Patrick Macnee
26 juin 2015
Je ne savais rien de sa vie privée - le croyais homosexuel ou du moins n'aurais pas été surprise qu'il le fût, c'est dire (1) -, je savais (2) qu'il était encore en vie, l'annonce de sa mort me peine.
Pour moi il est l'incarnation du John Steed de "Chapeau Melon ..." qui fut par deux fois, dans les années 60 puis 70 une série qui a marqué ma vie. La première est l'une des rares émissions que mes parents regardaient ensemble sans se disputer. Une autre fut longtemps Peyton place, dans les années 70, ainsi qu'"Amicalement vôtre" puis les "Colombo". Et puis les dossiers de l'écran et les cinq dernières minutes encore que ma mère finissait toujours pour aller vaquer à quelque tâche ménagère. Le reste des soirées, mon père régnait sur sports, westerns, autres films plus ou moins guerrier qu'il m'était strictement interdit de veiller regarder. Nous (ses filles, sa femme) avions les journées. Parfois si une émission était recommandée par l'école, nous avions la priorité d'une soirée. Mais pour Holocauste ma mère avait mis son veto, argumentant que la guerre ça n'était pas de notre âge et qu'il fallait se coucher tôt pour l'école (le collège pour moi) le lendemain.
Je rappelle qu'en ce temps-là la télé c'était en tout et pour tout trois chaînes française et pas de magnétoscope : donc si tu rates une émission tu ne la revois jamais. Autant dire qu'à l'adolescence de la descendance, dans la plupart des familles il peut y avoir des disputes sévères.
En échange il y avait ce plaisir qui compensait la grisaille du quotidien de devoir attendre le prochain épisode et se précipiter à l'heure dite devant le poste, tout frétillants.
(bien sûr une panne à ce moment était une catastrophe ; on a aussi perdu ce sens de la panne catastrophique).
Ah oui et puis nous regardions jeux sans frontière tous ensemble, curieusement. Je crois qu'on avait chacun nos favoris et que du coup c'était une joyeuse ambiance dans le salon de défendre avec mauvaise foi nos champions. J'aimais bien qu'il y ait des équipes des villes des pays. C'était une sorte de concours eurovision en moins chantant.
Mais revenons à Steed. C'est la première série de grands que je parvenais à voir, les épisodes avec Diana Rigg du moins les derniers. En fait j'avais dû batailler ferme pour obtenir ce droit, ma mère finissant par céder parce que j'avais trouvé toutes sortes de stratagèmes pour gêner mes parents dans le petit appartements qu'alors eux et moi occupions. Ce qui fait qu'elle avait fini par se dire qu'après tout ce n'était pas trop violent et que de toutes façons je ne comprendrais pas les allusions qui n'étaient pas de mon âge (3) et que s'ils voulaient voir tranquillement il fallait accepter ma présence.
Le hic c'est que très peu après sont venus les épisodes avec une autre puis encore une autre dame et mon intérêt d'un seul coup est tombé. Le charme était rompu. Pour moi il tenait au duo Rigg - Macnee.
J'adorais le générique. C'est d'ailleurs par là que j'avais commencé à entamer les négos ; oui je vais me coucher mais juste le générique, juste ça. Puis peu à peu j'avais oublié d'aller me coucher si on ne me le redisait pas.
Les histoires de cybernautes m'avaient proprement fait jubiler. Et je pensais que John et Emma étaient des amoureux qui voulaient pas se le dire.
Dix ans environ plus tard, Steed est revenu avec deux comparses, un mec moche et pesant dans ce qu'il croyait être des traits d'esprit et une jeune femme incarnée par Joanna Lumley à laquelle ma petite sœur voulait s'identifier (4) et qu'elle appelait Burdaine (pour Purdey). À nouveau je trouvais du charme à "Chapeau melon" mais ça n'était pas sans nostalgie de la toute première version.
Un épisode avait été tourné à Taverny et ça me réjouissait comme si c'était à moi personnellement qu'on avait fait une extrême faveur.
Voilà, un acteur est mort qui avait enchanté ma jeunesse et même si je ne voyais plus rien de son travail depuis des années, son absence va compter. Un de plus de moins. 2015 manque d'indulgence, décidément.
(1) J'apprends en lisant cet article de BBC news qu'il a été marié trois fois.
(2) Contrairement à tant d'autres, artistes renommés du temps de ma jeunesse dont j'apprends ces dernières années les décès en songeant, Ah bon, il (ou elle) n'était pas déjà mort(e).
(3) À présent, maman, je peux te l'avouer : je pigeais bien d'avantage que tu ne le croyais.
(4) Elle demandait la même coupe de cheveux, par exemple.