Ce lien vers un article de Didier Lauras sur un site de l'AFP, me replonge dans la fin de l'année 2004. À l'époque je tente d'obtenir mon passage à mi-temps afin de pouvoir enfin sérieusement écrire. Mon père est mort en septembre après un été d'agonie. L'accompagner m'a menée très près de la mort, que je ne crains pas mais la souffrance du passage, si. Je reviens doucement vers la vie. Incapable d'être triste - nous ne nous entendions pas fort, de son vivant d'en pleine forme ; et puis il y a cet intense soulagement de la souffrance finie -. Écrire est le plus important de ma vie. J'attends avec impatience que mes forces reviennent. Ma grande amie m'encourage et me soutient. Viens me chercher parfois "après l'Usine", et nous buvons un coup au Gramont ou un café voisin.
Nous n'avions pas trop le cœur de fêter Noël mais l'avons je crois passé chez ma mère afin qu'elle ne se sente pas trop seule.
Du coup loin de l'internet, je ne suis pas trop consciente de ce qui se passe là-bas vers la Thaïlande. Je ne mesure pas l'ampleur des dégâts ; éprouve peu de compasssion pour les touristes, qui ont (mal) choisi d'être là, et bien davantage pour les locaux. Je pense que ça doit être terrible pour ceux qui ne savent pas où les leurs sont passés.
À l'époque je ne tiens qu'un fotolog minimaliste, je consacre l'écriture au manuscrit du Diario qui finalement deviendra Traces et trajets, ce blog. Comme j'ai changé au moins quatre fois d'ordi depuis et comme suite à des pannes, j'ignore ce que sont devenues les autres photos d'alors, j'ignore ce que je pensais sur le moment.
J'ai même un doute sur le fait d'être allée ou non en Normandie - ce qui pourrait expliquer aussi de n'avoir pas mesuré l'ampleur humaine de la catastrophe : là-bas pas ou peu d'internet, pas de télé, juste un peu de radio si nous pensons à l'allumer et quelques journaux en papier si nous les achetons.
Je crois que le deuil et l'effort d'écrire en plus de travailler dans la grosse entreprise et qui me coûte d'autant plus que je compte dès que possible m'en éloigner, me préservent alors de la marche du monde.
Peut-être qu'un jour en rangeant je retrouverai des messages, des mots de ce temps, qui montrent qu'au contraire ça m'avait bien secouée, que j'étais dévorée par le sentiment d'impuissance. Vu de dix ans après, à l'effort de ma seule mémoire, j'ai l'impression de n'avoir (presque) rien su.
Et à présent ce qui prédomine c'est de me dire Dix ans, est-il possible que ça fasse dix ans ? Et d'être impressionnée par les bouleversements intervenus et dans le monde et dans ma vie. Je comprends mieux ce besoin que j'éprouve de reprendre mes forces, souffler, me poser ; et que la sensation que dans le contexte général, violent, guerrier, troublé, la planète de plus en plus esquintée qui semble se défendre à coup de phénomènes paroxistiques de plus en plus extrêmes, ça soit impossible paraisse hélas justifiée.