Une fausse invitation (par exemple de malencontreuse sortie de sidération)
16 juillet 2016
Pendant que le monde sombre de jour en jour davantage dans ce qui ressemble à une sorte de kamoulox dangereux généralisé, effet renforcé par le fait d'être tombée via un touite sur une video de mouvement de foule à Central Park lié au Pokémon Go et qui ressemblait à une autre video du soir de Nice mais comme à l'envers - une foule courant fuyant, une foule courant pour se précipiter vers - dans des environnements similaires de nuit d'été arborée, la vie, pour qui a la chance de n'être pas directement concerné, continue avec son lot de tracasseries (ridicules) et de déceptions.
C'est une leçon que m'ont salement donnés les événements du 13 novembre 2015 : quand on est dans des situations précaires de travail ou financièrement délicates, le simple fait d'avoir pendant quelques jours son attention détournée par des problèmes graves généraux permet aux petites emmerdes de prendre des proportions magistrales. Et personne n'aura la moindre indulgence, pas même des instances qui elles-mêmes avaient une part de responsabilité (1).
Alors cette fois-ci je tente de ne pas me laisser embarquer. Je vais donc devoir prendre en charge l'affaire de la fuite d'eau invisible après que l'homme de la maison aura fait semblant de s'en occuper, mais insuffisamment puisque me voilà destinataire à titre personnel d'un courrier d'assurance.
Je tente aussi de renouer avec une part de vie sociale longtemps mise entre parenthèse, comme c'est souvent le cas dans les périodes difficiles, où maintenir le travail et la santé et un minimum vital d'intendance remplissent tout, ne laissant plus que de très brefs loisirs. Alors il m'a semblé bon de répondre à cette invitation de l'association des anciens élèves de l'école que j'avais suivie et qui nous convie à venir fêter le 8 octobre les trente ans de la promotion (2). Pauvre naïve, bécassine béatitude, le lien contenu dans le courrier papier (!!) pointait en fait ... vers une billetterie. Quarante euros par personne et nous sommes deux. Il est probable que la plupart de nos camarades de promo sont à des postes où ce genre de frais leur est remboursé. Seulement comme je suis libraire et non coiffeuse de président, 80 € représentent huit heures de travail et en ce moment j'ai besoin de chaque euro que je gagne pour payer l'indispensable et rembourser ce que je dois de la période de chômage.
C'est très très très secondaire, mais si typique d'une impossibilité de se raccrocher au flux normal des choses. Je suppose que nous sommes loin d'être les seuls dans ce cas. Il n'y a plus vraiment de retour à l'activité normale possible, car le quotidien des choses pour tant d'entre nous ne l'est plus.
C'était ma rubrique : pendant les (grandes) catastrophes (collectives) les (petits) ennuis (personnels) continuent. Ça serait une erreur de croire qu'au sortir de l'état de sidération général, on va retrouver le paysage de proximité lavé et net comme après l'orage. Il est en fait plus jonché de débris qu'il ne l'était.
Retournons écoper, et tenter de nettoyer.
Je suis heureuse d'avoir à travailler demain et qu'il s'agisse d'un boulot concret et de service.
PS : Ce qui ne m'empêche pas de penser à l'ami que je crains pour un de ses proches concerné.
(1) Par exemple la poste qui avait mis quinze jours à présenter un recommandé, ce qui avait rendu dépassé un délai qu'il contenait. Et comme nous étions dans l'ignorance du problème évoqué, c'était trop tard pour le réagir, le mal était fait.
(2) Ce moment où tu prends conscience que même sans famine ou guerre mondiale ou apocalypse d'ici là, la mort t'a déjà préparé une place dans son camp d'accueil, et qu'il faut se dégrouiller de faire ce qu'on a le sentiment d'être censée faire encore ici bas. C'est quelque chose que je n'ai jamais perdu de vue, y compris enfant, mais à présent ce qui surprend c'est la conscience du "même dans le cas d'une longue vie", la fin est plus proche que l'époque de la jeunesse. Tu sens que tu vas passer direct du syndrome de George Bailey à celui du Désert des Tartares.