Fin de Salon (du livre) (de Paris)
20 mars 2016
Cette fin de salon un dimanche soir laisse une sensation de trop peu - bien sûr pas pour ceux qui tiennent les stands et doivent être exténués -. Mais la demi-journée pro du lundi était toujours intéressante. La réduire à deux heures le jeudi (?!) matin, signe qu'aucun des décideurs de l'organisation ne fréquente, pas même à titre personnel, de bibliothèques ou de librairies, c'était de facto la supprimer du moins pour ceux qui travaillent tout au long de l'année au contact avec le public.
Finalement être entre deux emplois et n'avoir pas tenu non plus de stand m'aura permis quelques plaisirs : assister en simple public à des tables rondes dont certaines résistent au commercialisme ambiant. J'ai fait connaissance avec la littérature de Corée (du Sud) et ce que j'en ai entrevu m'a donné envie.
Soudain j'ai songé à Lydie Salvayre. Inquiète pour elle.
(Je n'ai pas vu ni cherché si elle était en dédicaces ou pas).
Il manquait quand même au moins trois éditeurs à mes yeux importants.
La loi des croisements sur les salons : on voit toujours qui on ne s'attendrait pas spécialement à croiser et ceux à qui on a dit À tantôt on repart sans les avoir vus.
Deux amis me racontent le Géant Letton. Ils en font une légende. C'était pour moi un heureux bref moment.
Je parle avec quelqu'un que j'admire et apprécie. Toujours un peu surprise que dans un endroit pareil on trouve du temps à me consacrer. Probablement que je représente une détente : quelqu'un à qui on n'a pas à vendre (du moins pas directement et ceux que je fréquente ce sont ceux que j'aime alors pas besoin qu'ils m'entreprennent je suis déjà de leur côté), ni quelqu'un qui a quoi que ce soit à vendre (et quand j'aurai un manuscrit, si enfin l'existence s'apaise, je le leur présenterai au calme), tout en étant quelqu'un à qui on peut parler boulot.
C'est d'ailleurs très intéressant d'assister à un salon en spectatrice tout en étant au courant de l'arrière-boutique. Un peu regarder un film pour lequel on aurait assisté ou participé pour partie au tournage.
J'ai hâte de retourner à mes propres travaux et de démarrer mon nouveau travail. Il est temps que je passe du côté producteur de la force.
Avant de quitter les lieux je croise quelqu'un que j'aime. Occupé et moi sur le départ, mais déjà une bise et quelques mots, ça me donne du courage pour les jours à venir.
Je vois sur son stand un patron (partenaire ?) de quelqu'un que j'ai aimé, on se connait un peu mais je ne sais pas du tout ce qu'il sait ou non et je crains le pire sur ce qu'on a pu lui raconter. Dans le doute je m'abstiens d'aller le saluer, tout en me disant que j'ai peut-être tort. Nos rapports ont toujours été courtois et c'est quelqu'un dont j'admire la culture.
Je m'abstiens également d'aller saluer celui qui s'était permis de venir complètement bituré à Livre Sterling (alors qu'il n'avait pas rendez-vous, donc rien ne l'y obligeait) tenter de nous faire l'article pour sa sous-section de la maison d'édition. Je le vois de loin faire son numéro auprès de connaissances communes et claironner en prenant congés Salut les hommes. Probablement pour être spirituel.
Deux des tables rondes avec des auteurs coréens sont de très bonne tenue. Jérôme Leroy, participant de l'une d'elle, pose en ayant demandé l'autorisation avec courtoisie, LA bonne question, qui libère la parole d'un des auteurs du pays lointain. C'est émouvant lorsque même sans comprendre la langue ni aucune de ses racines, on peut percevoir à quel moment une personne qui parle en public sort des propos guindés pour entrer dans quelque chose qui se rapproche de la confidence ; quelque chose qu'elle n'aura pas l'occasion de redire ailleurs. Qu'elle ne dira peut-être qu'une seule fois.
Je trouve des toilettes dans un coin à un rez-de-chaussée. Ne les avais jamais remarqué les autres années. Si c'est une innovation pour une meilleure accessibilité il faut reconnaître son bien fondé.
J'ai vu aussi des voitures logotées du salon, sans doute comme pour Roland Garros. Pas étonnant ensuite que les entrées soient à 12 €.
À un moment donné je prends des portraits. Et sur ce temps là je ne suis presque plus que photographe.
Ma voisine d'assistance prête ses lunettes à Carole qui a su malgré le succès garder son don pour rendre toute assemblée vivante, en prise avec la vraie vie, ses contraintes et ses rires. Si j'avais douze ans elle serait la personne qui me lancerait dans la vocation d'écrivain. Il se trouve que je suis plus âgée qu'elle et que ce fut quelqu'un d'autre mais la moi de douze ans, avec laquelle j'entretiens d'excellents rapports éprouve une grande gratitude pour ce que Carole aurait pu faire pour elle.
Soudain elle dit quelque chose qui fait que je comprends l'effet que ses livres me font. Ils [me] guérissent.
Je ne voulais pas dépenser d'argent mais j'ai craqué pour l'avant dernier sandwich d'un des stands du fond. Et pour un livre aussi d'une auteure coréenne qui a failli ensuite me passer sa carte bancaire au lieu d'une carte de visite. Nous en rions de bon cœur. Quelque chose me dit qu'au delà des barrières de cultures et d'usages et de langues et d'alphabet, nous avons elle et moi beaucoup en commun.
À un moment circulant, je consulte mes messages sur mon téléphone intelligent et voilà que quelque chose que j'y lis me fait tellement rire que je dois m'arrêter dans un coin (non sans avoir failli me manger une paroi de tissus rouge). Une fois le rire calmé comme des pleurs se serait asséchés, je reprends mon périple.
Pas traces d'Eduardo. Nous nous étions dit À dimanche. Zut alors !
(c'est exactement ce que je remarquais plus haut).
Sur l'une des tables rondes il y a un homme qui m'agace car il est extrêmement présomptueux. Les autres invités m'intéressent alors je reste mais peux constater qu'il m'agace de plus en plus au fil des années. Est-ce lui que le succès fait de plus en plus gonfler ou moi qui en vieillissant devient moins indulgente ?
Rarement je me serai sentie aussi libre que cette année ; personne pour occuper plus qu'un-e autre mes pensées, entre deux emplois dont aucun soucis concret immédiat - grande légèreté -, personne de gravement malade à la maison en ce moment (savourer cette trêve). Pas de grands chantiers en cours, 2015 a tout mis en stand-by et j'éprouve ce besoin de reprendre des forces avant de me ré-embarquer dans cette double-vie qu'est l'expérience de l'écriture lorsque l'on n'en vit pas.
Un tram passe alors que je sors, ça serait donc tram + 13 au retour (comme à l'aller). Arrivée à Clichy, je remarque, sans en souffrir plus que ça, que quand même il fait rude froid pour un jour de printemps - c'est désormais du constaté extérieur -, le dîner a été préparé par l'homme de la maison et c'est rudement bon (et en qualité et qu'il l'ait fait et la coordination parfaite sans s'être consultés). Je me sens fatiguée, pense, une douche, régler les réveils pour demain et au lit mais en fait j'écris ce billet.
Tout en dormant.
Mais j'ai peur si j'attends, d'oublier mes impressions. Comme toujours j'aimerais me rappeler du bon.
Et dire à Sophie (Q) qu'elle prend de l'assurance comme modératrice de débat et fait ça de façon formidable. Elle a trouvé sa place et par la qualité (cet exploit).
Tout n'est peut-être pas perdu.
Je vais tenter dans la semaine d'envoyer à chacun-e les photos qui le/la concernent (mais je ne promets rien).
PS : Le film de Téchiné "Quand on a 17 ans" est résolument de facture classique et destiné au plus large public possible mais très réussi. Et émouvant, malgré certains côté copieusement téléphonés. Je pense qu'il fera du bien à certains de mes amis. Et on aimerait qu'il permettent aux cons de le devenir moins, mais ça, c'est pas gagné. On sent l'influence (bénéfique) de Céline Sciamma. Dommage que Sandrine Kimberlain y soit en vulgaire fausse blonde. Ça détonne avec son personnage et elle serait tellement plus belle sans ça. J'ai aimé que le film nous montre des gens normaux qui se veulent du bien et ne se font du mal que lorsque la pression sociale ou les circonstances de la vie font qu'ils y sont poussés. Ça paraîtra culcul la praline à bien des sinistres et des cyniques qui ces dernières années tiennent résolument le haut du pavé. Mais moi qui n'ai envie de faire du mal à personne sauf lorsque ma survie est en danger, ça me fait du bien de me dire que ça n'est pas être fou que d'être généreux et gentil. Au moins y croire de temps en temps.