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Parachutes


    C'est en révisant (mentalement, pour danser il faudrait au préalable faire dans la maison un peu de rangements) la choré du moment (1), et cette video qui sur youtube y est associé, qu'il m'est venu de songer que la prise de risque dans la vie d'une façon générale et dans nos sociétés, était quand même plus facile si l'on bénéficiait de parachutes. Rien à voir avec le grand banditisme en cols blancs légalisé, mais simplement avec le tissus social dont nous sommes entourés, famille, amis, réseaux de solidarités. 

Je pense en particulier aux jeunes, à l'orée d'une vie professionnelle, si personne ne peut en cas de ratage aider à refaire surface, rattraper le coup, ou simplement les soutenir tant que le travail qu'ils fournissent n'est pas rémunéré, il est infiniment plus dur de se lancer. Ou par ailleurs aux amis qui m'ont dit admirer (?) le risque que j'avais pris en quittant par deux fois des emplois réputés sûrs mais qui étaient devenus pénibles et sans satisfactions, alors qu'en fait, sans le savoir (j'ai reçu un secours important auquel je ne m'attendais pas), confusément, je pense que je me sentais bien entourée et qu'alors même si l'expérience était (et reste, nous ne sommes pas tout à fait sortis du dur) rude, ça n'est pas du tout la même chose que lorsque l'on est seuls sans secours, sans plus personne alentour qui pourrait tendre une main, offrir une issue, un abri le temps de se refaire une santé.

Ce qui est le cas de nombreux réfugiés ou de personnes depuis plus longtemps sur place mais en situations de précarité. L'audace et le courage ne suffisent pas. 
Il ne faut pas l'oublier. Qui que vous soyez, sans entraide, vous ne sauriez donner le meilleur de vos capacités.

 

(1) We light the sunshine de Hyphen Hyphen


Quinze ans déjà

 

    Lorsque l'on quitte, du moins en cette époque du début du XXIème siècle en Occident, volontairement un travail c'est souvent un cumul de raisons qui peu à peu s'empilent jusqu'à ce qu'y rester n'ait plus aucun sens. Alors on franchit le pas, qu'on le puisse ou non économiquement. C'est simplement devenu une question de survie (bien plus que d'ambition, ou alors si : celle de récupérer la jouissance de sa propre vie).

J'ai filé de l"'Usine" dès que l'opportunité (rude, sauvage, non souhaitée) s'en est présenté, j'étais à terre et (bien soutenue, portée par l'affection que certains m'accordaient) j'ai eu la force d'un sursaut salvateur. Bien aidé aussi d'avoir été dans une entreprise dont la structure générale présentait encore des éléments d'humanité. Le rendement et l'hypemanagement n'avaient pas (encore ?) tout gangréné.

La raison principale de fond était que j'étais déjà atteinte par l'écriture et pas de ce bois dont certains sont qui peuvent assurer un emploi stressant le jour et écrire, énergiques, tôt le matin ou en soirées. Je pensais partir une fois certains prêts remboursés.

Il n'empêche qu'il y avait un sacré gros cumul de petites choses qui corroboraient cette décision. 

L'une d'elle m'a été remise en mémoire par ce touite. Apparemment Loft story c'était il y a quinze ans (j'avais oublié). En 2001, avant 9/11 et l'entrée (la prise de conscience de l'entrée) dans une nouvelle époque. 

Tout le monde en parlait. À la télé je crois que je ne regardais déjà plus guère que la récap des Guignols le dimanche et Arrêt sur Images, Faut pas rêver certains vendredi soir, et sur le câbles certaines séries (NYPD Blues, plus tard 6FU, My so called life ...), je n'avais déjà pas de temps à perdre, et pourtant c'était avant d'avoir l'internet vraiment à la maison. Je me sentais isolée. Incapable de comprendre ce qui fascinait dans le fait de regarder d'autres humains et qui n'avaient rien d'exceptionnel (1). Il y avait toujours quelques collègues pour parler avec moi d'autres choses, bon.

Mais lors de la session suivante en avril 2002 il s'est trouvé que nous suivions avec mes collègues d'alors, une petite équipe plutôt sympa, et des personnes d'un-e ou deux autres entreprises ou services un stage de formation à l'utilisation d'un logiciel. Pour ce faire nous fûmes quelques jours (deux ? trois ?) à aller bosser dans un local vers les Champs Élysées et déjeunions ensemble le midi dans un restau voisin, tablée de dix à douze personnes. 

Il y a ce souvenir de l'un des midis où quelqu'un lance la conversation sur le sujet de cette émission de télé-réalité et c'est parti ça se bouscule, il y a les pour les contre, chacun a un avis, le fait est que ça rigole bien dans la chamaille ainsi lancée. Seulement je prends conscience que je suis de tous la seule à n'avoir jamais regardé. C'est-à-dire que même ceux qui sont résolument opposés à ce genre de big brother consenti ont regardé, au prétexte de se faire un avis, mais se sont donc eux aussi trouvé captés, quitte à n'y plus revenir après, ils avaient fait partie de l'audience à un moment donné (2). J'étais la seule à y avoir échappé.  

J'avais connu un temps où mes supérieurs hiérarchiques étaient des personnes cultivées, avaient tou-te-s une vie en dehors de l'entreprise même s'ils y passaient des heures sans compter, allaient au cinéma, au théâtre, aux concerts, lisaient ; revenaient de voyages avec autres choses que des selfies (qui n'existaient pas, au pire on actionnait le retardateur pour avoir devant le monument du bout du monde la famille au complet ; ou l'on prenait le risque de demander à un passant). 

Peu à peu cette génération partait en retraite et les plus jeunes qui arrivaient étaient très affutés sur les produits financiers, créatifs en diables sur les niches de profits possibles, experts en défiscalité, mais pour le reste ne disposaient que d'un vernis culturel bien vite écaillé.

Ce jour-là, à cette tablée, alors que d'âge j'étais encore acceptable au sein de la communauté des cadres dynamiques, j'avais perçu à quel point je faisais partie d'un monde déjà ancien, ceux pour qui la profession n'était qu'un élément de la vie et l'argent un vecteur dont la relative abondance la facilitait. Mais en rien une fin en soi. 
Mes "mauvaises rencontres" n'étaient que trop fraîches, je n'avais pas cette force que donne le sentiment d'avoir trouvé sa voie / voix, je n'avais pas osé lancer à la tablée : 

- Depuis combien de temps n'avez pas lu un poème ?

pas voulu me faire remarquer, pas eu le courage d'endosser le rôle de la rabat-joie. 

Je crois que quelqu'un, qui aimait quand je les faisais rire, et trouvais peut-être dommage que je ne participe pas m'a demandé quelque chose comme Tu ne dis rien, tu en penses quoi ? Et que j'ai répondu du ton bas de qui n'est pas spécialement fier, Je n'ai pas regardé, ça ne m'intéresse pas. 
Et que peut-être ça avait un peu contribué à faire virer la conversation sur d'autres sujets. Celui à éviter étant alors bien sûr la présence de l'extrême droite au second tour des présidentielles. Dans le cadre professionnel, exprimer des opinions politiques était déjà délicat.

J'ai compris ce jour-là qu'il faudrait que je m'en aille, que je ne m'attarde pas. Je ne pouvais pas, seule, changer l'orientation des choses, qu'il me faudrait tôt ou tard migrer vers des domaines où ce que j'aimais apprendre ne détonerait pas tant. J'ignorais que je deviendrai libraire. Mais je pressentais que le salut pour moi était dans les livres.

Quinze ans déjà.

(et l'an prochain, on remet ça :-( )

 

 

(1) Par exemple et s'il n'y avait pas étalage de moments intimes ça m'aurait intéressé de suivre le quotidien en direct d'astro, spacio ou cosmo - nautes dans une capsule, ou de scientifiques en terre Adélie ou même le tournage d'un film en temps sans ellipse (pour suivre les "temps morts" aussi et les contraintes réelles), bref, des humains dans des circonstances de replis sur une équipe, mais avec un but, des compétences, des contraintes professionnelles dont à l'extérieur on n'a pas idée.

(2) Seule chose qui intéresse les annonceurs. Et donc les chaînes qui ont depuis longtemps perdu tout autre objectif que d'assurer des revenus confortables à certains et des postes de prestige. Que reste-t-il vraiment de l'ancienne notion de service public et de ses missions ? Des temps où des émissions existaient pour élargir la vie et la vision des gens ? Quelques miettes, quelques éclats, tous en danger, ici ou là.


Une petite playlist (plaisir simple du vendredi soir)


    Ça m'a pris comme ça, parce que le bouquin m'avait fait du bien, parce que ça m'avait plu l'idée des titres qui étaient des chansons des Clash et qui orientaient l'intrigue, alors voilà, après avoir (re?)lu "La jambe gauche de Joe Strummer" je me suis pris d'envie d'établir la playlist et de chercher les éventuelles images et les son correspondants. 

Comme au départ c'était du livre que je souhaitais parler, je l'ai mis Côté Papier : 

"La jambe gauche de Joe Strummer" de Caryl Férey


Petits éclats de vie moderne

 

    Une amie qui a un travail inimaginable à l'époque où je devais, lycéenne, songer à un métier, me signale ce RT dont je suis paraît-il censée me glorifier : 

Capture d’écran 2016-04-29 à 11.43.53En fait leur bot a repéré que je mentionnais l'émission. 

Ça m'a rappelé le jour où festivalière heureuse à Arras, j'avais mentionné sur FB que j'étais au bord d'aller voir un film, c'était un statut en attendant (dans la petite file d'attente avant la séance ou à la maison avant de partir et en attendant l'homme qui achevait de se préparer), un geste machinal, la vague idée de pouvoir ainsi plus facilement reconstituer ma liste des films vus (1) et où j'avais eu la surprise d'un commentaire joyeux de l'un des acteurs.

Il est en effet à présent entendu que les réseaux sociaux nous bercent de l'illusion d'une proximité quotidienne avec des personnes que nous admirons ou dont nous admirons le travail. Le tendre "Janine" d'Olivier Hodasava rappelle fort combien jadis nous pouvions être pétris de passion pour un groupe (par exemple) et si peu savoir de leur vie qu'il fallait plusieurs mois, s'ils n'étaient pas d'une notoriété de JT, avant de savoir que l'un de ses membres était mort. De nos jours nous savons même ce qui arrive à leurs fans (2).

En revanche il est moins évident d'intégrer le fait que ceux que nous apprécions se trouvent en retour parfaitement à même, pour peu qu'ils s'en donnent le temps ou qu'un-e chargé-e de com. fasse bien son boulot, de repérer notre admiration ; ou, moins réjouissant, ce que nous exprimons de notre déception d'une nouvelle œuvre, voire parfois de notre désaffection. 
Ce qui fait que même en n'étant personne on doit, si l'on n'envisage pas de peiner ou de se lancer dans d'épiques polémiques, prendre garde à nos énoncés.
J'avoue n'avoir pas encore intégré ce fait, pas tout à fait. J'en suis encore à l'étape de m'en amuser ; à preuve ce billet.

(et je ne parle même pas du versant moche de ce phénomène qui fait que de nos jours tout employé d'entreprises "managées" est tenu de ne rien exprimer concernant son travail fors de la réclame douce et des enthousiasmes "fraîcheur de vie") (je trouve naturelle une certaine décence et tient la retenue pour un évident respect, mais les échos de certaines réactions, des ennuis rencontrés par certains, et ce que je ressentais durant mes années d'"Usine", ont tout à voir avec la vie dans un régime dictatorial, sans parler que bien des salariés n'ont pas même le droit de faire de l'humour sur certaines absurdités rencontrées) 

((et j'arrête là ce billet avant de tomber dans le sujet brûlant des lanceurs d'alertes))

 

(1) Ce petit plaisir qu'on prend le temps de s'accorder (ou non) en fin de festival, à tête reposée.
(2) Je me souviens d'avoir appris le sens du mot Directionner via un touite parvenu je ne sais comment jusqu'à ma TL et qui manifestait de l'empathie pour la mort accidentelle de l'une d'elles.


Un vélo une cycliste trois possibilités


Capture d’écran 2016-04-26 à 20.40.38J'ai enfin testé le trajet en entier. Là où le vélo de google map met 49 minutes j'ai mis 1 heure 10 sans pourtant vraiment hésiter. Mais j'ai eu tous les feux rouges rouges et la circulation était d'une assez forte densité (m'a-t-il semblé) avec des moments de perplexités lorsque des passages en piste cyclable se finissent sans indications ou avec des traces qui vous envoient dans un endroit bizarre par exemple des voies de tram (?!).

Le pont de Gennevilliers est à ce point dangereux que je me suis demandée si je n'étais pas en train d'emprunter une voie interdite aux vélos.

Rien à voir avec l'enchantement de dimanche qui consistait à prendre le RER jusqu'à Saint Gratien et à faire en vélo un délicieux petit bord de tour de lac (d'Enghien), passer par des chemins de campagne et aborder Montmorency par l'ouest moins escarpé.   20160424_091814

La prochaine  fois je tenterais l'itinéraire qui longe la Seine et l'Île Saint Denis. Il est indiqué comme plus long mais peut-être qu'il est plus agréable. 

À part ça, ça y est j'ai retrouvé mes automatismes de ce cher vieux biclou. Mais je n'ai qu'une confiance modérée dans mes vieux freins. 

De plus j'étais trop chargée. Il faudra que j'allège (laisser à la librairie la bouteille d'eau par exemple) (et n'utiliser qu'un seul antivol si je laisse le vélo dans un endroit clos).

Enfin, j'ai miraculeusement échappé à la drache chanmé qui semblait chauffer. Le contraste soleil / nuages noirs sur Gennevilliers était au retour magnifique. Mais je n'ai pas su trouver d'arc en ciel. Au fond c'est mon seul regret. Le vélo pour aller bosser c'est assez formidable. 

 

PS : Le caban féminin pour ce vélo, à oublier (manches trop serrées)


Un métier qui m'aurait tenté (grutier)

 

    Si j'étais jeune là maintenant avec à devoir choisir un métier, je pense que j'irais vers quelque chose de concret - ce bonheur que ça a été de lâcher la vie de bureau et ses contraintes "abstraites" et ses résultats à la visibilité biaisée (1), pour un métier de terrain et physique -, mais avec quand même une reconnaissance et un vrai salaire, ne pas être sans arrêt obligée de funambuliser les fins de mois.

Alors il y a plombier, indispensable sous toutes les latitudes dès lors qu'il y a l'eau courante, mais ça ne doit pas être drôle tous les jours, les fuites ou débordements peuvent être liées aux eaux usées, et puis il y a grutier (grutière). Ce n'est pas une idée pour rire, c'est que l'orientation dans l'espace, j'ai cette chance d'en être équipée, et une relative absence de vertige (sauf dans certains cas, mais pour du boulot ça irait).

Il me faudrait passer le permis poids lourds (2).

Reste la question des pauses-pipi (se dit-elle en regardant la grue qui culmine à 180 m d'altitude et qu'elle a depuis quelques mois dans son champ de vision à la cuisine lorsqu'elle écrit)

(et puis sur le fond : pas de regret, quand j'étais jeune une femme dans une grue était peu envisageable, et par ailleurs je n'avais pas assez de santé, il aura fallu que j'attende de passer 40 ans et beaucoup de pratique sportive pour attraper une condition physique honorable, une grutière enrhumée ça n'aurait pas marché)

nb. : fiche de l'observatoire des métiers

 

(1) En particulier dans les jobs informatiques, souvent un truc spectaculaire c'était très rapide à programmer et d'autres fois on rame pour quelque chose qui lorsque c'est bien réglé est invisible pour l'utilisateur final (qui ne se rend pas compte du problème qu'on lui a épargné)

(2) Se souvenir soudain que du temps où les garçons faisaient leur service militaire, beaucoup en revenaient avec le permis de conduire et certains le permis poids lourds, qu'ils n'auraient jamais pu se payer dans le civil. 
(je ne dis pas ça par nostalgie, je détestais ce truc discriminant (mais j'aurais détesté avoir à le faire)) (beaucoup de non-fumeurs revenaient fumants)


Keyser Seize


    On était sur le pas de la porte de la librairie des amis, la rencontre littéraire venait de s'achever, les fumeurs fumaient et les préoccupés du téléphone rallumaient leur objet. A. à ma gauche a dit Prince est mort, calmement et de façon très neutre, un peu comme s'il lisait à voix haute sans comprendre la portée de ses paroles. Un autre à sa gauche à dit : - Non, Prince ?
J'ai dit quelque chose comme - Qui ? parce que je croyais avoir mal compris donc en fait j'aurais dû dire - Non, Prince ? aussi. A. a répondu, cette fois-ci : - Si. 57 ans. Ils disent pas de quoi.

Un présent, JP, je crois a dit : - Merde il faut que je rentre, je vais devoir faire un article. Et très professionnel a écouté sa soirée.

Je n'étais pas triste à proprement parler, moins que ceux qui m'entouraient, question de génération, je me sentais bien plus concernée par le décès de David Bowie. J'ai un souvenir calamiteux du film Purple Rain diffusé dans une salle lors d'une soirée de l'ESSEC à Cergy, mélangé avec celui sur le même campus d'une Jeanne Mas qui peinait, n'ayant qu'un seul tube, et Taxi Girl qui jouait ses (déjà anciens) succès. Vaguement d'avoir aussi entrevu Lavillier mais trop de monde pour lui. C'était peut-être pour ça, la non-envie de bousculade, que j'avais atterri dans la salle de projection où était donné "Purple Rain". Je crois que je n'avais pas bien capté l'intérêt d'une musique funky qui n'était pas dansante, je préférais du pur rock tant qu'à faire, quelque chose comme ça. Ou alors ça n'était pas ma soirée (il me semble que j'avais été déçue aussi par Lavillier), mais il n'empêche que lui après d'autres et à un âge si proche du mien, ça n'étais pas rassurant, l'impression d'avoir affaire à une année serial killeuse d'artistes.

On se croirait rendus aux pires temps de l'épidémie de sida quand tous ceux qui en étaient atteints et parmi eux nombre de grands artistes mourraient les uns après les autres avec des motifs annoncés qui pouvaient dans les débuts être assez variés (1).

Nous avons évoqué les morts pour nous marquantes. Il semblerait que la disparition de Bashung ait été une sorte de déclic, un jalon dans le À partir de là on se sent concernés - sans doute dans une sensation (fausse) qu'avant ceux qui mourraient correspondaient à la génération des parents, pas à la nôtre -. 

Je me suis demandée si j'avais déjà vu Prince en concert. J'ai un vague souvenir de Bercy dans les early eighties. Réel, recomposé ou simple souvenir d'intentionnalité (non suivie d'effet) ?

En attendant, ça fait un cas de plus qui nous signifie que désormais il va falloir faire avec sans. Je trouve le cumul à force usant.

 

 

(1) Je ne saurais dire à quel moment l'hypocrisie a cessé. Alors que le cancer reste encore assez souvent "une longue maladie". 


La hauteur des blés et deux papillons

 

    Ce matin je tombe sur cet article de Rue 89 ou ce qu'il en reste, au sujet d'une video qui circule et re-circule sur les réseaux, 

"Ça meurt, ça meurt, puis les gens attendent"

J'ai vu en son temps "Solutions locales pour un désordre global" de Coline Serreau, et j'étais là (!) pour la projection de "Demain" à Arras. 

Dans ma vie quotidienne, je tente de faire ce que je peux pour contribuer le moins possible à la dégradation de notre environnement, ne serait-ce qu'en utilisant la voiture le moins possible et couper les clim l'été partout où ça peut - on peut bien sur une quinzaine de jours au cœur de l'été (à Paris rarement plus) transpirer un peu, réutiliser et recycler autant que possible -. Mais je peux peu. 

Les propos de Claude Bourguignon me font entre autres choses plus importantes, comprendre qu'une impression que je croyais d'enfance, à savoir que Quand j'étais petite les blés étaient plus hauts, et dont j'était persuadée qu'elle venait du fait que je n'étais pas haute alors et que j'avais grandi depuis, correspondait en fait à une triste réalité de l'évolution du végétal face à la surexploitation : les blés de maintenant sont tigés moins grands, c'est dû à l'usage de toutes sortes de saloperies pour augmenter les rendements. Ça peut paraître un détail mais il est significatif. Et c'est impressionnant que ça soit visible à l'échelle d'une vie d'humain.

Hier je profitais d'une maxi-pause déjeuner pour aller marcher en forêt, forêt d'Île de France que l'on sent menacée et entretenue avec des moyens limités (par endroit des arbres couchés enchevêtrés, peut-être depuis la tempête de décembre 1999), mais forêt qui a le mérite malgré tout d'exister. Je n'ai croisé que deux papillons un petit jaune et un orange et blanc. Deux. En avril par grand beau temps. 

(jeu du jour, trouvez-le dans cette photo)

P4200033

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Or j'ai ces souvenirs d'enfance et de jeunesse dans la même zone de la région d'avoir dès les premiers jours de printemps vu toutes sortes de papillons accompagner la moindre de nos balades, y compris nos parties de ballon, zone pavillonnaire déjà dense de peuplement, et qu'ils étaient de cinq ou six sortes de la piéride du choux jusqu'au lycaena phlaeas en passant par l'argus bleu et l'amaryllis

De même et, si les pies jadis rares sont désormais courantes et les perruches vertes acclimatées à Paris ou Bruxelles, et que corbeaux et corneilles sont devenus oiseaux des villes et qu'on entend encore quelques merles chanter, les mésanges bleues et autres rouge-gorges semblent avoir presque disparus. Même les piafs dans mon enfance aussi nombreux que les pigeons, toujours aussi pléthoriques, sont moins nombreux. Il est inquiétant de pouvoir à l'œil nu et en étant citadin-e combien la diversité biologique de l'environnement régional immédiat s'est rétrécie en quatre décennies. Et pour quelqu'un qui n'y connaît que plus (1) ou peu. Je n'ose imaginer ce qu'il en est pour quelqu'un d'expert.

Pour me consoler hier un ou plusieurs pics s'activaient. Ni plus ni moins que dans mes souvenirs de la même forêt à la même saison, dans les années soixante-dix et quatre-vingt du siècle dernier. Peut-être que ma génération pourra mourir dans l'illusion d'une suite possible, encore accompagnée par les chants des oiseaux libres.

Qu'en sera-t-il de nos enfants ? 

 

(1) Enfant je connaissais le noms des arbres, des plantes, des insectes, des oiseaux du Val d'Oise, du Vexin et un peu de ma Normandie. Je les ai perdus comme une langue vivante lorsqu'on ne la pratique plus. 

(mais je suis incollable sur les noms et les correspondances des stations de métro dans Paris, et commence seulement à perdre celles de Bruxelles, un peu)

Lire la suite "La hauteur des blés et deux papillons" »


E. V. (En Ville)

 

    La librairie où je travaille désormais avait reçu il y a quelques temps un très étrange courrier, un homme protestait parce que la "boîte sardine Connétable" ne contenait que deux sardines. Il réclamait une compensation. 

Les collègues ignorent à ce jour s'il s'agissait d'un de leur clients-amis d'humeur potache ou d'un vrai malheureux capable de perdre le temps d'un courrier pour quelques sardines qui dans une boîte manquaient. À la décharge de ce dernier la librairie porte effectivement le nom d'une conserverie fameuse, l'expéditeur n'est peut-être après tout qu'un visionnaire qui a anticipé la localisation à plus de 200 kilomètres de la première mer d'industries de retraitement des poissons péchés. Ou peut-être croyait-il écrire à un siège social, s'adresser à un grand patron ?

Au delà d'un très réussi éclat de rire, comme la vie de libraire sait comporter quand tout va bien, la missive en guise de timbre portait la mention manuscrite "E.V.".

C'est quelque chose que j'avais totalement oublié.

De celles que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

Il fut en effet un temps, pas si reculé puisque je l'ai connu alors que je suis encore à une quinzaine d'années d'une potentielle retraite, où ce qui permettait aux gens de mener à bien leur vie quotidienne était considéré comme un service public. L'état prenait en charge, financé par l'impôt mais au bout du compte le consommateur payait le service d'un prix raisonnable encadré. Ça concernait le gaz, l'eau, l'électricité et par exemple le courrier en papier. La question d'opérateurs de téléphonie mobile, d'internet et autres services associés ne se posait pas : ça n'existait pas.

Le train quant à lui, se payait au kilomètre et c'était équitable : tu vas plus loin tu paies plus cher et si ton boulot te fait voyager à des heures très fréquentées parce que tu pars en congés payés en même temps que tout le monde, tu n'as pas plus cher à payer (1).

La poste acheminait les colis, le courrier, et n'avait de bancaire que les livrets A des épargnants modestes et des comptes-chèques associés, parce qu'il était ainsi plus facile de percevoir et payer toutes sortes de choses liées aux vies simples. 

Quand on écrivait à l'un des services publics, on n'avait d'ailleurs pas à timbrer l'envoi. Ça faisait partie d'un tout. 

C'est sans doute dans le même ordre d'idée que lorsqu'on envoyait un courrier à quelqu'un d'autre de la même ville, l'idée étant probablement qu'il n'avait alors pas à transiter par le centre de tri et que du coup ça coûtait peu, donc on offrait ce service, on pouvait se dispenser de timbre en écrivant E.V. pour En Ville. Je l'avais totalement oublié, car j'étais encore enfant lorsque ça finissait de se pratiquer et n'écrivais donc à personne fors quelques cartes postales de vacances "Je vé bien é toi ? Il fée bo. Je nage dan la mer". Mais en me parlant de l'enquête qu'ils avaient menée sur ce sigle mystérieux les collègues ont réactivé ma mémoire.

Le plus joli de l'histoire c'est que posté de Paris en 2016 et en direction du Val d'Oise, ce courrier leur a bel et bien et sans surtaxe été remis. 20160420_130307

 

Peut-être par un facteur muni d'un véhicule tel que celui-ci et qui n'a plus rien à voir avec les vélos du temps du En Ville et les préposés assortis

Carambolage des temps.

 

(1) Il existait même un tarif "congés payés" qui moyennant un brin de paperasses permettaient aux petites familles peu fortunées d'aller en vacances à pas cher.