BDJ - Gabriel Sadoun à Satin Lazare
20 décembre 2015
Je venais de quitter une amie pour regagner mon logis, nous avions passé un bon moment ; nos vies sont trop dans le combat quotidien pour que nous puissions nous voir souvent et chaque fois nous le déplorons. Le trajet était simple a priori : ligne 2 puis 13, un seul changement, place Clichy.
Puis j'ai obéi au conseil intérieur qui me pressait de passer par la ligne E. J'ai cru qu'il s'agissait d'en profiter pour faire escale aux toilettes (1), afin d'éviter d'emprunter la 13 sous la menace d'une envie devenant pressante. Et ce d'autant plus que j'ai trouvé la menue monnaie qui me permettait d'en payer l'accès (2).
J'aurais pu croire aussi qu'il s'agissait de vérifier la durée du trajet par la E en vue d'un entretien d'embauche que j'avais les jours suivants. En toute franchise : à ce moment précis, je n'y pensais point.
C'est en remontant gare Satin Lazare de la E vers les voies de surface, qu'en entendant quelques notes, j'ai pigé le pourquoi du crochet, Gabriel Sadoun jouait.
De tous les pianistes des pianos libres des gares - quelle bonne idée -, il est le seul pour l'instant à être capable de me faire manquer un rendez-vous, négliger l'urgent, arriver en retard où je devais aller (on passe rarement dans une gare pour y flâner, du moins je ne fais pas partie des privilégiés qui pourraient).
Il a passé la place à d'autres, puis il a tenté avec l'un d'eux un quatre-mains, mais l'autre, pourtant pas mauvais, n'a pas duré. Alors il est reparti dans une de ses impros où les citations jaillissent en surprises amusées.
(Je ne sais pas comment le joindre pour lui demander son accord pour l'extrait, hélas coupé ; il s'en va toujours très vite après un bref salut et remerciement pour les applaudissements)
Au delà du bonheur de l'écouter, il y a le réconfort de voir que la foule de Paris, pourtant pressée, est suffisamment connaisseuse pour percevoir qu'il y a quelqu'un, même sans savoir qui il est (3). Quand je vois des personnes qui s'arrêtent malgré leurs lourdes valises et des enfants dans les bras, lesquels ne mouftent pas, je reprends espoir que les capacités d'écoute et de poésie n'aient pas été entièrement érodées par ce monde marchand.
Billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour
(1) Celles gare du nord dans la partie qui relie La Chapelle à la gare Grande Ligne sont neuves et bien tenues. Leur défaut : le prix (0,70 €)
(2) Note pour les mois à venir : vivre sans monnaie afin de réduire toutes dépenses est efficace mais il faut songer à conserver le minimum vital pour un accès à des toilettes publiques ou à celles d'un café.
(3) Tout ça me rappelle il y a deux ans Natalie Dessay. Et une fois un violoniste virtuose ligne 9 que nous fûmes plusieurs à suivre malgré nos arrêts dépassés et à soudain descendre là où il descendit.
151225 1923