accent de ma banlieue, ça a duré assez pour réveiller tout le monde, j'imagine que je n'étais pas la seule à penser, vu ton comportement, on comprend qu'elle t'ait quitté, puis une voiture est venue s'arrêter, un bref coup de klaxon, une voix amicale, Je me gare, je viens de chercher (d'un ton qui disait que c'était une aide, pas une menace), peu après une voix qui disait "Viens, je vais régler ton problème" mais qui pouvait être celle d'un représentant de l'ordre, ferme et sans discussion, tout aussi bien que celle de l'ami devenu sans concession, celui qui était hors de lui traitait désormais le ou les autres de "fils de pute", puis d'un coup grand silence.
J'étais désormais parfaitement réveillée et bien décidée de profiter du temps personnel ainsi offert, d'autant plus que le lendemain n'était pas, par chance, une journée travaillée, où plutôt que mon travail consisterait à écouter des conférences, un effort physique limité.
Lorsque l'on vit en ville et lorsqu'on lit (beaucoup), on ne choisit pas ses nuits.
(1) Les amateurs auront reconnus "Station eleven" d'Emily Saint John Mandel