vendredi 30 janvier 2015 Twenty three days after
31 janvier 2015
Il faut aller travailler et selon les jours le travail est un secours, surtout lorsqu'il y a à faire du conseil : quand je conseille un.e. client.e. je suis à 100 % dans cette forme particulière de concentration et rien d'autre n'existe, ou alors une part de fardeau en plus : je voudrais, je devrais être chez moi ou à la BNF en train d'écrire et pas de perdre ma vie à la gagner.
Ma paie est hautement démotivante.
(je sais bien que c'était la condition pour être embauchée, il n'empêche que tant d'énergie mise à disposition d'un employeur pour si peu de rétribution n'est pas équitable).
Je réussis une vente en forme de coup de billard à deux bandes : deux femmes viennent qui cherchent un bon roman policier pour une amie hospitalisée, je leur conseille le plus récent Robert Galbraith. En fin d'après-midi l'une d'elles revient seule pour en prendre un pour elle. Je lui avais donné doublement envie.
Petits réconforts de cet ordre dans une journée passée pour beaucoup à lutter contre le désespoir.
La soirée est pour l'homme de la maison et l'entreprise qui l'emploie. Fête des 50 ans de celle-ci avec soirée dansante (après qu'ils avaient eu une journée en grand séminaire).
Nous apprenons qu'il y a des licenciements. Traités à l'individuel, à l'un on reproche une incompatibilité d'humeur, à l'autre des résultats insuffisants ... Façon de contourner la mise en place d'un plan social face aux affaires en déclin.
Ce qui est bon : m'apercevoir que nous sommes en bas de chez de vieux amis. La tristesse de la période me décide à faire ce que je n'aurais jamais osé en d'autres temps, mais la vie est trop courte pour manquer une bonne occasion d'amitié : j'appelle d'en bas. Chance, ils sont chez eux et pas encore au lit.
Malgré les sujets de conversation triste - très marqué par les événements, l'ami a fait une compilation la plus exhaustive possible des dessins en hommage à Charlie Hebdo -, nous passons un moment très doux.
Il y aura eu au moins cet élément positif : la tragédie a resserré les liens entre tous ceux qui s'aimaient bien mais ne se voyaient pas tant - nos vies sont prenantes, assuré l'essentiel les remplis déjà bien -. Jamais je n'aurais passé tant de bonnes soirées avec tant d'amis auparavant. La tristesse persiste, mais elle se soulage d'être partagée.
J'apprends que l'auteur du dessin à la boule de cristal s'appelle Dutreix.
Le retour, dans la nuit, après avoir dansé sur des musiques interchangeables, rien à en retenir à par la fréquence du beat, en taxi (remboursé par l'entreprise qui a vu les choses en grand). Un Yougoslave, qui précisera mais seulement après Croate. Philosophe désabusé. J'aurais dû noter.
Je pense encore à Honoré presque sans arrêt. Là où j'ai progressé : désormais capable d'évoquer l'homme qu'il fut sans avoir une forte envie de fondre en larmes.
Et là : je dois dormir.