Ce soir-là
07 janvier 2015
note du 27/04/15 en relisant : Ce billet-ci dûment affublé de la date du 7 janvier 2015 par la présentation actuelle de ce blog avait été posté dans la nuit du 6 au 7 janvier et en plus écrit bien avant. Il ne tient donc absolument pas compte des événements de cette journée.
(longtemps après)
Tu le savais depuis avant eux sans doute, puis tu avais supputé (compte tenu des circonstances) et puis il avait eu pour elle ce sourire un soir qu'elle indiquait rentrer et qui veut dire Bon OK j'ai compris, tu m'aimes mais il ne faut pas le dire, qui était le même que la nouvelle conquête de ton bien-aimé faisait sur cette video trace zélée de leur collaboration qui bien sûr n'était que littéraire (à d'autres !) et qui était sans doute le même que j'avais eu (avec ou sans rougissement je l'ignore) lorsque le boutiquier hypermnésique d'Uccle m'avait reconnue et un peu titillée (en mode assez élégant sur le thème Pour une parisienne vous venez souvent, et puis : histoire d'amour (et il oubliait quasiment le point d'interrogation à sa question, qui n'en était pas une de toutes façons - peut-être nous avait-il entrevus au Pain Quotidien, pas loin, et estimait-il que nous formions un beau couple -)).
Ce soir-là tu as compris qu'ils avaient hâte de se retrouver tes deux camarades amoureux, alors tu as dit la première que tu ne reprendrais pas une deuxième bière et les autres, bien sûr, ont suivi, surtout eux qui n'attendaient que ça - Enfin seuls ! -. Tu as fait le bout de chemin commun traditionnel en te demandant comment tu allais leur faire comprendre qu'il était inutile vis-à-vis de toi de faire semblant de préserver des apparences, et pourquoi diable ?, et puis l'amie avait pris les devant, sans doute parce qu'elle avait senti que tu avais pigé.
Tu lui en sus gré.
Il était si difficile pour toi de parler d'amour sept mois à peine après t'être fait si lâchement planter au prétexte que ça n'était pas de l'amour avec toi n'est-ce pas, car : Je t'ai envisagée (1), je peux le concéder, mais tu n'es pas attirante pour moi et je ne t'aimerais jamais (2).
C'était mieux que tu n'aies rien eu à dire, tu aurais pu être submergée par ta propre douleur. Or les amis n'étaient pour rien dans ton foutu destin d'être la femme de trop. Celle à qui un homme peut dire un soir de rien, quand tout semble aller bien, Depuis quinze ans tu n'es plus la femme de ma vie. Celle qui trouve toujours des excuses à ceux qu'elle aime, jusqu'à ce que leur comportement dépasse les bornes supportables et qu'elle comprenne qu'elle s'est une fois de plus laisser berner. Celle qui a assisté, impuissante (3), aux pires dénis y compris dans sa vie professionnelle.
Alors tu prends un vélo et tu rentres chez toi, soulagée que ça se soit passé comme ça, l'annonce, en délicatesse, mousse et pampre, que tu n'as rien eu à dire de particulier et pas tes larmes à retenir parce que tu sais que pour ta part tu es hors jeu pour toujours et à jamais alors que ton corps encore pourrait.
Tu t'efforces d'être ravie de la chance qu'un employé des vélos loués garnissent la station juste quand tu viens t'équiper, tu tentes de ne pas croire en une poisse carabinée lorsque qu'arrivée tu dois en faire quatre avant de trouver une et une place, tu te dis qu'il ne faut pas comme une enfant lier tout avec tout et que s'il te faut bien finir par admettre que pour l'amour tu souffres quand même d'un truc qui à force ressemble à une malédiction, le reste n'a rien à voir, pour le reste de la vie tu as un rôle à jouer, allez.
Et des amis sur qui compter.
Mais à l'heure de rentrer tu es la seule seule. Ou quasiment. Ou en tout cas personne vraiment ne t'attend. Ou celui qui est là souhaite ton départ (et le dit, dans ses sales moments).
Ce soir-là tu avais, sans pour autant avoir eu le temps de soigner ta mise, tu le trouves rarement, mis à tes pieds une paire de chaussures d'un bleu délicat, que l'homme dont tu te disais que tu pourrais l'aimer avait un jour admirées. Comble de malchance, il était absent.
Ce soir-là, l'amie intime, la presque sœur, qui avait failli huit ans plus tôt te tuer en te faisant croire elle aussi que tu comptais ("Gilda, tu n'encombres jamais") pour te planter là quand la maladie chez toi frappait, fêtait ses 55 ans.
Certains jours sur terre, on se sent de trop.
(1) Et envoyé tout ce qu'il fallait des regards aux mots tendres, pour te faire croire que tu plaisais. Et joué si parfaitement le rôle du malheureux solitaires que d'autres femmes, cruelles, ont brisé. Comment une pauvre poire délaissée dans mon genre aurait-elle pu résister ?
(2) Comment un homme peut-il être aussi péremptoire en n'ayant vu une femme de taille et de proportions moyennes, rien qui puisse a priori être rhédibitoire, même si rien en elle n'est spécialement provoquant, que dans ses épais vêtements d'hiver restera un mystère éternel pour moi.
(3) Car il est très difficile de faire face à un déni au moins autant que de prouver qu'on est innocent d'un crime quand les autres ont décidé que vous étiez le coupable idéal. D'autant que vous avez en face de vous un homme, généralement c'est un homme, et qui vous certifie que vous avez mal compris, que vous avez rêvé, qu'il n'a jamais dit ça. Et si vous détenez un écrit, quelque chose d'indéniable, il vous soutiendra que, oui bon d'accord, mais ça n'est pas ce qu'il avait voulu dire. Aux autres il dira que vous étiez, un peu fragile, un peu folle, voire hystérique ou pas commode. Bref, quoi que vous tentiez pour vous défendre de la façon dont vous êtes soudain traitée parce que Marilyn ou l'un de ses clones est passée par là, vous avez tort, punto basta. Et se retrouvent jetés à la poubelle parmi les plus beaux moments de votre vie, traversés pour votre part avec sincérité et sans avoir triché.
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