BDJ - Françoise Frenkel "Rien où poser sa tête"
Photos d'antan

BDJ - Être réveillée par la voix de l'homme qui m'avait sauvé la vie


    C'était il y aura le mois prochain dix ans. Quelqu'un m'avait dit adieu d'une façon si soudaine, sans raison apparente, que cette annonce m'avait littéralement dépassé l'entendement. J'avais cru être en train de faire un cauchemar et me hâtais hors d'un grand bâtiment dans une sorte de tentative animale d'y mettre fin sans doute par un réveil violent, j'ignore comment. Ce dont je me souviens parfaitement c'est que j'avais totalement perdu contact avec la réalité, ce que j'étais en train de vivre ne pouvait pas être vrai, c'était insensé. 
Par chance je l'avais croisé qui faisait son travail, nous nous connaissions un peu plus que de vue mais pas beaucoup plus. Il parlait avec des collègues ou des amis, m'a vue passer probablement spectrale et je me souviens de le voir adresser quelques mots au deux personnes ou trois (quelque chose comme un instant je reviens), venir vers moi et m'adresser la parole, quelque chose comme "Hé, ça va ?" ou "Vous, ça va pas ", d'avoir eu un geste de soutien amical. Dans l'effort vers lui, mon cerveau a remis le son - depuis que j'étais dans le cauchemar je n'entendais plus rien, et ça ne me paraissait pas plus anormal que le reste, et puis c'était un rêve, un mauvais rêve, n'est-ce pas ? -, j'ai entendu ce qu'il me disait, j'ai répondu, avec brièveté, et grâce à ça, grâce à son intervention, repris pied. 

Je crois même que j'ai pu parler presque normalement. Le danger était passé. En intervenant, cet homme avait fait l'équivalent cérébral d'un massage cardiaque à qui fait un grave malaise. 
Ensuite j'avais pu me cramponner à mon petit Olympus, faire des photos, le lieu s'y prêtait, pleurer dans un coin discret, aller voir quelqu'un que j'avais espéré croiser et probablement tenir une conversation courante, quoiqu'avec les yeux gonflés. 

La suite, lancée par Samantdi, sur le sujet je l'ai déjà écrite dans ce billet-là.

Au fil des ans, celui qui m'avait permis de revenir dans le réel et moi nous sommes revus, au gré des livres qui sont notre point commun. Nous ne vivons pas dans les mêmes mondes, mais c'est un plaisir de se recroiser. 

Voilà que ce matin, au radio réveil à 6h23, c'était sa voix. Il parlait de son travail. C'est quelque chose de très chaleureux que d'être réveillée par qui vous a (jadis) sauvée. J'avais d'entrée de jeu un baluchon de courage pour la nouvelle journée, un peu comme s'il me disait Il ne faut jamais perdre espoir, tu sais.

 

PS : Il y eu un autre petit bonheur qui fut de parler un instant de l'art de l'envers du jacquard avec quelqu'un qui connaît quelqu'un qui le possède fort bien, mais je préfère le garder sous forme de bref clin d'œil.

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour.
C'est l'amie Kozlika qui a lancé le mouvement et le lien vers tous les bonheurs (pour s'inscrire c'est par ici- grand merci à Tomek qui s'est chargé du boulot -) 

Chez Couac : Bonheur du jour 5

billet en commun avec Bella Cosa

 

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