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Finir l'année sur un livre excellent et qu'on espère utile
30 décembre 2015
Il était dans mes piles à lire depuis un trop long moment, il semblait faire l'unanimité et la maison d'édition (Rouergue, collection La brune) ne présentait que lui pour la rentrée : "la maladroite" d'Alexandre Seurat. J'attendais un moment calme afin de pouvoir le lire sans m'interrompre, sans distraction.Un moment où j'irais assez bien pour ne pas suffoquer par compassion. C'était maintenant.
L'auteur dit (1) avoir été saisi par l'histoire de la petite Marina enfant maltraitée morte en 2009 ; les enseignantes successives de l'enfant et directrices d'école avaient tenté d'alerter les services compétents, des gendarmes dans le cadre d'une procédure avaient même interrogé l'enfant, mais les parents présentaient une telle apparence d'unité et de courtoisie, les autres membres de la fratrie jouaient si bien le rôle d'enfants épanouis, et la petite justifiait si parfaitement ses blessures que tout s'était enlisé. Le coup d'accélérateur pour une prise en charge intervenant alors que l'enfant est déjà morte - ses parents après un ultimatum de la nouvelle école, feront croire à un enlèvement -.
Le roman intervient avec toute la force de la littérature. Les éléments sont resserrés, par exemple moins de déménagements et de frères et sœurs qu'il y en eu en vrai, ce qu'on entend n'est "que" la voix des acteurs successifs, parents exclus (2), avec parfois en direct les réponses de l'un ou l'autre enfant telles qu'elles pourraient figurer dans les procès verbaux ou compte-rendus successifs. C'est sans aucun effet de style : ils s'expriment tous en français standard, on croirait assister à des confessions filmées, le ton de certains documentaires de bonne tenue que l'ouvrage nous plonge au cœur du dysfonctionnement de société qui couplé à celui de ces terrifiants parents a conduit à la mort d'une petite fille. On voit les tentatives vaines de ceux et celles qui ont compris face à ceux qui se laissent prendre à l'habileté du père, à la personnalité insaisissable de la mère, à l'amour que la petite, qui a probablement intégré que c'était elle qui n'était pas une bonne personne, comme souvent c'est le cas chez des enfants qui ne savent pas comment ça pourrait être leur vie si elle était normale, alors ils se disent c'est ma faute. On sait exactement comment ça va finir. On assiste à la dilution des responsabilités et aux dessaisissements successifs de ceux qui étaient près à les prendre. Personne ne peut être directement incriminé, tous ont fait leur travail, ceux qui avaient un peu de pouvoir sont simplement restés dans leur zone de confort, ceux (dont la première institutrice, et on peut vraiment croire qu'elle a agi et pensé comme ça) qui se bougent sont renvoyés dans leurs buts ou mis hors de portée.
Manquent les camarades de classes mais la fratrie changeait probablement trop souvent d'école pour que les enfants puissent réellement se lier et la petite avait sans doute un comportement trop particulier, trop volubile ou trop en retrait, pour avoir quelques amies.
Après avoir lu, on se dit qu'on ne pourra pas laisser faire de nouveaux cas. Tout en sachant combien ce n'est pas simple.
On se dit aussi qu'Alexandre Seurat a trouvé moyen de faire quelque chose pour elle. Ou plutôt pour sa mémoire. Et pour tenter d'éviter qu'elle ait des successeurs.
(à la lecture un souvenir m'est revenu d'une camarade de classe de CP et CE1 non pas maltraitée physiquement mais triste, elle rentrait seule le soir dans une très grande maison et par ailleurs comme elle n'avait pas de frères et sœurs et peu d'amis des grandes l'embêtaient aux récréations, j'avais eu un peu d'effet sur ces dernières en me solidarisant, et très peu sur les adultes j'avais un peu obtenu que certains soirs d'hiver elle passe à la maison en attendant que sa mère rentre, ou qu'on l'accompagne quand il faisait nuit et je me souviens très bien de sa peur que "ça fasse des histoires" ; j'avais compris qu'on ne peut pas aider ceux qui ne veulent pas prendre le risque de s'en sortir, que c'est compliqué ; cela dit il n'y avait pas grave danger, juste une grande maison vide, la nuit qui tombe tôt, et une gamine de 7 ans qui avait sa clef (3))
(1) article du site de l'université d'Angers
(2) condamnés en 2012 à de très longues peines. Il semblerait que leurs motivations soient restées incompréhensibles, ils n'ont pas non plus été tenus pour fous et les autres enfants, au rôle épouvantable qu'on leur faisait jouer - apparemment l'enfant victime était tenue à part, ils savaient qu'ils avaient une sœur handicapée qui posait un problème -, étaient bien traités.
(3) À la décharge de ses parents c'était une époque où il allait de soi du moins en banlieue qu'à la grande école on aille seul-e-s ou en groupe du même quartier ou avec un aîné. Les parents qui accompagnaient c'était pour permettre de faire le trajet en voiture au lieu d'à pied (un bon quart d'heure) et certains parents dont ma mère fit partie quand elle "avait la voiture" co-voituraient.
BDJ - La mer, tout simplement
30 décembre 2015
Un hiver très printanier
29 décembre 2015
C'est la fin de décembre. Il a été très doux.
En ce jour où nous décidons de quitter Paris pour une semaine ou moins (selon les impératifs d'emploi ou leur absence), on se croirait au printemps.
La photo est prise à la va-vite sur une aire d'autoroute, mais le groupe de personnes sur les tables extérieures est tout bonnement en train de pique-niquer, et ce n'est pas héroïque de leur part, les conditions s'y prêtent.
J'ai effectué tout le trajet en pull, ce grand pull gris moucheté trouvé un jour près de chez moi en rentrant, je crois, de chez toi, d'où que j'ai le sentiment d'un cadeau de ta part, quelque chose que tu m'aurais confié. Pas un seul instant, même en sortant pour la pause, je n'ai eu froid. À peine, une vague sensation de frisquet en arrivant dans la maison vide et non chauffée (1).
Dans la salle de bain, un moustique nous attendait (2), dans le jardin deux fleurs.
C'est un hiver très printanier.
Quelque chose d'ancestral m'empêche de le bien savourer. Pas grand chose à voir avec la conscience des calamités potentielles que porte le réchauffement climatique, je ne crois pas qu'un seul décembre change grand chose à l'affaire, d'autant plus que j'ai des souvenirs encore récents de grands froids bruxellois et de me tenir glacée dans des librairies dont les portes n'étaient la plupart du temps pour des raisons commerciales pas fermées. Mais plutôt avec la crainte animale d'un "rattrapage", que le doux présent cache du brutal ultérieur, que le printemps soit de ceux de diète prolongée comme autrefois lorsque les premières récoltes se faisaient attendre et que les maigres réserves de l'année passée étaient épuisées. Je ne sais presque rien de mes aïeux, mais ils m'ont transmis beaucoup de leurs difficultés de survie.
Vaguement inquiète et incrédule, j'enlève doucement mon pull.
(1) C'est là qu'on s'aperçoit que du moins hors la ville et ses micro-climats, le chauffage n'est pas tout à fait un luxe.
(2) D'où cette question du soir, à la mode enfantine
BDJ - Vingt-neuf CD retrouvés
29 décembre 2015
C'est au moment de partir, alors que je venais de préparer un de ces objets que l'on emporte lorsque l'on va en Normandie dans la petite maison qui est sobrement équipée. À côté du casque audio que je saisissais, j'ai vu réapparaître un porte-CD, celui que j'emmenais en vacances du temps d'avant.
Je ne saurais trop dire avant quoi. Avant que la voiture achetée (été 2004) ne soit pourvue d'un lecteur dans lequel je glissais une sélection préparée (laquelle est restée figée peu ou prou en 2008-2009). Avant les mp3 et que j'écoute plutôt de la musique à l'ordi via l'appli qui y était pré-installée.
Je n'avais pas conscience d'avoir égaré cet objet de rangement ni ce qu'il contenait. Il avait dû disparaître de ma vue en même temps que son usage. C'était une sélection de vacances ; certes établie selon mes goûts mais choisie aussi pour convenir à l'ensemble de ma petite famille, je ne risquais pas d'y retrouver quoi que ce fût du gars mort aujourd'hui (1) pourvu d'un âge qui me stupéfie.
Au calme de la petite maison réhabitée, une fois effectuées les petites activités domestiques de retrouvailles avec les lieux, le rituel salut à la mer en moins car la nuit tombe tôt, j'ai entrepris de refaire connaissance avec mes anciens goûts musicaux.
La sorte de trousse contenait vingt-neuf CD, vingt-quatre soigneusement glissés deux par deux dans des compartiments pochettes, les autres ajoutés empilés au bord. Preuve que je comptais les y laisser peu de temps (2), sans doute seulement celui du trajet de retour. Mais quelque chose avait dû survenir ou la reprise du travail être trop rude et je les avais négligés.
Le plus récent serait une messe en si de Bach, novembre 2006, peut-être ajouté lors d'un dernier voyage parce qu'à la chorale dont je faisais alors partie on le chantait.
La plupart datent des années 2003 à 2005, probablement la sélection était celle qui accompagna les congés d'août 2005, juste après le comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun, et l'hôtel des blogueurs. Je devais être un peu triste d'être sans nouvelles de ma plus proche amie, mais la savais prise par un tournage en Arménie. Je me disais aussi qu'il me fallait récupérer de la fatigue des premiers mois de l'année, cette double-vie étanche entre mon job alimentaire et le comité que j'avais menée, puis la période un peu folle de l'Hôtel, qui m'avait certes sauvée de la dépressurisation d'après un engagement fort juste avant une période où pour cause d'absences estivales, on ne revoit plus les gens que l'on a côtoyés si fort pendant un bon moment, mais qui m'avait épuisée ; pour suivre ce que les autres personnages entreprenaient, et comme dans mon boulot je n'avais pas la liberté d'aller consulter l'internet hors quelques utilisations para-professionnelles, je lisais la nuit. J'avais donc durant le mois de juillet peu dormi.
L'idée c'était à la rentrée de trouver enfin un rythme équilibré entre écriture et travail salarié, ce qui devait être possible, grâce au mi-temps que j'avais depuis mars obtenu. Le moins que l'on puisse dire c'est que ça ne s'était pas exactement passé comme prévu et que dix ans plus tard j'en suis revenue au même point, l'assurance d'un revenu en moins. À part la nécessité d'écrire que l'adversité et le contexte général défavorable ont transformée en rage de vaincre, je ne suis plus la même personne que la femme encore jeune de cet été-là, et à plus d'un titre. En revanche, en redécouvrant les disques, je souriais en songeant aux amis que je venais alors à peine de rencontrer et qui sont depuis sont devenus des proches. Sans eux je n'aurais pas pu faire face aux épreuves successives et si variées - à croire qu'un dieu de nos Olympes a craint que je puisse m'ennuyer -, je ne sais pas comment j'aurais fait.
J'ai dû faire des recherches pour retrouver certains CD, un "toute la musique des mots" hors commerce de l'édition Bouquins devenu mystérieux, une certaine Lynne Dawson dont le nom ne m'évoquait plus rien, le second CD d'une version précise de Rigoletto (et du coup une inquiétude légitime sur le sort du 1er, pourquoi les aurais-je séparés ?), deux volumes sur trois d'une compilation de musiques classiques dans les films, un CD correspondant au travail pour mes cours de chant (3), Figure 8 d'Elliott Smith dont à part le nom et une impression musicale favorable, j'avais tout oublié, mort incluse (4), et puis ce surprenant Encre fort intéressant à l'écoute et dont je ne savais plus rien. En (re?)découvrant qu'il est originaire de ma Normandie, je me prends à supposer que le disque avait peut-être été acheté ici, peut-être à Coutances dans la grande boutique de produits culturels et papeterie (du moins l'était-elle alors) du centre ville où j'effectuais à l'occasion quelques achats de découvertes.
Ce CD et celui d'Elliott Smith me laissent une sensation étrange, comme si quelqu'un les avaient déposés à mon insu parmi un lot dont les autres titres me sont encore familiers. Ainsi ce bel ouvrage de William Sheller, souvenir d'un concert de ce printemps 2005, j'écoutais tout en pensant à Florence Aubenas tout le temps, à la fois très présente et très absente au concert. passant un excellent moment mais le cœur étreint.
J'ai aimé cette chance qui m'est donnée de rejoindre celle que j'étais, une façon après bien des tourmentes de se dire, Ça y est, c'est bon, reprenons. Où est-ce qu'on en était ? J'aime les goûts de cette personne que j'étais il y a dix ans, même si quelques brins de variété italienne me font sourire à présent (5). En ces périodes d'afflux de réfugiés qui ont tout quitté pour sauver leur peau ou leur avenir, d'amis qui ont tout perdu dans des incendies (6), je mesure le privilège que c'est pour soutenir la mémoire et se reconstituer de disposer de ses archives personnelles et déjà vieux objets.
Et puis tout simplement : j'aime écouter ces disques. Belle petite sélection.
(1) Lemmy Kilmister de Motörhead.
(2) Je suis généralement soigneuse des choses fragiles. Autant l'apparence m'importe relativement peu (tant pis si à le lire un livre que je n'ai pas à rendre s'abime d'usage, il reste lisible), autant les risques de ne plus pouvoir "faire usage" me rendent prudente. En l'occurrence qu'un CD entassé se retrouve avec des plages sautantes.
(3) abandonnés par la force des choses, quand j'ai quitté "l'Usine" dont mon inscription dépendait.
(4) En octobre 2003 je connaissais à peine les blogs, moi-même ne pratiquais pas, dommage, sinon j'aurais su si j'avais su. Ou si j'étais tout simplement passée au travers de l'information. Ou si j'ai découvert Figure 8 nettement plus tard, par exemple grâce à KMS
(5) C'était pour soigner le mal du pays, à l'époque je supposais que ce ne serait l'affaire que de quelques années de n'avoir plus assez d'argent pour y aller. Douce illusion.
(6) On s'en rappellera de cette année 2015.
billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour
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Psychédélique Porcheville
29 décembre 2015
Réalisée sans trucage. On croit que c'est une centrale thermique au fuel mais en vrai elle carbure au LSD. Ou alors c'est mon téléphone.
Il était tout géolocalisodésemparé de quitter Paris.
poke @nimwendil et @MGZALLP qui, tout comme Bérurier Noir ;-) , eux aussi l'aiment bien.
Qu'est-ce qui remplacera donc l'immémoriale laverie automatique ? (de la Haye du Puits)
29 décembre 2015
Juste quand tu te disais
29 décembre 2015
Juste quand tu te disais il y a quelques jours, ça y est, c'est enfin passé cette mode des pères Noël suspendus, diantre que c'était ridicule et laid, précisément alors que par une fin de décembre qui ressemble à un bon printemps tu as déjà dégagé Noël de tes pensées, vlan, tu t'en prends un en plein voisinage, et un gros.
Moralité : ne jamais crier victoire ou soulagement trop tôt.