Depuis 2013, qui était pluvieux, du moins il m'est ainsi resté en mémoire, je ne me souviens plus du printemps. 2014 était peut-être pas mal, mais il fallait aller à l'hôpital et nous étions si inquiets sans arrêts, 2015 était un deuil et le deuil aussi d'une autre relation et la difficulté qu'il y avait à travailler malgré tout alors que l'environnement n'était pas bienveillant - j'ai le souvenir de journées ensoleillées et d'un été plutôt chaud mais il reste comme sur une photo, sans ressenti, abstrait - et 2016 n'accorde de chaleur que par inadvertance.
Ça fait longtemps, très longtemps que j'ai perdu les voyages, restaient les déplacements, quelques-uns, et Bruxelles. N'en restent plus qu'Arras et son festival de cinéma ainsi que deux week-ends de ciné-club - et encore coup de chance, j'avais un week-end non travaillé -. Faire l'amour s'éloigne aussi. J'ai passé l'âge des possibilités sans tout à fait avoir perdu l'envie, mais force est de constater que c'est bientôt fini.
Espérer rétablir l'équilibre de nos finances n'est plus qu'un espoir abstrait. Seul le départ des enfants ou que l'un d'eux contribue aux dépenses pourrait nous remettre dans une situation sans systématiquement des tracas de fins de mois et du jonglage et du report de dépenses élémentaires.
Travailler un peu loin c'était renoncer à une grande part de vie sociale, c'était déjà le cas dans le XVIème arrondissement (même si dans ce cas le "loin" n'était pas géographique), mais ça l'est désormais concrètement. Je m'y attendais, seulement ça peine.
Les problèmes d'argent pèsent aussi, joints aux prix délirants (par rapport à des salaires faibles) des consommations à Paris
(photo récente d'un ticket de caisse d'un café parisien empruntée à Lola Spun et tellement significative, de la rondelle de citron taxée à 20 centimes à la CB minimum 10 € en passant par le prix de base des consos, 6,10 € le cidre, 4,20 € l'eau gazeuse)
Forcément, si on hésite à aller au café, parce que la moindre boisson c'est trente minutes de boulot qui se liquéfient, on voit moins les personnes à qui on aimait donner rendez-vous, sans nécessairement se faire inviter. On n'ose plus rien proposer.
Chacun est pris dans la nasse de ses propres difficultés et soucis. On est tous des hamster qui cavalent dans des roues, parfois on en descend, on dit deux mots au hamster d'à côté en tentant de reprendre notre souffle, et puis on reprend. Comment rester proches dans ces conditions.
L'opéra s'était terminé quand les files d'attentes collectives ont été supprimées et les places à 20 €. Ça me manque. J'ai au moins la conscience d'en avoir, grâce à Kozlika et au petit groupe qui s'était créé, vraiment bien profité.
La chorale s'était achevée avec mon premier emploi de libraire et les fermetures à 20h. Incompatibles avec les horaires de répétition. Et les répétitions en vue des concert qui prenaient les week-ends incompatibles avec les horaires des librairies ultérieures. Chanter me manque. La musique jouée me manque.
À présent c'est le théâtre. J'y allais en collectif avec un abonnement, certaines années deux (mais mon partenaire de Chaillot a totalement disparu de la circulation, quand je pense à lui désormais je pense aux morts dans la vieille série des Envahisseurs, un souvenir lumineux de la place qu'ils prenaient). Je vais quand même regarder ce qu'on m'a transmis mais je crois que je vais arrêter. Trop compliqué avec mes nouveaux horaires. Rare économie possible. Là aussi que de bons souvenirs. Que d'œuvres qui auront aidé à grandir.
Reste le sport, encore que (1), mais au moins la pratique quotidienne, elle, dépend beaucoup de moi et le nouveau travail la favorise. Est revenue une activité que l'éloignement des lieux et le peu d'entrain des miens m'avait fait abandonner alors qu'elle m'est une respiration vitale : les marches en forêt.
Reste le cinéma, entre le Cinema Paradiso découvert près du boulot et le Méliès de Montreuil cette année est faste.
Restent les livres, mon métier retrouvé me remet dans une situation d'abondance. C'est déjà une vie très privilégiée, jointe au travail que j'aime. Aimer ce qu'on fait pour gagner sa vie est quelque chose de si précieux.
La lecture, le cinéma, le sport, trois éléments qui ne se rétrécissent pas dans une existence qui depuis 2013, que je le veuille ou non, se resserre.
Reste la BNF même s'il est frustrant de n'y pouvoir y aller que certains matins. J'y suis si bien, au calme, à mettre de l'ordre dans mes idées, avancer mon travail personnel, étudier.
Reste l'écriture, justement. La seule chose qui contre vents et marées échappe au renoncement pour l'instant, sauf qu'elle échappe aussi à la mise en œuvre de chantiers un peu longs. La seule chose qui me console c'est de n'avoir rien à me reprocher : j'y fonce dès que j'en ai la possibilité.
Je ne souviens plus du printemps, j'ai renoncé à avoir chaud, est-ce que ça existe encore ? Mais je n'ai pas renoncé encore à l'essentiel. Quelqu'un me soutient.
Peut-être aurais-je enfin davantage de printemps l'an prochain.
(1) Je voudrais m'inscrire à la saison prochaine au Levallois Triathlon après une tentative trop tardive pour la saison 2015/2016 mais deux mails sont restés sans réponse pour l'instant. Je suis une femme, je ne suis pas jeune, je n'habite pas Levallois mais juste à côté, sans doute que je ne les intéresse pas.
PS : Le problème est aussi que les tracas externes grandissent en plus du climat général délétère et violent, mais je ne souhaite pas évoquer les premiers qui sont ceux de tous adultes vieillissants dont les parents atteignent au grand âge, et j'ai déjà beaucoup parlé du second.
addenda du 27/05/16 : À croire qu'il suffisait de demander, aujourd'hui un climat normal de printemps vers l'été #itwasabouttime