Le Noël vraiment heureux
24 décembre 2014
J'ai des souvenirs heureux de mes Noël de toute petite, je crois qu'un peu de famille venait, une fois celle de Bretagne, une fois Zio Piero et Zia Dina d'Italie, les parents ne s'entendaient alors pas si mal, j'étais gâtée. Je me souviens d'une guitare jouet qui avait fait mon plus grand bonheur - et probablement bien cassé les oreilles de mes parents -.
Des souvenirs mitigés des Noël d'enfance plus grande et d'adolescence, même si les parents par rapport à leurs moyens s'efforçaient de nous déposer pour le lendemain matin de beaux cadeaux au pied du sapin. Et que ce soir là (celui du 24) j'avais le droit de lire tard. Le bonheur de pouvoir lire tard le soir sans avoir à se cacher.
Et puis il y eut ce Noël de 1982. À Torino chez la famille d'Italie. Je ne sais comment, mon oncle Nicolà était parvenu à convaincre mon père qu'on vienne tous les 4. Mon amoureux d'alors était loin mais après tout puisqu'il n'était pas à Paris il ne me manquait pas pire à Turin. Pour le reste se furent des jours de rêve, une soirée de Noël d'anthologie, un repas de fête comme on n'en avait jamais fait - ma tante Paola avait oublié des plats d'entrées sur son balcon (mis au froid, réfrigérateur bondé) -. Comme la famille de France était là (nous) tous s'étaient arrangés pour au moins passer à un moment de la soirée. Je garde de ce Noël-là un souvenir ébloui.
Ensuite les Noël furent compliqués par des organisations de quelles familles voir quand puisque ma sœur comme moi avait une belle-famille. On s'efforçait de fêter pour les enfants, alors petits, mais il y avait toujours un moment où ça foirait. Nous restions souvent chez mes parents pour la nuit et dormions mal dans le lit d'appoint. C'étaient des Noël pas trop malheureux, je mettais grand soin dans le choix des cadeaux mais constitués d'une bonne part de sens du devoir, filial, parental, famillial.
Puis ma sœur est partie, les enfants ont grandi, mon père est mort. Les Noël sont devenus des un-peu-comme-ça-peut. Ni l'homme de la maison ni moi n'avons trop eu des emplois qui permettaient de réelles vacances, que je sois à l'"Usine" autrefois ou en librairie à présent, les fins d'années sont toujours de grosses périodes : jadis pour cause de bascules annuelles de bases de données - sans parler fin 1999 du fameux bug de l'an 2000, le surcroit de boulot que ça nous avait fait -, à présent pour cause de fournir les cadeaux des autres. J'arrive systématiquement à Noël rompue, sans être capable d'organiser quoi que ce soit, peinant pour tenir jusqu'aux minuits de la tradition, rêvant de la compagnie de certains amis mais Noël est si familial que chacun le passe avec les siens sans le secours de la chaleur amicale. Depuis l'internet ça va moins mal. On peut au moins échanger entre personnes qui ne festoyons que peu ou que pas. Un dîner amélioré, quelques présents, aller voir ma mère au lendemain midi (1), et voilà. Nous sommes heureux si personne n'est trop malade. On se dit que c'est déjà ça.
Cette année je suis contente : j'ai bien travaillé, il y a une satisfaction du devoir accompli, et il ne fait pas trop froid ce qui m'épargne un surcroît de fatigue. Et puis j'ai passé hier une belle soirée avec une amie qui m'est chère et c'était comme une petite fête personnelle, non datée. Qu'elle vienne jusqu'à mon travail a soulagé cette sensation d'exil qui depuis mars ne m'a pas quittée (2).
Il ne va pas tarder à être l'heure des (petits) cadeaux. Je songe à tous ceux qui offriront des choix que je les ai aidés à faire "Vous me sauvez mon Noël", disaient-ils. Puissent les destinataires des présents en être satisfaits.
(billet écrit dans un étrange état d'épuisement, au delà du sommeil)
(1) Cette année j'ai trop travaillé, je resterai à récupérer, je pense passer la journée au lit à attendre que le corps redevienne opérationnel pour vendredi et samedi.
(2) Sevrée de Bruxelles, quasi-coincée à Paris, je me trouve à fréquenter des quartiers qui m'étaient jusqu'alors étrangers. C'est "Cristo si e fermato a Eboli" à l'envers, des endroits trop chics pour ma personne. Et les amis (sauf un) si loin, qui semblent eux aussi à quelques exceptions près, respecter une frontière invisible dans l'intra-muros de Paris.