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Ange Pitou

 

    J'ai cette chance de n'avoir pas besoin de dispositif extérieur d'écoute pour me passer de la musique dans ma tête, chance parfois un peu pesante lorsque c'est un air que mon cerveau auto-diffuse qui me réveille le matin (1) et sans doute un peu risquée de nos jours où ceux qui font la manche viennent vous parler et s'offusquent d'une absence de réponse : de l'extérieur rien ne permet de voir que j'écoute un air d'opéra, une partita de Bach ou une petite chanson (2). 

Et parfois j'ai droit à une variante silencieuse, des mots qui déboulent, s'incrustent, insistent et si je dormais me réveillent. 

Ce matin je me suis sans doute redressée sur mon lit, mon cerveau me criait : 

Ange Pitou

Souvenir précis une fois l'ensemble des neurones réveillés, de l'avoir lu ado ou jeune, que ma mère l'avait dans cette édition populaire de grands classiques de la littérature, c'est elle qui me l'avait conseillé, doute sur l'auteur (Balzac ou Dumas ?) souvenir d'avoir aimé.

Ça m'a donné fichtre envie de le relire. 

Mais j'ai quand même été réveillée un peu trop en sursaut.

 

(1) Ainsi hier C'est Karma Chameleon qui m'a réveillée auquel Hey little girl a succédé. Plus tard dans la journée ce fut un air de Whitney Houston (alors que je n'ai aucun goût pour les chanteuses américaines à grosse voix, je préfère les harmoniques du jazz et tant qu'à mettre de la puissance l'opéra). Mais cette musique là au moins je savais pourquoi : elle venait du film Toni Erdmann vu dimanche au cinéma. 

(2) Sans compter que quand je lis un vrai bon livre je suis à l'intérieur. J'ai branché le module mental interne de surveillance de la prochaine station, et je m'absente pour le reste complètement. 


Quand une radio fait du bon boulot

 

    Quand nous branchons le radio réveil c'est depuis un certain nombre d'années sur France Culture. Pas de publicité, pas de vulgarité et des émissions intéressantes qui parfois nous permettent, merci Tewfik Hakem de démarrer la journée avec au cœur un peu de beauté. 

Parmi les émissions de la grille estivale, du moins ce que j'en ai ainsi capté, il y a eu celle-ci, jeunesse 2016, très intéressante en particulier pour les déjà un peu vieux que nous sommes. Même si nous n'aurons pas de retraite, ils représentent déjà le pays d'aujourd'hui. Il m'a semblé que le choix de ceux qui témoignait était représentatif de la grande diversité actuelle d'ambitions, de limites et de situations. Cette émission instructive et tonique, c'est le service public quand il fait le job. 

Dans le même ordre d'idées, il y a ces jours-ci une série de qutre émissions formidables :

LSD La série documentaire : De la radicalisation au djihadisme

et même si je regrette pour l'instant que trop de temps de parole soit consacré au cas d'une mère éplorée (certes triste, mais on a surtout conservé de ce qu'elle disait la répétition de son absolue incompréhension et elle me donne trop l'impression d'un cas très particulier), c'est passionnant. Les jeunes femmes qui témoignent du départ de leur frère ou cousin disent des choses qu'il faudrait relayer auprès de tous (et des hommes politiques en particulier). C'est la société qui est malade et ces départs un symptôme. À force de n'accorder aucun débouché à la jeunesse on perd ceux qui préfèrent crever plutôt que passer leur temps en délinquance ou végéter. La religion devenue le refuge de ceux qui ne sont nulle part (ni leur pays, ici, ni le pays d'origine de leurs parents) considérés comme de là. Et un idéal mortifère devenu plus attractif que pas d'idéal du tout. 
Beaucoup d'autres choses sont dites, par exemple sur la difficulté de créer une entreprise (une des intervenantes adulte l'explique bien) lorsqu'on ne trouve pas de boulot mais qu'on en a sous la semelle, du dynamisme et des idées. 
Bref, il faut prendre le temps d'écouter. Vraiment.

 

PS : Et toujours merci à ceux qui ont conçu le site tel qu'il est actuellement. Tout y est logique, facile d'écoute et de recherches (à part les rediffs du tôt matin de l'été, mais ça a été en cours de route un peu amélioré). Ça fait partie des choses qui facilitent la vie.

 


La crise du logement

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Au même moment à quelques minutes près où j'apprenais qu'une amie cherche pour sa fille un logement à Paris (1), Renaud Epstein sur Twitter déposait cette image dans sa série Un jour une ZUP et en remontant j'ai retrouvé ceci, et j'ai songé qu'on avait failli sortir de la crise du logement mais que sous les effets des crises et du capitalisme débridé on y était copieusement retombé.

Avec toutefois des différences. 

Aujourd'hui les logements y sont, c'est l'accès qui est devenu trop difficile. D'un côté les salaires sont de plus en plus bas à boulot équivalent et avec un Smic on ne va pas loin (2), sans compter la précarité grandissante et la part croissante de la zone grise (3) ; tandis que les bailleurs exigent pour consentir une location des dossiers de plus en plus complexes, complets, parfaits. Certains de mes amis pourtant en couple officiel, pourtant gagnant bien leur vie, pourtant n'accédant pas à des logements particulièrement somptueux, en ont été réduit pour se loger à basculer du côté de la fiction. Sans parler des propriétaires qui réclament plus ou moins discrètement quelques suppléments.
Tout se complique d'un cran pour les familles dites recomposées et leurs enfants sporadiques.
Bref, ce n'est pas tant le bâti qui manque que l'adéquation entre l'accession possible et les ressources des gens. Les HLM ne permettent de résoudre le problème que pour une partie des personnes qui n'ont pas les moyens du privé.  

D'où le retour des bidonvilles en marge des cités, que la crise des réfugiés n'a pas fait diminuer (euphémisme) - mais le phénomène lui pré-existait -.

Je me souviens d'un temps où ceux-ci répondaient à une autre forme de crise : après guerre, avec le baby-boom et le plein emploi qui poussait les personnes à une mobilité professionnelle souvent aussi géographique, c'était les logements eux-mêmes qui manquaient. Les constructions. 

Mes parents, couple sans doute assez typique de ce temps-là du moins de ce point de vue là : jeunes sans diplômes parce que la guerre était passée par là, et donc lui en usine (côté atelier) elle aussi (côté bureaux, perfo vérif ça s'appelait), deux salaires qui, avec les heures supplémentaires obligatoires (si, si - certificat médical pour obtenir une dispense) du samedi permettaient de vivre sans luxe aucun mais décemment, mes parents donc avaient été parmi les heureux (oui, en ce temps-là un privilège) accédants à des logements tout neufs (conçus en 1957 d'après cet article), construits dans les environs de l'usine. Il faut savoir que ce qu'on a considéré par la suite à juste titre comme des cabanes à lapins, sur le moments représentaient l'accès tant attendu à un confort certain, l'eau courante, les sanitaires privés à l'intérieur du logement, le chauffage central, l'eau chaude au robinet (4), le gaz sans les bonbonnes à se trimbaler ; l'accès aussi à l'intimité : plus besoin de partager le logis avec les générations antérieures, les jeunes couples pouvaient enfin disposer d'un chez soi.

Sur ce dernier point la plupart dans la plupart de ces endroits déchantèrent assez vite. L'isolation phonique n'avait pas fait partie des cahiers des charges, il fallait construire vite et à l'économie, ce qui fait que même pourvus de voisins tout à fait disciplinés, la promiscuité sonore était pénible. Pas de chaîne hi-fi mise à fond les ballons, ni même de nuisance sonore télévisuelle (la plupart des foyers n'étaient pas encore équipés, ou commençaient à peine), mais la radio (les fameux transistors), les ronflements, les conversations dès lors que le ton (joyeux ou colérique) montait, les galopades des enfants ("Mets tes patins ! Les voisins !"), tout s'entendait tout résonnait. Celui qui au travail faisait les 3/8 était condamné aux semaines de travail de nuit à dormir vraiment peu.

Dès qu'ils ont pu mes parents, et tant d'autres comme eux, ont quitté cette cité pour d'autres immeubles moins sociaux mieux conçus, où la pénibilité venait uniquement de voisins bruyants, ce qui déjà était un progrès. En revanche il leur fallait assurer eux-mêmes les trajets jusqu'à l'Usine (où s'il y avait une navette il fallait marcher loin la chercher). Il convenait d'acheter une voiture.

 Ce sont les mêmes personnes, cette classe moyenne d'en bas, qui avait quelques aspirations de mieux, qui ont constitué le socle de l'expansion des banlieues pavillonnaires, leur rêve accessible (en trimant, en se privant), leur enfin [vraiment] chez soi.  

Nous voilà donc globalement, collectivement, revenus à la case départ, avec un pas de côté toutefois. C'est l'argent qui manque [aux gens], davantage que les toits.

 

(1)  Je crois qu'on ne mesure pas la difficulté qu'il y a, quand on n'est ni fortunés ni franciliens, à venir à Paris parce qu'on y a trouvé du boulot, surtout par ces temps où les premiers contrats sont presque forcément des CDD et où de toutes façons il y a le cap d'une période d'essai à passer. Les loyers sont tels et les conditions réclamées par des propriétaires ou des organismes rendus de plus en plus frileux par les impayés, que même avec de solides garants c'est mission (quasi) impossible.

(2) C'est très très bien expliqué par Égalitariste sur tumblr, même si son sujet au départ est différent.

(3) Il y aura toujours quelqu'un encore plus dans la mouise pour accepter de bosser pour encore plus presque rien.

(4) Ça paraissait presque un excès de luxe.

[photo : Beauregard près de Poissy ; carte postale datant probablement du début des années 60]


La vie dans la ville, à présent repeuplée

 

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L'inquiétude pour la personne la plus proche de quelqu'un que j'aime beaucoup et le fait qu'il n'y ait rien que je puisse faire, car ils ne sont pas à Paris, saisis par le sort pendant leurs vacances, m'empêche d'écrire dans ma tête en marchant. Ce qui fait qu'à nouveau je regarde et surtout écoute le monde - en temps normal je regarde, mais avec un œil à photos, c'est différent -.

Alors je remarque les gens qui pleurent (1), et d'autres choses aussi. 

Cet homme qui jouait de l'oud sur la ligne 9 et qui a commencé à discuter avec un autre plus âgé qui lui avait fait signe, lequel a emprunté l'instrument pour jouer comme un Django Reinhardt dont la guitare eût été celle-ci.

Cette petite fille si vive et à l'aise dans le métro, que l'adulte qui l'accompagnait (sa tante ?) tentait de satisfaire (répondre à ses questions, ses sollicitations) tout en la canalisant. 

Cette bande de jeunes des bizuths d'une classe prépa HX4 chantaient-ils sur tout les tons en gare Satin Lazare, jolies calottes (quel lycée ?), tee-shirts ou blouses crayonnées, et cet entrain factice, le même que les enterrements de vie de jeune fille ou de garçon. En fait ces moments où ceux qui sont privilégiés d'une façon ou d'une autre s'efforcent de retrouver une solidarité qu'on voudrait joyeuse en singeant le bonheur ou l'épreuve traversée qui resserre les liens. Mais jamais ça ne le fera comme qui accomplit des choses difficiles et y survit par l'entraide. 
L'autre chose marquante était la parfaite indifférence des passants, foule rentrée de congés, déjà prise par le rythme infernal du labeur et des transitions domicile - lieu de travail par des transports en commun redevenus pleins. Savaient-ils de quoi il s'agissait ?

Des vélos, toujours plus nombreux - heureuse de voir que ce mode de transport gagne du terrain -, toujours plus allégés (pour les récents modèles) (cf. photo).

Une jeune femme en chaussures compensées assez hautes, qui court, tombe sur les quelques marches finales d'un escalier qui dans cette même gare mène au dehors, émet juste un son (Ouch) douleur et surprise mêlée et se relève presque en rebondissant telle une Simone Biles du quotidien. Elle s'éloigne en courant comme si rien ne s'était produit, alors que simple spectatrice de sa chute, brutale,  dos sur la tranche d'une marche, j'ai eu mal pour elle. 

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Le touriste étranger (il en reste), qui s'apprêtait sur le long escalier roulant Bibliothèque François Mitterrand, entrée-sortie de la ligne 14, à passer à côté de sa compagne dûment arrêtée, surpris par une personne qui filait à gauche comme à Paris on fait lorsqu'on n'est ni handicapé ni chargé et qu'on n'a pas l'intention de passer quinze minutes par jour sur les escaliers. Il s'excuse, et se décale, mais alors que la personne est déjà éloignée, je vois son geste, sa mimique d'incompréhension dépréciative à l'attention de celle qui l'accompagne, tel Obélix disant "Ils sont fous ces Romains".

L'inquiétude ne se laisse pas distraire pour autant, qui hier au soir m'a fait manquer ma station, ce qui ne m'était pas arrivé (2) pour autre chose que des lectures, depuis bien avant la fin du siècle dernier. 

Que peut-on faire pour aider lorsqu'on ne peut pas aider ?

De toute son énergie retrouvée, stimulante, repeuplée, la ville incite à vivre, à ne pas renoncer.

 

(1) Depuis hier je pose à mes interlocuteurs la question : vous croisez souvent dans Paris des adultes en larmes ? (hors attentats). Car je me demande si c'est moi qui d'ordinaire ne les remarque pas ou si j'ai effectivement croisés bizarrement dans les mêmes 24h plusieurs cas (rares).

(2) Et n'était pas grave : 1/ Je rentrais et n'avais aucun horaire précis à respecter
2/ Le réseau des transports dans Paris est suffisamment dense pour offrir des solutions de rattrapage à une correspondance manquée.


La canicule fait-elle pleurer (ou bien est-ce la rentrée) ?

 

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Les premiers pleurs datent de la veille, dimanche, alors que nous faisions la sieste, fenêtre ouverte, volets fermés. C'était une voix de femme, mais rauque, comme brisée, et qui disait sans force Il faut toujours que tu gâches tout, comment peux-tu faire une chose pareille ? Il faut toujours que tu fasses tout casser (ou quelque chose d'approchant) et sa voix était secouée de sanglots. En fait elle devait être sur l'autre trottoir à cet endroit où la réverbération du son peut nous rendre audible même un chuchotement. Et peut-être qu'elle parlait dans un téléphone, je n'ai aucun souvenir d'une voix répondant.

Sur le moment on se dit, C'est triste. Puis on passe, ce n'est pas notre vie (et en l'occurrence rien n'indiquait un danger physique immédiat).

Ensuite ce fut ce midi. Seule avant l'ouverture de la BNF, j'avais opté pour un déjeuner sur le pouce dans un square d'une salade industrielle, mode Je ne perds pas de temps enclenché. Dans l'espoir qu'on me laisse en paix, j'avais choisi un banc libre non loin d'autres banc à l'occupation relative. Sur l'un d'entre eux : deux femmes que j'ai assimilées sans vraiment les regarder à des collègues de bureau effectuant leur pause ailleurs qu'à la cantine, pour changer. 

Je mangeais et lisais, concentrée sur mes petites affaires.

Mais soudain la perception de la conversation, ce murmure tranquille et indistinct, a bougé : l'une des voix était devenue plus aigüe, sans maîtrise, enfantine de quand les enfants souffrent. J'ai jeté un coup d'œil et vu que la femme, se confiant à l'autre, pleurait. L'autre restait stable, intervenait peu mais avec un calme parfait. Pas d'inquiétude, la personne en souffrance semblait en de bonnes mains. Peu après le murmure des voix avait repris la tonalité d'une conversation courante, la petite vie comme elle va (ou pas mais ça n'est pas si grave que ça).

Un quart d'heure plus tard, j'arrivais vers l'entrée de la BNF. Un jeune couple semblait converser en haut des escaliers. Ce n'est qu'en approchant que j'ai remarqué que cette discussion de loin tranquille - aucun éclat de voix, aucun geste véhément, on aurait pu croire deux amoureux au bord de la pause déjeuner, Tu préfères la crêperie ou le bar d'à côté ? - ne l'était pas. L'homme ne disait rien, tête basse. Un côté Je n'y peux rien. Et la jeune femme, sans davantage récriminer pleurait, pleurait comme celle à qui on vient d'annoncer que Désolé mais ... J'ai rencontré quelqu'un. Elle était trop malheureuse pour penser au monde extérieur, qu'ils étaient en plein air et juste devant l'entrée. Lui n'avait aucun geste, ni de réconfort, ni de retrait, semblait prêt cependant à intervenir si vraiment il le fallait. Il n'y avait pas à s'en mêler, même si on peut toujours douter.

Après, les apparences savent être trompeuses, la voix brisée de la veille était peut-être celle d'une manipulatrice qui effectuait un chantage affectif, les deux femmes un couple en pleine séparation et l'homme un collègue de la jeune femme qui au travail subissait un cruel harcèlement contre lequel il ne pouvait rien, si ce n'est ne pas la laisser tomber. Ou peut-être qu'elles pleuraient car quelqu'un était gravement malade et qu'elles craquaient de n'avoir jusque-là que trop solidement fait front.

Ce qui frappait c'était que ces pleurs n'avaient rien d'une crise, ils étaient dans chacun des cas l'expression d'un chagrin ravageur, pas d'une instabilité, ni d'une perte malencontreuse de contrôle ; ils semblaient justifiés. 

Je me suis demandée ce qui faisait que ces jours-ci, ainsi, les gens pleuraient. S'il y avait une faiblesse générale, une contagion post-caniculaire, des larmes de reprendre le collier. C'était l'heure de l'ouverture, je suis descendue travailler (mais sans chagrin particulier).

 

PS : L'époque étant ce qu'elle est je me suis quand même dit qu'en arrivant à ma place attribuée, avant de m'y mettre je consulterai ma TL twitter ou quelque site d'infos, le risque qu'il soit arrivé une nouvelle catastrophe, de nouveaux attentats, une déclaration de guerre n'étant pas exclu. Et c'est peut-être cette réaction, plus encore que ce que j'ai perçu, qui est significative.

 


Belle balade au bord du soir (et une lecture aussi)


     20160828_201950Le film était long, nous en sommes sortis perplexes quoique pas mécontents : on nous l'avait conseillé comme une comédie, et fors une scène hélas un peu diluée (1), il était surtout poignant sur les dérives ultra-libéralistes de nos sociétés.

Il nous aura au moins permis de sortir dans l'après-midi - la séance du soir risquait de finir vraiment tard - et dès lors de faire quelques pas dans Montreuil (2) avant d'embarquer dans le métro du retour.

Ce ne furent que quelques pas dans une zone simple, un peu à l'opposé architectural et social de là où je travaille actuellement (en fait social, pas tant que ça, là où je travaille existe une jolie mixité mais les logements quels qu'ils soient sont bien tenus, ravalés), mais nous étions bien. Je me sentais à ma place dans cet environnement là, en découvrais de nouveaux aspects (je ne connaissais pas encore les rues, certaines, par lesquelles nous sommes passés). J'y ai de bons souvenirs, y compris familiaux.

Et puis ce dimanche a globalement été accompagné pour moi par une lecture  20160828_163226_2

 

 

 

 

qui me l'a enchanté (3)

(1) Souvent les concepteurs oublient qu'un gag, drôle dans l'instant par effet de surprise, vire lourdingue si l'on insiste.

(2) Nous étions au Méliès

(3) "La magie dans les villes" de Frédéric Fiolof chez Quidam 


J'avoue ma faiblesse (six ans après)

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Il m'arrive d'être nostalgique de ce temps-là, même si la suite m'a prouvé que j'avais été la trop naïve sujette d'une escroquerie affective. Le fait est qu'à Bruxelles je me sentais tout autant à ma place que chez moi, et qu'à n'y plus retourner (1), comme à ne plus aller en Italie (2), je me sens amputée d'une part de moi-même.

[image : une to-do list retrouvée]

 

(1) Pour des raisons financières et affectives. J'ai peur si j'y vais seule d'avoir trop de chagrin.

(2) Pour des raisons strictement financières. Ma famille me manque et il nous a été proposé une possibilité d'hébergement. Mais voilà malgré nos efforts et que j'ai retrouvé du travail en trois mois, nous ne parvenons pas, à quatre adultes si près de Paris sous un même toit, à équilibrer le budget, et ce d'autant plus que celui dont la paie faisait bouillir la marmite (la mienne servant à fournir les épinards) se retrouve au chômage désormais. Donc pose problème même le coût des trajets et des dépenses inévitables de tout séjour.

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Les sportifs éternels

 

    J'ai longtemps cru et même un peu au delà de l'enfance, que les grands sportifs étaient impérissables ou alors au bout d'un temps très très très long, par exemple quand ils devenaient grands-parents - et encore c'était comme si j'imaginais qu'ils se retiraient volontairement afin de consacrer du temps à leurs petits-enfants -. De la même façon que mes propres parents me semblaient d'un âge adulte stable, je voyais les effets du temps qui passe à l'aune d'une crémaillère : on grimpe sans jamais redescendre sur l'autre versant (on peut toujours mieux faire, sans arrêt progresser), ni beaucoup reculer (ou alors c'est une blessure, une maladie, une méforme passagère). Quand on est enfant on tend vers l'âge adulte sans imaginer que ceux que l'on rejoint pendant ce temps avancent vers le grand âge. Rien n'est figé ou stable, même dans la mort. Tout évolue tout le temps. Ces évidences ne le sont guère pour les enfants. Sans doute qu'eux-mêmes grandissant ont besoin de points de repères qu'ils imaginent stables afin de tendre vers eux.

Et donc les grands champions l'étaient de toute éternité, je pensais que Borg, Mc Enroe et Platini seraient toujours au sommet, Johan Cruijff et Eddy Merckx aussi. Chris Evert allait régner sur le tennis de toute éternité. Puis j'ai vu Mats Wilander suivi de peu par Stefan Edberg devenir grand puis au sommet de son art puis ne plus être aussi brillant, plus tard abandonner ; dans la même période la vie me faisait piger le coup de la gaussienne, toute activité ou production humaine suit une loi normale, une progression, un sommet puis une décroissance (1), parfois avec au sommet un petit plateau au lieu d'un arrondit mais guère davantage. Et bien sûr des effondrements en à-pic toujours possible dus à des éléments extérieurs, éventuellement une fin de vie brutale et avant l'âge d'usure. La gaussienne c'est quand tout se passe bien. 

Ça ne les empêche pas de tourner sympathiques et de rester élégants, mais le très haut niveau peut se terminer assez vite et définitivement.

C'est pourquoi cet article (2), bien écrit, m'a fait sourire. 

Seules les légendes qu'ils auront construites resteront éternelles. Eux non. Et pas forcément mécontent-e-s de retourner à des vies avec moins de tensions.

 

(1) C'est d'ailleurs pourquoi le capitalisme comme tout système économique mais plus encore peut-être est en train de planter, qui ne fonctionne correctement qu'en phase de croissance. La planète est en train de voir ses capacités d'hébergement (appelons ça comme ça) décroitre ça ne va pas pouvoir continuer à cohabiter. 

(2) Even Roger Federer gets old par Brian Phillips pour The New York Times


Config canicule

 

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Touchée par le mal-être du fiston et malgré que je n'aime rien tant que le chaud et la lumière, je passe en rentrant l'appartement en configuration canicule, volets fermés - pas en plastique, c'est parfait, laisse le chaud dehors sans devenir brûlant (ni fondre) - fenêtre ouvertes ou entrebaillées ) l'ancienne afin d'éviter qu'elle ne claque sous l'effet du courant d'air créé. Fenêtre ouverte dans la salle de bain, qui donne sur le puits intérieur entre les immeubles. 

Ils datent d'un temps où l'on ne comptait pas sur l'énergie fournie afin de tenir le coup en toutes circonstances. La cuisine dispose d'ailleurs d'un garde-manger intégré. 

Il y a des cheminées. 

Ces jours derniers l'hiver paraît un concept imaginaire, abstrait. 

J'aime ça. Je quitte l'inquiétude sourde de passer le suivant. L'été me protège en se prolongeant.

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On sent pourtant son temps compté. Les arbres déjà perdent leurs feuilles par brassées, 20160827_212522 la nuit a cessé de tomber après l'arrivée des premiers sommeils, et le matin un réveil à la lumière précède de peu la radio enclenchée des jours obligés. Nous sommes sortis dîner, j'ai mis ma robe de 30°C que ma fille a cru neuve, tant il est rare que j'ai l'occasion climatique de pouvoir l'enfiler.

J'aimerais disposer de quelques jours encore afin de pouvoir parfaire ma santé.

Seulement je me doute que les orages ne vont pas tarder et les matins redevenir frais et la grisaille reprendre cette sorte de droit d'aînesse qu'elle détient sur Paris.


Un si beau jour d'été

 

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C'était un si beau jour d'été : du boulot, pas mal, mais partagé, et agréable - j'aime la part physique de mon travail, je me demande parfois par quelle erreur d'aiguillage (en fait non, je le sais) j'avais terminé coincée dans un bureau -, une vraie de vraie de belle journée d'été, pas même un orage en soirée, ça me met en forme, je me sens libre.

En rentrant j'ai compris pourquoi : l'affichage alterné horloge - thermomètre de bord de périph oscillait entre 36 et 37°C. La poignée de jours par an où c'est le cas à Paris c'est le repos de ma peau : aucun boulot thermique à assurer, d'un côté comme de l'autre c'est la même chose. Et, à condition d'avoir à boire assez, le fait de n'avoir pas cette régulation à effectuer m'offre un regain d'énergie, comme si l'économie faite de laisser le corps poreux, de n'avoir plus comme job que de le délimiter, permettait de redistribuer une force.

Le hic c'est qu'on respire mal (depuis de nombreuses années en ville chaleur = pollution de l'air renforcée), que les hommes se traînent, que là aussi depuis de nombreuses années, la chaleur estivale semble désormais considérée comme une catastrophe naturelle (1). J'en suis réduite à une jubilation solitaire.

Et puis il se trouve que ce jour aura été assombri par une catastrophe naturelle, une vraie, un fort tremblement de terre en Italie, des pires : en pleine nuit. Les gens dans leur sommeil meurent ensevelis. 

J'étais légèrement inquiète pour une amie - pas nécessairement pile sur zone mais savait-on jamais, parfois on rayonne un peu, lors de villégiatures -, fus finalement rassurée. Ma famille vit plus au nord. Et pour l'instant les uns et les autres semblent à la mer, en Sicile par exemple, voire même en Chine. Pour autant, même sans être directement concernée, je me sens concernée quand même, de tant d'années passée un mois durant au pays, il me reste une proximité, un sentiment de fraternité, plus qu'un cousinage.

Il n'y a rien pour l'instant que je puisse faire, ni aider physiquement, impossible de quitter le travail et à quoi pourrais-je être utile ?, ni financièrement car notre situation actuelle, même sans inquiétude immédiate, est sans visibilité. Il n'y a aucun dieu que je puisse prier. Je pense à eux. Peut-être que quelque chose se dessinera dans les jours à venir, des propositions, des possibilités d'envois. Au moins s'en faire l'écho.

Des pensées sans doute bizarres, alors que ma TL sur Twitter a fait se voisiner des images de villes syriennes fraîchement bombardées et de villages italiens effondrés : à quel point une fois écroulées nos lieux de logements humains se ressemblaient. Peu de couleurs vives (à se demander où passent nos objets en plastique lors tout s'éboule), pas de signe de modernité. La différence : l'absence de femmes dans l'un des deux cas, alors que dans l'autre on en voit parmi les secouristes mêmes. Et puis cette autre, totalement incongrue, et mal venue - pourquoi penser à ça, pourquoi penser à moi dans un moment pareil ? -, mais qui s'est faufilée : les deux personnes qui m'ont quittée avec brutalité, repensent-elles à moi lorsque survient quelque chose qui ramène mon deuxième pays dans l'actualité, ce pays qu'elles semblaient aimer (2). Quelle place occupe encore dans celui qui l'efface, la personne effacée ? J'ai beau traîner mes guêtres sur cette planète depuis un demi siècle, je n'en ai aucune idée. Il est grand temps que mes ami-e-s reviennent. Je pense un peu trop aux absents.

Plus tard je me rappellerai sans doute de ce jour comme étant également celui où des photos ont fait le tour des réseaux qui montraient ce que donnaient au concret ses décrets interdisants les vêtements tout habillés pour les femmes sur les plages, au prétexte de lutter contre l'islamisation - comme si le terrorisme tenait à ça -. J'avais mal compris, n'ayant suivi que de loin les débats, et cru qu'il s'agissait de ces tenues dans lesquelles les femmes sont entièrement camouflées, parfois même les yeux derrière une sorte de grillage de tissus. Pour moi, question de sécurité générale, personne, homme ou femme ne doit sur l'espace public circuler masqué à moins de forces armées casquées ou forces de protections en interventions - ou cas médicaux très particuliers -. Il faut qu'on voie le visage de qui on a en face. C'est du bon sens élémentaire. Mais pour le reste, on en serait donc là : dicter aux gens et aux femmes particulièrement comment s'habiller ?
Et quelle violence, ces hommes armés en train de demander à une femme qu'elle se dévête ne serait-ce qu'un peu. En plein soleil, alors que sa tenue, au fond, y est adaptée et que ce sont les gens dévêtus (attention : je ne réprouve en rien la nudité, c'est notre état naturel, c'est simplement souvent moche et pas des masses pratique) qui s'exposent à un danger qu'on semble persister à ignorer (3). 

Enfin, on se souviendra peut-être qu'il y avait l'annonce de la découverte d'une exoplanète potentiellement habitable. L'impression que ça n'est pas la première fois qu'on nous parle de quelque chose comme ça. Et que peut-être ça ne serait pas un cadeau pour cet endroit de l'univers si une part de nos représentants futurs s'y établissaient. 
Et d'ailleurs, comment devraient-ils et elles s'habiller ? (pour commencer).

Tant qu'on en est dans la vêture, noter pour en sourire plus tard ou au dur de l'hiver tenter de garder la mémoire de l'été, que j'ai revêtu pour dormir ma chemise de nuit de Californie. Photo du 24-08-2016 à 23.47 

En fait un très très long tee-shirt acheté sur place en novembre 1989, coton de qualité qui en vingt-sept ans n'a pas bougé, et que je ne mets (j'ai conservé mes habitudes du temps où j'avais froid) que les nuits des jours où même la nuit est chaude. Le coton confortable absorbe la transpiration.

Le souvenir de notre dernier grand voyage (rendu possible par mon amie Carole et sa famille), juste quelques mois avant que naisse notre premier enfant, ce si beau moment de nos vies, ajoute au bonheur des temps chaleureux.

 

 

(1) Mes souvenirs de 1976 sont qu'on ne se paniquait pas de la chaleur qui semblait normale (c'était l'été) mais bien de la sécheresse : les cultures dépérissaient, il y eut un impôt pour financer des indemnisations et aussi des rationnements d'eau ; plus le droit d'arroser son gazon, ni de nettoyer sa voiture, du moins dans quelques régions. Mais les habitants étaient encore considérés comme des adultes responsables capables de boire et se mettre à l'ombre sans qu'on n'ait à le leur dire.  

(2) Au point pour l'un d'y faire s'achever un de ses derniers romans, le dernier avant l'effacement.

(3) Ou du moins on croit que des produits à étaler sur la peau en protège alors qu'ils sont certainement porteurs d'autres toxicités.