En rentrant du boulot, en cherchant tout autre chose, je tombe sur le témoignage "du gars en vélo", un de ceux qui a tenté à Nice d'arrêter le camion qui fonçait sur la foule :
Puis j'ai lu un article qui mentionnait l'homme en scooter et un autre qui n'a pas pu rejoindre le camion mais a aussi essayé (et a sauvé des tirs un passant).
Je sais que je ne sais pas comment en cas d'urgence je réagirai. On ne peut pas savoir, à moins de faire ou d'avoir fait parti d'un groupe particulier, entraîné, comment notre corps va réagir. Une des réactions possible est la sidération, la transmission qui du cerveau aux muscles ne s'effectue plus. Ce n'est même pas une question d'avoir peur ou pas. Ça se situe au delà.
Alors ceux qui plutôt que de penser à se mettre à l'abri parviennent à avoir des réactions de préservation d'autrui, au risque de leur propre vie, chapeau bas.
En écoutant cet homme qui explique simplement ce qu'il a vu, compris et tenté de faire, comme s'il était lui-même surpris, m'est revenu qu'à Saint Étienne du Rouvray c'est une religieuse, qui est parvenue à s'enfuit et a donné l'alarme - le bilan aurait pu être pire sans l'intervention rapide de la BRI -, que dans le Thalys l'an passé, des passagers ont réagi suffisamment nombreux pour avoir raison du type qui voulait tuer, qu'au Bataclan il y a eu plusieurs témoignages parlant de ceux qui ont aidée les autres à s'enfuir, ou à rester calmes - je revois cette image d'une silhouette secourant une femme suspendue à une fenêtre -, d'autres récits tant aux terrasses des cafés en novembre 2015, qu'à Nice de personnes ayant le réflexe de protéger les autres, de s'interposer - quitte à en mourir -. Et les imprimeurs qui ont survécu à la présence des frères assassins - celui qui a protégé son employé, celui qui a su rester silencieux et parfaitement lucide -, et le gars qui à l'hyper casher était parvenu à faire sortir des gens. Il y a une jeune femme aussi, Aurélie Châtelain, morte assassinée alors qu'elle tentait de résister à un homme dit "radicalisé" et qui l'a probablement empêché de s'en prendre à d'autres.
Je n'ai pas suivi tout, simplement lu des articles, je me dis que si je cherchais je trouverais encore plus d'exemples.
Et si ces fous furieux au lieu de nous diviser nous faisait prendre conscience d'à quel point nous sommes parvenus collectivement à un niveau de courage et d'intelligence qui fait qu'à chaque fois il y a parmi nous plusieurs personnes capables plutôt que de l'écraser, de tenter de leur mettre au moins des bâtons dans les roues ?
Ce qui est plus particulièrement frappant dans le cas de Nice, c'est que les trois qui ont tenté t'intervenir n'étaient pas ou plus menacés, ils ont vraiment tenté le tout pour le tout pour les autres.
C'est ça que les terroristes tentent de détruire, le niveau de civilisation et d'altruisme que nous avons atteint, si imparfait que soit notre système de société. Puisque chaque homme ou femme mal dans sa peau et apte à la violence peut déclarer qu'il fait allégeance à l'EI et commettre n'importe quel crime, il y aura inévitablement d'autres attentats (1). Seulement si à chaque fois on parvient, certains d'entre nous parviennent, à faire bloc, à tenter de faire front, au bout du compte on l'emportera.
Et en attendant je crois que l'on pourrait peut-être, collectivement, s'accorder une once de fierté, que ça ne serait pas si déplacé.
(1) Au risque que comme vendredi passé à Münich un type qui se prenait pour un nouveau Breivik soit confondu un temps avec un djihadiste, alors qu'il agissait plutôt par racisme d'extrême droite.