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Le lent et l'agité

"Quand on travaille normalement, à la banque, on peut pas trop se réfugier". ;-) #confirmé #évadée

 

Je cherchais un autre lien, une bonne vieille chanson. Voulzy. Souchon.

Une amie m'a confié au sujet de l'un d'eux une anecdote jolie. Je me disais j'aimerais bien qu'elle la raconte à Modiano et qu'il l'écrive. Et puis je parlais avec l'homme de la maison et une video s'est enchaînée avec une autre. Et c'était cet entretien. 

Et quelque chose m'a émue alors que je n'entendais qu'en arrière-plan. Vous savez lorsque l'on est en grande tablée avec des amis que les conversations divergent, qu'on est dans l'une et que soudain on capte quelques mots dans celle de nos commensaux et qui nous touchent à cœur.

De toutes façons les chansons de Souchon - Voulzy moins, trop sucré pour moi - auront accompagné ma vie, surtout celles dans lesquelles il saisit quelque chose de l'air du temps. Et ses trois plus récents albums qui collent avec des périodes que je traversais. "La vie Théodore" qui m'a aidée à survivre à cette période 2005/2006 personnelle si terrible, Putain ça penche, J'aimais mieux quand c'était toi, et Et si en plus y a plus personne, prenaient pour moi des sens particuliers. Quand tout s'effondre, chanter, allez je la chante en entier et après je pense à ce que je fais, peut aider. Mais il faut que l'air soutienne, se retienne, et que les mots soient bons. Justes. Un peu costauds mais fins aussi, comme des danseurs capables de nous porter dans les pas de deux un peu risqués. Et alors qu'on n'est pas au mieux de nos gestes allégés.

J'ai été touchée qu'il cite Bashung comme ami qu'il aurait aimé avoir, j'aime leur travail des mots et des sons pourtant très différent. Durant ces vacances, un hasard heureux de chargeurs de CD (pointe de la technique il y a douze ans, vieillot désormais) nous voisinait l'album à deux Souchon - Voulzy et le dernier de Bashung et c'était vraiment bien. L'un des Alain m'a permis d'écouter l'autre sans trop de souvenirs attristés. Du coup ça l'a un peu dépollué d'un chagrin qui en plus de celui de sa mort, mais qui n'avait rien à voir avec lui-même, le mazoutait.

Mon fils qui passait par là (cuisine) après que son père n'y était déjà pas, entendant quelques mots d'Alain Souchon dans lesquels il était question d'écriture, me demande, ça semble aller de soi : 

- C'est un pote à toi ?

 

 

Pote ou pas (encore), je voudrais lui dire merci pour ce qui peut paraître insignifiant aux yeux des plus forts, et qui parce que tu as fredonné si souvent ces mots sans y penser trop, un jour où l'on t'enfonce pire qu'à l'ordinaire d'un sale train-train quotidien te font redresser la tête et dire Mais non, enfin !
Et pour les mots qui consolent quand ça n'est jamais la saison

 

 

 

 


Des listes qu'il faudrait que je prenne le temps de poser


- Les faits fous en ce début d'année. Comme si la réalité avait pété un câble. Et quand ça ne sont pas les êtres humains qui s'y collent ce sont les éléments (Vanuatu, Népal).

- Toutes les métas distractions qui auraient même pu être cocasses si leur cause n'était pas si triste et que nous avons subies les ami.e.s et moi. Un peu comme des fous amoureux aux débuts de leurs amours. Mais hélas pas du tout pour ça.


Un livre que j'aimerais écrire

La biographie romancée (1) d'Ettore MajoranaO-MAJORANA.jpg

J'avais oublié cette idée, croisée du temps où je me croyais faite pour la recherche (en physique nucléaire et quantique), passion qu'il m'a tenue entre les âges de 13 et 19 ans. Un chagrin d'amour y avait mis fin et je crois que de toutes façons je n'avais ni assez d'intelligence (2) ni assez de santé.

Et puis voilà qu'une citation d'Étienne Klein reprise dans le blog de Karl Vanwelde, toujours si doux à l'âme, m'y ramène.

"Sur une trentaine de feuillets fragilisés par les années, je retrouve la même écriture régulière et constante que dans les Volumetti, mais cette fois il n'y a ni calculs ni équations. Je suis pour ainsi dire aimanté. L'écriture est la façon la plus palpable, la plus corporelle, qu'a un disparu de réapparaître. Un manuscrit autographe est comme une résurrection, un silence calligraphique qui dit presque tout."                                                                 Etienne Klein ("En cherchant Majorana" éd. Folio)

Que ne suis-je libre de mon temps pour pouvoir attaquer le sujet ! (3)

 

(1) Le sujet appelle le romanesque, c'est presque inévitable. Passionnant à creuser.

(2) J'étais capable d'aller assez haut dans les réflexions sur les sujets scientifiques en maths et en physique mais je retombais ensuite épuisée, comme si mes neurones (schématisons) faisaient du trampoline. Et l'éducation que j'avais reçue avait massacré une confiance en moi déjà assez moyenne au départ. 

(3) Le faire dans les conditions actuelles avec seulement au maximum un jour et demi d'efficace par semaine serait voué à l'échec. D'autres que moi, sans doute, y parviendraient. Mais je sais que je ne peux mener à bien une telle tâche qu'au titre de projet principal d'une période donnée. Et dûment pourvue de temps libre pour récupérer.


Le déprestige de l'uniforme

 

KM en uniforme

Alors je ne sais pas ce qui vous arrive les gars, mais il y a eu déjà Nicolas qui déboule comme gendarme dans Vincent n'a pas d'écailles ; le bougre avait bien signalé qu'il y tenait un petit rôle, mais le voir en force de l'ordre, plein écran d'un seul coup, m'a fait un choc.

Puis c'est Jean-Yves qui agrémente un message pour l'encyclopédie des guerres d'une photo de lui en lieutenant-colonel incomplet (il manquait les ornements il paraît) et heureusement que cette photo a été l'occasion d'une sympathique découverte de nos passés respectifs sinon elle me serait restée comme un élément sinistre. Alors qu'il l'envoyait pour faire sourire.

Ce n'est pas qu'ils le portent mal, l'uniforme, c'est que les voir dans un habit censé faire passer la fonction avant l'homme me met terriblement mal à l'aise. Autant je trouve souvent seyant les vêtements de travail lorsqu'ils sont d'un équipement nécessaire - par exemple pour les sportifs leur tenue et que tous ceux d'une même équipe aient le même maillot - autant les habits liés à des usages armés me mettent à distance. 

C'est peut-être d'avoir grandi en banlieue. 

En tout cas il y a chez moi un déprestige de l'uniforme qui fait qu'ainsi vêtus je trouve les gens moins beaux. 

J'aimerais autant que cette mode s'arrête-là. Faites du cinéma les amis, ne vous en privez pas, mais tenez plutôt d'autres rôles que ceux-là.

(et voilà que même mon acteur contemporain préféré s'y met ... #plog)

[photo pêchée sur l'internet pour une fois]


Double effet Zahir enchâssé

 

20150428_192848

 

1. De retour de brèves vacances en Normandie, je me suis jetée sur les livres que j'avais regretté de n'y avoir point apportés (1). Parmi ceux-ci "Beauté Parade" de Sylvain Pattieu dont j'avais déjà grandement apprécié "Avant de disparaître" sur le dernier combat des salariés de PSA d'Aulnay pour leur emploi.

Il s'agit d'une plongée dans l'univers des salons de coiffure et de beauté du Xème arrondissement de Paris à l'occasion de la grève dans l'un d'entre eux que son patron a abandonné en laissant deux mois de salaires impayés.

Le livre m'a tout de suite attrapée. Sylvain Pattieu a l'art de donner la parole aux autres tout en s'impliquant juste à bonne hauteur ce qui nous les rend proches et vivants. Une qualité aussi tel un habile réalisateur qui choisirait avec soin plans et arrières-plans de nous confier les détails qui comptent. Aucune description longue, et pourtant les lieux et leurs gens on les voit.

Mais retour de vacances oblige, j'avais un monceau de choses diverses à faire avant de reprendre le boulot, alors j'ai dû le reposer.

2. Depuis sa sortie le fiston et moi avions pour projet d'aller voir Citizen four au ciné. Nous lui avions pour notre première journée en commun possible préféré "ma" comédie croate dont il n'avait pas apprécié l'humour - trop grinçant -. Du coup ça avait mécaniquement reporté à aujourd'hui. Regardant la veille dans quel ciné il passait, déjà très peu en fait, j'avais vu 13h30 au Brady un ciné accueillant du boulevard de Strasbourg. Les autres séances étaient le soir ou trop tôt le matin pour ce que nous devions faire d'autre dans cette dernière journée avant reprise du travail et d'être perpétuellement fatiguée.

3. À table, et parce qu'il avait lu récemment quelque chose sur une bible très ancienne retrouvée (en fait une information fausse qui va et vient sur l'internet depuis 2012 si j'ai bien compris ; en resurgissant épisodiquement comme si elle était neuve, un classique de l'internet), le fiston me demande si j'ai lu la bible. Je lui réponds que dans ma jeunesse j'avais commencé mais que c'était trop violent et guerrier, que j'avais laissé tomber. Je n'ai pas précisé "surtout envers les femmes" mais je l'ai pensé.

4. Nous allons au cinéma à pied, boulevard de Strasbourg nous passons devant les lieux du livre. Comme si ç'avait été un choix délibéré.

5. De retour à la maison, je reprends ma lecture et tombe sur ce passage qui vient de but en blanc entre deux épisodes présents et militants.

"Dans le Deutéronome il est écrit (21,10-12) : "Lorsque tu iras à la guerre contre tes ennemis, si l'Éternel les livre entre tes mains et que tu leur fasses des prisonniers peut-être verras-tu parmi les captives une femme et belle figure, et aurais-tu le désir de la prendre pour femme. "Alors tu l'amèneras dans l'intérieur de ta maison. Elle se rasera la tête et se fera les ongles, "elle quittera les vêtements qu'elle portait quand elle a été prise, elle demeurera dans ta maison, et elle pleurera son père et sa mère pendant un mois." cité donc dans "Beauté Parade" page 76 de l'édition "Plein jour" (2015)

 

C'est quand même curieux comme certains jours les choses s'enchâssent. 

 

(1) Et ça n'était pas faute de m'être bien équipée.

PS : rappel : l'effet Zahir vient de David Madore c'est lui le premier qui l'avait nommé. Je l'utilise dans une acception plus large mais le terme me plaît.


Traumatisant (?!)


P4281801Le fiston et moi marchons d'un bon pas boulevard de Strasbourg, nous croyons alors encore que nous attend au Brady une séance de cinéma (1). Devant nous deux jeunes femmes de maintenant, à l'aise et sportives, qui avancent en conversant. 

Nous croise, elles et nous, une femme qui parle fort dans son téléphone, malgré son allure bourgeoise, sa fausse blondeur mesurée, ses chaussures fines à talons élevés. 

Elle a cet air mécontent qu'ont les gens lorsqu'on ne les a pas compris du premier coup, que n'a pas suffi une première allusion et qu'ils doivent préciser leur pensée. Ça marche très bien sur les racistes et les réactionnaires, qui jugeant sur notre apparence se croient de connivence, et qu'en face on laisse l'allusion s'écraser lourdement en faisant tout bonnement comme si on ne l'avait pas décelée. Les mêmes étant rarement patients s'agacent d'avoir affaire à des êtres d'esprit aussi lents. 

Je ne dis pas que cette inconnue joue dans la même catégorie, simplement elle est énervée de devoir argumenter quand ce qu'elle attend devrait à ses yeux aller de soi. Son énervement est semblable au leur. Elle parlerait moins fort sinon.

Surtout pour clamer :

- On ne peut pas prendre le métro, pour les petits ça serait traumatisant.

Les deux jeunes femmes rient en se retournant sur la passante qui entre-temps est à notre hauteur tandis que je regarde le fiston rigolard en lui demandant Si j'ai bien entendu ce qu'il a entendu.

Nous sommes suffisamment loin de la ligne 13 et de son taux de compression des heures de pointes pour qu'il ne s'agisse pas de cet inconvénient. Elle n'a pas non plus évoqué de danger : en cette période troublée un risque d'attentat peut toujours exister. Je peux concevoir qu'on s'en effraie. Non, elle a dit ça "traumatisant".

Eussions-nous été peu pressés je lui aurais proposé de faire escorte, métro commun, visite guidée.

Le métro de Paris c'est la vie telle qu'elle est, c'est pas mieux, c'est pas pire, on y croise le monde entier. Et l'emprunter évite de trop polluer. Si vous voulez protéger des petits dans Paris, pensez plutôt à leurs poumons.

 

(1) En fait non, je croyais la programmation hebdomadaire elle est quotidienne et donc le film que j'avais repéré la veille pour une séance à 13h30 aujourd'hui n'y était pas. Piège de l'encart g**gle "horaire des séances" que je ne connaissais pas.

addenda narquois de 19h12 : 

Capture d’écran 2015-04-28 à 19.12.07Mais alors, c'est peut-être elle que nous avons croisée ? ;-) 


Pas terrible, ce bouquin


P4281790Détail de la façade de l'église Saint Merri côté rue Saint Martin.

La ville est pour le passant un lieu inépuisable. 

Combien de fois étais-je passée devant sans remarquer ce détail amusant ? Je suppose que l'expression de la statue a varié avec le temps, mais au XXIème siècle, qu'il soit sacré ou non, elle trouve ce texte barbant.

(ou alors elle préfèrerait lire sur tablette depuis le temps)

 

 


Du remarquable boulot des Pinçon Charlot, et par ailleurs d'une crise de nerfs de joie d'il y a dix ans déjà


    Si elle m'a fait à plusieurs reprises éclater de rire, ma lecture de ce soir (1) a ravivé soudain deux souvenirs. 

    

    D'abord celui du jour où je les ai rencontrés lors d'un festival du livre d'Arras, le jour du 1er mai et auquel j'avais pris l'habitude d'aller depuis 2006 pour dans les années 2011 à 2013, y renoncer parce qu'il m'est arrivé de travailler (ben oui, le 1er mai, j'aimais cet emploi que j'avais) et que je dois à Charybde 7 (la lectrice du Charybde 27) d'avoir retrouvé (et d'ailleurs vendredi si tout va bien j'y vais).

Je crois que c'était lors du cru 2007. Il me restait un peu de temps avant mon train du retour et dans un amphi du théâtre était annoncé ce couple de sociologues. Intriguée et sans doute un peu frigorifiée (j'ai le souvenir qu'il pleuvait). Ils étaient en pleine forme devant un public conquis. Je ne partage plus leurs convictions, j'ai trop la sensation que le tour est joué, mais j'aime qu'ils existent, qu'ils expliquent, qu'ils tentent de convaincre. Et j'apprends toujours quelque chose. Cette fois-là ç'avait été, alors que je me remettais mal d'une rupture d'avec celle que je considérais comme une sorte de sœur jumelle - mais qui aurait précisément été élevée dans un milieu bourgeois alors que moi pas -, qu'une des causes de mon incompréhension si douloureuse était cet écart de classe et un sens de l'amitié qui s'y pratiquait différemment. Beaucoup plus fort et solidaire dans mon milieu populaire. Et dépourvu d'arrières-pensées : on s'y lie parce qu'on se sent bien ensemble et la solidarité va de soi. On ne cesse pas de fréquenter A car on a rencontré B qui présente davantage de surface sociale (2) et une meilleure chance de voir se réaliser certains projets. Et si l'on change d'entourage c'est que l'on a changé de centres d'intérêts. Ou qu'on s'est engueulés mais franchement et que ça a pété.

Une autre année ce fut sur la permanence de l'habitat des plus fortunés. Tandis que les logis des plus pauvres sont souvent délabrés et plus facilement supprimés. Je m'étais souvent dit que les gens qui vivaient dans des barres d'immeubles sinistres étaient peut-être tristes de la destruction de leurs souvenirs même s'ils n'étaient pas des plus heureux. Les sociologues le confirmaient. Les uns conservent sauf grandes catastrophes leurs lieux de mémoires, les autres perdent à mesure le peu de jalons qu'ils avaient.

Le fait aussi que la classe ouvrière s'est laissée atomiser. Quand les plus riches sous des dehors de concurrence font preuve encore entre eux d'une splendide solidarité.

C'est grâce à eux que j'ai compris pourquoi je me sentais si à mon aise à la BNF, ce bâtiment moderne pourtant non sans défauts, alors que les lieux de savoir plus classiques me font me sentir de passage et comme en simple transit, intimidée.

Alors voilà, même si leur combat me semble perdu d'avance, je suis heureuse qu'ils soient là et continuent. Et participent de mon éducation.

 

    L'autre souvenir nait de l'exemple d'un des personnages qui gagne un gros lot au loto et tombe dans une sorte de sidération. Celui de Michel Pinçon dit alors qu'il souffre d'"Une plongée dans le champ du possible sans palier de décompensation". Ça m'a rappelé ma troisième crise de nerfs (3). C'était au mardi suivant la libération de Florence Aubenas et Hussein Hanoun, avant la conférence de presse durant laquelle j'ai saisi l'horreur que ça avait été, malgré le peu qu'elle consentait à en dévoiler. Nous venions de procéder à la dissolution du comité. Dans une grande salle de la mairie du Xème c'était la liesse générale. Ce pour quoi nous avions œuvré, dans un collectif comme je sais que je n'en croiserai plus, avec des personnes très fortes qui s'étaient toutes mises au service d'un objectif, malgré des divergences, malgré tout ce que tout groupe humain peut générer de complications internes, venait de se réaliser, d'avoir l'issue la plus heureuse possible (4). Je me suis fracassée contre le mur du bonheur. De la joie d'une grande victoire collective. Mâtinée de l'épuisement de ces mois de double vie - l'"Usine" à mi-temps sans mot dire, le comité tout le reste de tout mon temps, avec le soutien de ma petite famille et leur présence à mes côtés lorsqu'ils le pouvaient. Je n'avais connu qu'une vie studieuse, laborieuse, avec de bons moments, notamment en vacances ou avec les enfants, mais qui n'étaient que de trêves parmi un quotidien où il fallait tenir. Ce que j'avais pu jusqu'alors réussir ne procédait pas d'un choix mais d'une nécessité : typiquement je passe le bac pour trouver du travail plus tard, le permis de conduire parce qu'il est difficile de faire sans pour le travail aussi. C'était la première fois où j'avais foncé dans un projet pour lequel j'aurais pu rester à distance, laissant ma grande amie d'alors s'occuper du sort de son amie journaliste et moi simplement là pour la soutenir en buvant avec elle des bières ou des cafés quand son moral faiblissait. Je n'avais aucune expérience, ni mes ascendants, ni aucun frères ou sœurs de l'enchaînement suivant : Choix d'engagement - Combat - Victoire. J'avais en revanche des générations d'expériences même non dites, mais vécues d'enrôlements pour mener au casse-pipe. Les guerres pour les hommes, pour les femmes les enfantements. Je savais faire face à toutes sortes de coups durs. Pas au bonheur explosif d'une victoire. Je pleurais sans pouvoir m'arrêter. D'autant plus perdue qu'il s'agissait d'un bonheur directement issu d'un malheur préalable qu'on avait fait cesser. C'est donc un bonheur qu'on préfère ne pas dans une vie croiser trop souvent.

Ce passage de la BD m'a ramenée en ces instants. Cette absolue sidération.

 

Si je devais mourir avant d'avoir eu le temps de sérieusement écrire, il restera au moins cette trace d'une existence qui m'a souvent parue au dessus de mes forces, que tout ou presque s'est appliqué à rendre limitée mais qui n'aura pas été sans surprises, et grandes intensités.

J'aurais fait de mon mieux tout le temps. Même si mon mieux n'a pas toujours été suffisant.

Et si je l'ai payé cher, je ne regrette rien.

 

 

(1) "Riche Pourquoi pas toi" de Marion Montaigne avec la participation de Monique et Michel Pinçon Charlot

(2) Je ne sais plus à l'instant quel est le terme glaçant qu'emploient les compagnies d'assurance pour les dédommagements et qui quantifie en cas d'accident le prix de nos vies en fonction du boulot qu'on a ou pas, de la fortune ou de son absence, et de la vie sociale qui est la nôtre. S'il ne tenait qu'à moi seule l'espérance de vie restante potentielle - il me semble équitable de moins indemniser la mort brutale d'un centenaire que celle d'un adolescent, mais même ça est peut-être discutable - et le nombre de personnes dépendant économiquement du défunt devrait compter.

(3) L'une fut lorsque j'appris que la maison où était morte ma grand-mère maternelle venait d'être vendue. Je gardais le secret (et inaccessible) espoir de pouvoir la racheter un jour. Le grenier était une pièce idéale pour écrire. Je m'y voyais passer toutes les heures qu'il faudrait. Et puis n'en déplaise à ma mère qui voulait se débarrasser de ces murs maudits, j'avais la sensation d'une âme à protéger. C'est irrationnel, je le sais.
L'autre c'était à l'annonce du 2ème tour de 2002 que je n'avais pas vu venir. Un désespoir noir. Il avait suffit de soixante ans pour ne plus collectivement se rappeler.

(4) La plupart d'entre nous ignorait alors que d'autres otages étaient encore entre les mains des mêmes ravisseurs.