Previous month:
septembre 2015
Next month:
novembre 2015

0 billets

The no more secret diary of Gilda F. aged 12¾


    Parfois je suis fière de moi. Ou plutôt de la moi que j'étais (la moi du présent étant généralement gluante de fatigue et empêtrée dans diverses difficultés). Ce soir je suis extrêmement fière de la gamine de 12 ans 3/4 qui tenait un journal pas intime, mais très précis, un vrai carnet de bord, avec durant les congés scolaire un soin méticuleux (1).

En vue d'un de mes chantiers d'écriture, que j'espère avoir enfin le temps de lancer si je parviens à arbitrer décemment entre emmerdes de fric et boulots rémunérés à devoir accepter pour faire face aux premières, je relis le diario de l'été 1976 et ainsi : 

  • Retrouve la description pas mal rédigée du tout des conditions de casernement du bataillon de Joinville où l'un de mes cousins effectuait son service militaire ; lequel cousin en m'offrant un livre illustré sur les atomes et ce qu'on en savait alors m'embarqua dans une vocation qui me tint de 13 à 19 pour la physique nucléaire et quantique et qui reste comme quelque chose de fondateur, une sorte de socle stable de moi ; 
  • Réapprends que le vainqueur du Tour de France cette année-là fut Van Impe suivi par Zoetemelk. Le troisième était Raymond Poulidor que j'appelle Poupou, on disait tous Poupou. Et alors que je n'écris quasiment que des faits, sans aucun affect sauf quand il s'agit de supporter l'ASSE, je prends la peine de préciser "C'était le dernier tour de Poupou - il a 40 ans -."
  • Constate que conformément à la mémoire que j'en conservais, je regardais tous les jours les J.O. de Montréal, avalant toutes les disciplines que les retransmissions nous proposaient. Et c'est ainsi qu'en toute logique : 
            Jeudi 22 juillet par un temps variable et alors que nous disposions de la voiture (2)
    Je note que j'ai écrit au magazine de fooball "Onze" (3) Puis j'ai été poster la lettre et acheter du pain. Comme d'habitude, j'ai passé la première partie de l'après-midi à jouer avec Valérie (ici) et à regarder "Au cœur du temps" et puis la deuxième partie à regarder les J.O. - Nadia Comaneci est médaille d'or au concours général de gym avec 10 aux barres asymétriques et 10 à la poutre -. Ce soir nous avons attendu jusqu'à 22 heures 25 pour voir 5 mn des J-O dont nous n'avons rien vu. (écrit le 23-7-76 à 9 heures 25)

La dernière phrase peut sembler bizarre mais il convient de savoir ou se souvenir qu'en ce temps là les magnétoscopes n'existaient que chez les riches et l'internet restait à inventer (ou commençait de l'être mais bien loin d'atteindre le grand public). Si nous voulions revoir Nadia il nous fallait attendre un résumé du jour ou la part sport d'un journal télévisé. C'est visiblement ce que nous avions tenté de faire - en vain. J'en rajoute un peu dans la formulation, c'est mon côté pince-sans-rire lequel n'a pas bougé et qui chez mon fils s'est trouvé dupliqué. 

L'autre élément notable est que tous les autres jours je consigne uniquement le fait que nous regardons les J.O. sans rien en détailler, fors une fois une "scène" (on disait faire une scène en ce temps-là) faite par ma petite sœur qui prétendait du haut de ses six ans se coucher aussi tard que moi qui en avait le double et à qui l'on permettait visiblement de regarder la télé un peu tard pendant les congés scolaire et s'il s'agissait de sport. Donc la mention des 10 de Nadia est significative. Quarante ans plus tard ou peu s'en faut, j'ai souvenir de l'éblouissement, d'être restée bouche bée. D'autant plus éperdue d'admiration que j'avais un réel handicap de coordination pour la gym (Quant à la danse c'était pour moi un mystère absolu, pourquoi les êtres humains se secouent-ils en rythme ? Comment fait-on pour suivre un rythme ?) qui m'avait valu dans l'année scolaire un déshonorant 5/20 malgré d'immenses efforts. Je mesurais donc parfaitement la portée de l'exploit.

 

 

 

(1) Et une écriture en pattes de mouche assez effrayante. Je crois que j'économisais le papier et suivais peut-être une forme de protection contre les intrusions. 

(2) Il faudra un jour que je décrive le co-voiturage précurseur qu'avaient mis en place mon père et trois de ses collègues pour aller de leur banlieue pavillonnaire à l'usine, située à 30 km de là. C'est typique d'une époque. Ce système permettait aux épouses de disposer du véhicule familial trois semaines sur quatre. Et donc aux enfants de ne pas toujours circuler en vélo sur des distances de 2 à 3 km (collège, lieux pour faire les courses familiales, centre d'entraînements des activités sportives ou conservatoires de musique)

(3) D'une façon totalement adrianmolesque. 

 

nb. : Bien sûr le titre est une allusion à celui de Sue Townsend 

L'intégrale de la compétition ici : Et le prélude en mars, sur fond de Abba l'air de rien : Quarante ans plus tard je souris en pensant que si on m'avait dit qu'un jour je publierai une nouvelle dans laquelle les conséquences de ma lettre ou la suivante au magazine de foot interviendraient, je recoudrai lors d'un salon du livre un bouton de manche de chemise de l'un, et que je croiserai la troisième sur les réseaux sociaux - concept alors à peine imaginable -, j'aurais alors traité le messager de fou rigolo. Ça va pas la tête ! Complètement gaga. La vie est dure mais elle sait être drôle aussi. D'autres extraits par là même si le documentaire porte sur Nelly Kim

Par ici le début d'un documentaire intéressant (avec les deux passages aux barres asymétriques dont celui avec la sortie par l'avant qui quarante ans plus tard m'épate encore tant)

Enfin au tout début (ce que dit Nadia Comaneci) et par bribes au cœur de ce documentaire par ailleurs un peu pesant, quelques éléments intéressants. 


Listes de souhaits


À partir du 31 je n'achèterai plus de livres que très exceptionnellement, tant que je n'aurai pas de nouvelle source de revenus autre que ponctuelle et que la situation des finances familiales sera entre rouge clair et rouge foncé. Les livres sont, avec quelques bricoles de circonstances (1), et les appareils pour remplacer des pannes (2), mes seuls achats. Je ne peux pas arrêter de fumer puisque je ne fume pas. Les voyages ont été depuis longtemps supprimés, ainsi que la plupart des déplacements y compris amicaux. Reste la Normandie (merci à ma mère) et le moins onéreux des festivals de cinéma (merci à Satsuki qui m'avait suggéré la solution d'hébergement merci à notre hôte aux tarifs raisonnables). Mes usages cosmétiques sont des plus minimalistes (3). J'achète aussi régulièrement des esquisses de produits dopants, généralement sans résultats convaincants mais ça sera inutile quand je ne serai plus obligée de tenir le coup dans un travail à rythme imposé. Donc restriction budgétaire = ne plus acheter de livres, je n'ai pas d'autres volants d'action. Et c'est vrai que même en étant libraire et malgré quelques SP, j'en avais pour une somme certaine.

Il va donc falloir que j'attende les sorties poches, que je ré-établisse des listes de souhaits (textes, musiques et films) et que je patiente. Je pourrais sans doute soulager une partie des attentes grâce à la BNF mais ne devrai pas perdre de vue que dès mon niveau d'énergie minimal retrouvé j'irai pour travailler plus qu'étudier.

J'ai de quoi voir venir, un expert plombier me l'a même reproché (5).

Je vais donc tenir quelques listes désormais. Et je ferai l'acquisition des titres à mesure des moments de trêves financières.
Afin qu'elles ne prennent pas des proportions folles, un rythme mensuel me semble raisonnable. J'espère simplement que les amis ne m'en voudront pas de ne plus suivre qu'à retardement leurs publications. 

 

PS : Pour les spectacles et les concerts, pas besoin, les amis s'en chargent, en ce moment je mène une vie culturelle inouïe il suffit que je me dise Ah tiens, quand même je serais bien allée voir Patti Smith ou écouter François Morel, et voilà que quelqu'un se dévoue pour me proposer une place de rattrapage. En plus ils se débrouillent pour me faire croire que je leur rends service.
Autant je me sens maudite pour l'amour, le fric et la plomberie autant j'ai l'impression qu'un enchanteur veille sur moi pour le bonheur social et intellectuel. Merci les amis !

 

(1) Je crois avoir hier battu mon record de rapidité d'achat de vêtement pour parer à une sorte d'urgence. Savourer le bonheur que c'est d'avoir une taille courante et simple.

(2) Encore que. J'ai payé mon téléphone 1 € et un engagement.

(3) C'est une de mes perplexités sans arrêt renouvelée : comment font mes consœurs pour avoir les moyens d'acheter toutes sortes de produits de beauté, des soins en instituts et des passages "pour rien" (4) chez le coiffeur ?

(4) Alors que nous étions chez le coiffeur pour #lefiston , deux dames sont venues successivement pour demander qu'on leur face un brushing. Qu'on puisse aller chez le coiffeur sans se faire couper les cheveux, voire allez, refaire une teinture, me semble insensé. 

(5) Je sens qu'approche à grand pas le moment où il va falloir que je me résolve à faire du crowdfunding pour faire face aux frais induits par l'affaire de la fuite d'eau invisible, laquelle prend des proportions qui dépassent mon entendement. Plus tu es pauvre plus tu t'appauvris. L'extérieur t'impose ses contraintes et tu n'as pas les moyens de prendre un avocat pour défendre ton point de vue, ou c'est quelqu'un de surchargé mandé par l'assurance et pour qui tu n'es qu'un dossier confus.


L'enjeu


    L'enjeu du mois à venir sera pour moi de déterminer si l'épuisement qui m'accable va peu à peu laisser place une fois le travail salarié trop physique (pour moi) terminé, à une fatigue supportable, ou si je vais devoir constater que le fait de n'être plus capable qu'à grand peine de tenir le coup pour une journée de boulot sans arrêt autre qu'une pause déjeuner, est le symptôme d'un truc plus embêtant, le début d'une incapacité de plus en plus grande à rester éveillée.

Pour le mal aux jambes et surtout le pied (encore un peu) blessé, je suis moins inquiète, persuadée même qu'après un temps de récupération je pourrai re-travailler et même être dynamique, mais dans un lieu à moindre rythme où il est normal de s'asseoir dès lors qu'on n'est pas sollicité.

En attendant je prépare de brèves vacances, les premières vraies de vraies depuis ... depuis ... deux ans et demi (1). Ensuite il faudra affronter les ennuis financiers. 

 

(1) Je ne compte pas une semaine en avril en Normandie, récupération et travaux d'entretiens. Beaucoup mieux que rien, mais pas régénérateur comme d'aller dans un lieu qui n'est pas comme un second "chez soi" avec ce que ça implique de petites choses à faire.
Je ne compte pas non plus de festival de cinéma d'Arras de l'an passé entrecoupé par des allers-retours en train pour aller bosser. Là aussi, c'était infiniment mieux que de n'y pas aller du tout, mais ça ne permettait pas vraiment de reprendre des forces, c'était comme une cure tronquée. Et j'en suis revenue fortement enrhumée ce qui m'avait demandé encore plus d'efforts pour aller bosser, d'où au lieu d'aller mieux un surcroit de fatigue. 


Un quart de siècle (au bas mot)


    De m'être retrouvée à résumer au bas mot un quart de siècle de ma vie en un quart d'heure à un de mes anciens professeurs que j'appréciais beaucoup - de ces personnes probablement épuisantes pour leur entourage qui sont sans cesse en train d'entreprendre quelque chose et généralement pour le bien commun et pas seulement leur pomme -, m'a fait prendre conscience que j'avais déjà réussi à déjouer les pièges de la programmation sexiste et sociale d'une société qui pourrait être encore pire mais reste (ou : est redevenue après une brève parenthèse dans les années soixante-dix) très cloisonnée. Et même une belle histoire d'amour, en fait. Et que je suis très heureuse en tant que mère de deux jeunes adultes dont les vies avancent malgré les embuches et les difficultés.

Il me reste à parvenir jusqu'à ma bonne place, celle de mes aptitudes et de ma capacité de travail - et cesser de forcer celle-ci dans d'autres moules -. Tout en évitant la catastrophe financière ce qui n'est pas du tout du tout du tout gagné. C'est un miracle que je sois parvenue à slalomer jusque là (ou le signe qu'il reste des gens de bonne volonté et respectueux qui savent rester honnêtes et sans chercher à exploiter l'autre, il m'est donc arrivé parfois d'être décemment payée pour ce que je faisais).

Tout ça n'est pas rien. 

Je peux me considérer comme parvenue bon an mal an à un camp de base, plutôt en tant que sherpa, d'où que ce fut si long, j'ai dû effectuer des aller-retour avec l'en-bas. L'ascension va enfin pouvoir commencer. À condition qu'à secourir les autres on ne me rappelle pas, que la santé soit là et que mon équipement minimaliste suffise.


À l'ami disparu


    Marrant comme tu es là, mentalement toujours là, je t'ai vu au concert, silhouette contre le mur juste avant que Patti ne chante ce morceau de révérence à ses chers disparus, tu étais là ce soir, bien sûr, à table avec nous, même si nous n'avons pas parlé de ni avec toi, ce n'étais pas la peine, nous le savions tous trois qu'on était quatre avec toi ; même si tu ne manges pas. Ni ne bois.

Tu es de toutes les soirées à la petite librairie, tu es dans les mots échangés, dans les absences de certains qui hésitent à venir pour ne pas être confrontés à la présence de ton absence ; et moi je t'y vois, je peux même dire que j'entends ta voix, ce que tu dirais si. Et je sais avec certitude que c'est exactement ça.

Tu m'as mis plus d'une fois la main sur l'épaule lorsqu'à la librairie que je m'apprête à quitter, épuisée, des clients ou des livres se montraient sans respects à votre sujet. Par exemple : ceux qui spéculaient.

Comment dire ?

Tu es là et je ne suis pas pressée que tu n'y sois pas, même si ne plus songer à ce jour tragique serait un progrès. 

Ils ont voulu ta mort. Mais je ne t'oublierai pas.


Fabulous Fab

19 avril 2006. Un jour d'hôpital, pas d'hôpital pour moi, mais quand on est parent, que l'hôpital soit pour l'un de ses enfants, même déjà un peu grand, c'est pire, un jour d'hôpital, donc, et d'aller mal moralement, j'ai croisé le premier album de ce gars.
Je n'avais pas de sous.
Mais la voix intérieure s'est faite impérieuse, ce qu'elle fait rarement pour des achats.
J'ai acheté.
Écouté.
Il m'a permis de pleurer. De sortir les larmes. Ça allait mieux, tellement mieux après.

Il s'en est suivi quelques belles choses, dont le slam, au bon moment de ma vie. Ma vie alors en miette, pulvérisée, éparpillée façon puzzle.
Ne pas sombrer.
Quelques belles amitiés.
Des mots écrits dans un carnet.
Gratitude pour les 129H.

Il fallait lui pour aider celui que tant d'autres ont donné perdu pour toujours et à jamais. (et à présent j'attends son film, avec ce léger regret d'être dans une autre strate du monde car sinon je pourrais contribuer) (Bien sûr c'est du marketing, bien sûr c'est de la vente pour laquelle on va nous solliciter, bien sûr matraquage publicitaire, on va y avoir droit, c'est déjà, la preuve, là ; mais pas que ça, loin de là) (chapeau bas)

 

Un billet d'époque : mai 2006 concert à la Cigale

Pour le plaisir : Définitivement 


21 octobre 2015 : retour vers le futur, dans ma vie, en pour de vrai


    Revoir (avec grand bonheur) un de mes anciens professeurs, pas revu depuis presque 30 ans et aller à un concert de Patti Smith. 

Il ne sera pas dit que je n'avais pas fait, pour marquer le coup, un effort :-) 

(boutade, ce fut une conjonction de possibilités auxquelles j'ai répondu favorablement, je n'y suis que pour ce dernier élément des événements) (merci les amis, merci, merci)


Un témoignage intéressant


    Je ne sais plus qui a poussé le lien jusqu'à moi - entre temps une jolie proposition m'a fait sauter de joie et j'ai fait une MAA (1) - mais j'ai trouvé ce témoignage particulièrement intéressant : 

Lettre ouverte de Louis, atteint du syndrome d’Arnold-Chiari

Notre monde de l'hyperperformance et de la concurrence à tous les étages, au lieu de l'entraide, rend la vie des malades difficile. Elle l'a toujours été et les progrès dans les soins possibles sont d'un grand secours. Sans parler de la sécurité sociale qui permet encore dès que ça devient grave de se soigner, y compris pour des récidives que ne prendraient plus en charge des assureurs privés. Seulement là où il serait possible de mener une vie la plus normale possible, moyennant quelques aménagements : du télétravail, de l'indulgence, de la solidarité, on tend à rejeter aux marges et à l'inutilité tous ceux qui ne sont pas perpétuellement de pleine santé.

Le jeune homme qui prend la parole dans ce texte l'exprime fort bien, qui reste conscient d'être privilégié. Mais voilà, le monde alentour est devenu sans pitié - alors qu'il y aurait largement de quoi partager, et qu'un tel malade dans de bonnes conditions peut contribuer à la bonne marche de la société dès qu'il va bien -. Quand on n'est pas conforme aux critères de performance, la société n'a de cesse que de nous transformer en pièces annexes, pour nous reprocher par la suite d'être des assistés.

Puissent les personnes en bonne santé comprendre que ça n'est pas évident d'y rester, et que l'on ne choisit pas, d'être atteints ou pas. 

 

(1) Micro Amnésie d'Allégresse.