La Résidence Alsace à Lille (il y a onze ans)
21 février 2016
Toujours dans la sauvegarde à marche forcée de mon fotolog de douze ans d'âge (ou presque), et dans les redécouvertes y afférentes, voilà que je retrouve la trace d'une photo du 21 octobre 2005 postée en 2008 dans le cadre d'un "trois ans après" (1).
Elle partait déjà d'une recherche dans le passé puisqu'il s'agissait de la cité HLM née du chantier sur lequel j'avais fait mes trois mois d'entre la deuxième et la troisième année d'ingénieur TP (avec à la clef un rapport de stage dont le coefficient comptait).
L'architecte était un grand prix de Rome à blondes et belles bagnoles (2). Le projet était ambitieux : du logement social de qualité et c'est vrai que le résultat ne manque pas d'allure. Il était novateur, c'était de la brique en panneaux préfabriqués ce qui à l'époque n'était pas courant.
Mais l'homme se montra pointilleux quant à la couleur brique de la brique et il fit renvoyer les premiers prototypes ce qui mis sans doute à genou l'entreprise locale qui s'était crue chanceuse d'avoir été choisie (3). On était mi-juillet, des gens furent sans doute rappelés de congés et nous avons passé l'essentiel de l'été à attendre les nouveaux prototypes. Mon stage s'est achevé alors que le chantier commençait juste à repartir.
J'avais du coup fait de mon rapport une sorte de suspens non-policier, une fois raconté les fondations et le poste électrique bâti à la main (je veux dire avec des briques et du boulot de maçon), que la teinte soit un peu différente avait été accepté. Ce qui m'avait valu une note qui sauvait l'honneur avec un commentaire de type, J'ai noté le roman, mais c'était agaçant.
Retourner sur les lieux du non-crime avait pour moi été fort émouvant. S'il n'y avait pas tant d'écart entre la façon dont la société conçoit les rôles selon les genres, il est évident que j'eusse fait du chantier, j'aimais. Mais voilà il fallait être particulièrement costaude pour s'imposer (non pas tant sur le terrain, les milieux réputés misogynes ont souvent cette qualité qu'une fois qu'on a prouvé qu'on bossait dur et qu'on n'était pas là pour charmer, on y est acceptées, qu'auprès des recruteurs) ; à l'époque j'étais encore de condition physique fragile, c'est à force de sport et de vie attentive que je suis parvenue à ce qu'elle soit au contraire solide et plutôt fiable, et je n'avais pas osé forcer le barrage. Ce que je ferais sans problème avec mon corps de maintenant.
Il y a aussi que nous étions très amoureux avec le futur "l'homme de la maison" et envisagions comme on dit de fonder une famille. Or j'avais bien compris que la vie de directeur/trice de travaux n'était pas merveilleusement compatible avec la présence auprès d'éventuels enfants. Je me suis donc dirigée vers quelque chose de très différent mais qui était porteur d'avenir (4).
Il n'en demeure pas moins que revoir ce groupe d'immeubles me laisse émue même si ma participation à leur existence fut modeste.
Un autre chantier auquel j'avais participé, le siège social de Kodak de Châlon sur Saone, a eu le temps de servir, de fermer, puis d'être détruit et remplacé. Ce qui reste impressionnant : avoir participé à la construction de quelque chose qui a déjà connu un cycle complet.
(1) Merci Bladsurb, je me rends encore mieux compte a posteriori combien l'idée était bonne.
(2) Désolée mais il mettait un tel soin à venir aux réunions de chantier accompagnée par l'une d'elles dans l'une d'elles qu'il était difficile de le mémoriser autrement. Les femmes changeaient plus souvent que les voitures.
(3) ou qui avait déjà beaucoup investi.
(4) L'informatique en entreprise, qui sortait de sa préhistoire. Là s'était le côté innovant qui m'attirait. Être dans le flot d'une révolution en marche.