Belle balade au bord du soir (et une lecture aussi)
La vie dans la ville, à présent repeuplée

La canicule fait-elle pleurer (ou bien est-ce la rentrée) ?

 

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Les premiers pleurs datent de la veille, dimanche, alors que nous faisions la sieste, fenêtre ouverte, volets fermés. C'était une voix de femme, mais rauque, comme brisée, et qui disait sans force Il faut toujours que tu gâches tout, comment peux-tu faire une chose pareille ? Il faut toujours que tu fasses tout casser (ou quelque chose d'approchant) et sa voix était secouée de sanglots. En fait elle devait être sur l'autre trottoir à cet endroit où la réverbération du son peut nous rendre audible même un chuchotement. Et peut-être qu'elle parlait dans un téléphone, je n'ai aucun souvenir d'une voix répondant.

Sur le moment on se dit, C'est triste. Puis on passe, ce n'est pas notre vie (et en l'occurrence rien n'indiquait un danger physique immédiat).

Ensuite ce fut ce midi. Seule avant l'ouverture de la BNF, j'avais opté pour un déjeuner sur le pouce dans un square d'une salade industrielle, mode Je ne perds pas de temps enclenché. Dans l'espoir qu'on me laisse en paix, j'avais choisi un banc libre non loin d'autres banc à l'occupation relative. Sur l'un d'entre eux : deux femmes que j'ai assimilées sans vraiment les regarder à des collègues de bureau effectuant leur pause ailleurs qu'à la cantine, pour changer. 

Je mangeais et lisais, concentrée sur mes petites affaires.

Mais soudain la perception de la conversation, ce murmure tranquille et indistinct, a bougé : l'une des voix était devenue plus aigüe, sans maîtrise, enfantine de quand les enfants souffrent. J'ai jeté un coup d'œil et vu que la femme, se confiant à l'autre, pleurait. L'autre restait stable, intervenait peu mais avec un calme parfait. Pas d'inquiétude, la personne en souffrance semblait en de bonnes mains. Peu après le murmure des voix avait repris la tonalité d'une conversation courante, la petite vie comme elle va (ou pas mais ça n'est pas si grave que ça).

Un quart d'heure plus tard, j'arrivais vers l'entrée de la BNF. Un jeune couple semblait converser en haut des escaliers. Ce n'est qu'en approchant que j'ai remarqué que cette discussion de loin tranquille - aucun éclat de voix, aucun geste véhément, on aurait pu croire deux amoureux au bord de la pause déjeuner, Tu préfères la crêperie ou le bar d'à côté ? - ne l'était pas. L'homme ne disait rien, tête basse. Un côté Je n'y peux rien. Et la jeune femme, sans davantage récriminer pleurait, pleurait comme celle à qui on vient d'annoncer que Désolé mais ... J'ai rencontré quelqu'un. Elle était trop malheureuse pour penser au monde extérieur, qu'ils étaient en plein air et juste devant l'entrée. Lui n'avait aucun geste, ni de réconfort, ni de retrait, semblait prêt cependant à intervenir si vraiment il le fallait. Il n'y avait pas à s'en mêler, même si on peut toujours douter.

Après, les apparences savent être trompeuses, la voix brisée de la veille était peut-être celle d'une manipulatrice qui effectuait un chantage affectif, les deux femmes un couple en pleine séparation et l'homme un collègue de la jeune femme qui au travail subissait un cruel harcèlement contre lequel il ne pouvait rien, si ce n'est ne pas la laisser tomber. Ou peut-être qu'elles pleuraient car quelqu'un était gravement malade et qu'elles craquaient de n'avoir jusque-là que trop solidement fait front.

Ce qui frappait c'était que ces pleurs n'avaient rien d'une crise, ils étaient dans chacun des cas l'expression d'un chagrin ravageur, pas d'une instabilité, ni d'une perte malencontreuse de contrôle ; ils semblaient justifiés. 

Je me suis demandée ce qui faisait que ces jours-ci, ainsi, les gens pleuraient. S'il y avait une faiblesse générale, une contagion post-caniculaire, des larmes de reprendre le collier. C'était l'heure de l'ouverture, je suis descendue travailler (mais sans chagrin particulier).

 

PS : L'époque étant ce qu'elle est je me suis quand même dit qu'en arrivant à ma place attribuée, avant de m'y mettre je consulterai ma TL twitter ou quelque site d'infos, le risque qu'il soit arrivé une nouvelle catastrophe, de nouveaux attentats, une déclaration de guerre n'étant pas exclu. Et c'est peut-être cette réaction, plus encore que ce que j'ai perçu, qui est significative.

 

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