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Bref éclat de rire du dimanche matin


Capture d’écran 2014-11-30 à 12.37.28Ça faisait longtemps qu'un calembour (1) ne m'avait pas fait rire. Grand merci @odwulf

(et je partage ici pour le cas où sur vous ça fonctionne aussi)

 

(1) Ça restera l'un des grands mystères de ma vie : je suis une grande amateure de calembours alors que les contrepèteries, quand je parviens à les déceler, me laissent généralement de marbre - sauf si sorties pendant des réunions professeionnelles très sérieuses et l'occasion de regards complices et fous rires retenus entre ceux qui l'ont perçue et les autres -. 


Trente ans sans (Trente ? Trente !)

(billet écrit en dormant)


    L'homme (1) parlait de Venise élégamment, comme quelqu'un qui aime la ville, en reste extérieur mais n'est déjà loin s'en faut plus un simple touriste. 

Il évoque des lieux.

Je me les remémore. Je connais Venise, j'y suis allée.

Une fois. 

C'était il y a un moment déjà. Pour le Carnaval. Nous étions étudiants. Ah oui alors ça fait vraiment un moment. Février 1984. Il avait neigé. Tu n'as jamais eu aussi froid de ta vie. D'habitude lorsqu'il fait froid on reste à l'abri. Mais là on profitait de la ville, de l'ambiance du Carnaval. On marchait le long des canaux. Tu superposais tous tes vêtements. Pourtant tu claquais des dents. 

Tu avais faim. C'était idiot : vous deviez partir avec un couple d'amis l'idée de Venise c'était d'eux qu'elle venait. Mais tout était trop cher. Ils s'étaient rabattus sur Vienne. Vous, au dernier moment aviez bénéficié d'un désistement, c'était ta mère qui avait vu l'annonce dans le journal, train + hôtel. Même à prix cassé ça dépassait votre budget étudiant. Mais tu n'étais pas du genre à laisser filer une chance, ta philosophie était déjà Ni remords ni regrets. Et de n'en pas éprouver en ne faisant rien qui porte préjudice à autrui ni à la vérité et en ne laissant passer aucune chance sans la tenter. Ça n'est possible qu'en temps de paix.

À ne pas saisir l'opportunité des deux places libérée, tu aurais regretté. Alors Venise, les billets de dernière minute, hop, vous y êtes allés. Mais il n'y avait pas d'argent restant, presque rien, pour manger. Vous mangiez pour deux au petit-déjeuner, qui faisait partie du forfait ; puis tentiez de tenir le coup jusqu'au plus tard possible. 

Le seul luxe fut un chocolat chaud chez le fameux Florian

Donc pour toi Venise c'est la faim et le froid (2). Mais c'était tellement beau quand même.

Vous vous étiez, comme pour Roma, bien plus tard, dit bien sûr, On reviendra.

Et puis plus aucun moment favorable ne s'est présenté, aucune proposition, aucune période pourvue simultanément de temps libre et d'argent. Les festivals de cinéma (La Rochelle et Arras, avec des films qui montrent la vie ailleurs) sont venus se substituer aux voyages que nous n'avions pas les moyens de nous accorder. 

Si nous parvenons (courant 2015 ? si tout va vraiment très bien (rien n'est moins certain)) à sortir du rouge, toutes dettes amicales remboursées, je crois que le premier voyage sera pour la famille à Turin. Puis pour Bruxelles et les amis qui y vivent (et retourner nager dans la piscine de mes rêves ; acheter quelques habits chez le boutiquier hypermnésique ; peut-être éviter de retourner dans l'hôtel dont le portier de nuit/soirées a toutes les raisons de me prendre pour une grande séductrice (3)). Et Toulouse aussi où je n'ai pas pu honorer une invitation par manque d'argent. Je retournerais aussi volontiers à Marseille où des amis me manquent aussi.

Alors Venise, ou Rome, ou la Toscane, à moins d'un coup de chance, c'est encore très loin.

Mais il ne faut pas être triste, si l'on m'avait dit il y a trente ans que je serais encore là trente ans plus tard pour en parler, deux enfants jeunes adultes, une condition physique très honorable, un parcours professionnel vers ma passion des textes, et qu'il y en aurait d'autres (des passions), je ne l'aurais pas cru. Il n'y a guère que la persistance de la dèche (ou plutôt : le retour vers) qui m'aurait paru plausible.

J'espère quand même y retourner, qui sait.

 

(1) Il s'agit de Thierry Clermont qui ce soir à La Libreria présentait son livre "San Michele"

(2) Sauf au matin du dernier jour, soleil radieux, chaleur, caffé en terrasse dans une partie ensoleillée, et ce bonheur-là est resté ancré. Vous étiez amoureux. Jeunes. Fatigués mais en forme. Aucun des chagrins communs, aucune des difficultés majeures ne vous avait encore frappés. Pour autant the Inner Voice, l'aide des aïeux, la sagesse ancestrale des petites gens, m'avait ordonné Profite à fond de cet instant, tu n'en auras pas tant. J'ai obéi. Et trente ans plus tard reste encore intact un souvenir pur, un momento perfetto dans lequel puisser une bouffée d'énergie. Il fallait juste un peu surveiller l'heure pour ne pas manquer notre train.

(3) Dans la comédie à l'italienne qu'est ma vie, cette histoire mérite une scène centrale, un peu. Dans ma collection d'apparences trompeuses elle tient le haut du pavé. On peut vraiment par inadvertance passer pour le contraire de ce qu'on est.


One and a half year after


Photo1387Ce qui m'intéresse dans les photos qu'en la ville je prends, c'est de saisir l'éphémère, de conserver une trace de ce qui fut.

J'ignore pourquoi pour moi c'est si important. Ça date d'avant que je devienne de par mes "mauvaisses fréquentations" celle qu'on efface parce que l'on vit dans un milieu où facilement on croise bien mieux. 

Ce n'est donc pas une projection personnelle, mais bien autre chose. Un besoin de témoigner pour les suivants.  Photo1389

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[photos prises dans le quartier du Bac d'Asnières à Clichy, les dimanche 5 mai 2013 et 23 novembre 2014]

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De l'incompréhension


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Plusieurs fois ces derniers temps et alors qu'on n'est pas encore dans le rush de Noël, que de mes collègues ou moi-même avons parfois des zones d'incompréhension avec les clients. Non pas des étrangers avec lesquels il y aurait un tracas de langage, non, mais avec des personnes s'exprimant en bon français et dont nous comprenons parfaitement les mots. Les mots, oui, mais pas le sens de la demande qu'ils expriment. 

Un homme est ainsi venu en demandant qu'on commande un ouvrage, OK nous prenons note. Au moment de la transmettre j'ai vu qu'il était imprimé chez l'Harmattan. D'expérience ce genre de demande concerne plusieurs exemplaires : c'est le livre très technique d'un collègue que l'on souhaite diffuser ; ou les mémoires d'un grand-oncle au glorieux passé que l'on souhaite distribuer à la prochaine fête de famille. L'homme portait le même patronyme que l'auteur. Nous l'avons donc rappelé pour confirmation. Bien nous en a pris : il souhaitait en fait que nous commandions son livre afin qu'il figure dans les rayons de la librairie. Lui qui pensait avoir affaire à une maison d'édition classique ne comprenait pas que son ouvrage (1) ne soit pas en vente ; nous qui n'avions pas imaginé un seul instant qu'on nous ordonne ainsi d'avoir un livre en magasin.

Une dame nous a demandé le "catalogue Gallimard". J'ai pensé au catalogue Pléiade, mais non, non Gallimard. Folio ? Non plus. Vous savez celui qu'ils éditent tous les trimestres. Il s'agissait en fait d'une lettre d'information. Elle arrivait sans doute au nom du précédent responsable qui connaissant cette habituée lui offrait son exemplaire (2). Mais n'étant pas au courant nous avons eu un mal fou à voir de quoi il s'agissait. Nous évoluions dans des logiques parallèles qui ne se recoupaient pas.

Une dame m'a demandée (3), tenant un livre d'enfant avec joint à l'ouvrage un petit sachet pour y déposer la dent, et qui d'après le titre évoquait sans doute possible l'histoire de la petite souris qui vient récupérer les dents de lait et laisse un sou à la place, s'il s'agissait bien de "la vraie histoire de la petite souris". Il est très fréquent qu'on nous pose pour un roman la question : mais c'est une histoire vraie ? car pour une raison qui m'échappe, la réalité est depuis le début du siècle considérée comme un gage de qualité ; il n'y a guère qu'avec mon centenaire préféré que j'ai pris le temps d'engager le débat sur les atouts d'une fiction réaliste quand il s'agit de faire prendre au lecteur conscience de certaines situations, je sais que globalement c'est peine perdue. Les blondes sont plus attirantes, le whisky est une boisson d'hommes et les histoires vraies c'est mieux. Contre certains préjugés on ne peut guère lutter qu'en refusant soi-même de s'y conformer.

Mais concernant la légende enfantine de la petite souris, je ne savais que dire. J'ai dû bafouiller qu'il s'agissait bien de la version la plus courante de ce qu'on disait aux enfants par ici. Et bien sûr la dame qui était dans sa logique personnelle ne comprenait pas que j'ai l'air si peu sûre de moi, sur une question à ses yeux aussi simple.

Le fait de tenir boutique offre une collection de cas. Mais ce genre d'incompréhensions me semble de plus en plus fréquents. J'en suis témoin dans la rue, fréquemment. C'est comme si une homogénéité - qui n'a pas spécialement à voir avec les origines, l'âge, la couleur de peau ou la religion, souvent il s'agit de personnes qui se ressemblent d'aspect - était en train de disparaître, que chacun naviguait dans une sphère déterminée avec ses logiques et ses codes. Un peu comme des radios émettant qui sur ondes courtes, qui sur haute fréquence, qui sur la FM.

Si l'interlocuteur est patient et de bonne volonté on peut prendre la peine de se rejoindre à une intersection puis de dévider le fil jusqu'au nœud de l'incompréhension. Mais ça n'est pas toujours le cas et lorsqu'on est au travail on ne peut à certains moments se permettre de consacrer un temps étendu à chaque personne. 

Voici venu le temps des logiques divergentes.

 

 

(1) au demeurant hyper-spécifique et qui ne pourra intéresser que ses proches ou d'anciens camarades de régiment.

(2) Simple hypothèse de ma part. 

(3) Une de mes collègues m'a dit par après avoir eu la même demande quelques jours plus tôt. Même personne ou même interrogation ?

[photo : à l'ancienne librairie, avril 2013, mot laissé par quelqu'un d'autre]


Délits de sale gueule, peines maximales


    On lit ceci :

Erreur judiciaire : un condamné à mort libéré après 39 ans de prison

on se dit que oui, les États Unis, le racisme à l'époque, que c'est derrière nous tout ça. En fait on a simplement oublié que depuis une douzaine d'années, tout était au contraire pire.

Et qu'on en est là : 

Un délit de sale gueule aux conséquences dramatiques

(l'affaire se passe en Belgique mais je n'ai aucune illusion : elle aurait pu survenir en France)

 

Pour se réconforter on peut espérer que les responsables belges vont agir avant qu'il ne soit trop tard pour rectifier l'erreur commise (1) et par ailleurs admirer la magnanimité du condamné libéré :

""I don't hate him [en parlant de celui dont le faux témoignage lui avait valu en 1975 une condamnation à mort],'' Jackson said. "He's a grown man today, he was just a boy back then.''
Jackson wished Vernon the best and said, "It took a lot of courage to do what he did.''"

(source : Ricky Jackson leaves prison (Cleveland.com))

 

(1) Il y a une pétition au moins, par là.

 

 


Saucisse (R.I.P.)

 

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Alors voilà, Saucisse n'est plus. La mauvaise nouvelle m'est parvenue hier soir tard.  Je n'avais pas été chez moi de toute la journée, étais sortie en soirée et en arrivant à la maison c'était de façon étrange apprendre exactement en même temps (1) que le séjour sur terre de Saucisse était terminé et qu'une amie s'était fait voler sa voiture ; du coup les deux événements, alors qu'ils ne se situent pas du tout sur le même plan resteront liés dans ma mémoire. Bizarre.

J'ai l'impression que je connais Saucisse et Serge depuis toujours. Il n'en est rien puisque c'est une grande amie commune qui nous avait présentés lors d'un salon du livre de Paris en 2000 ou 2001 (ou 2002 ?). François aussi était là. Elle m'avait proposé de venir avec la petite bande dîner chez elle, mais à l'époque j'étais trop coincée par "l'Usine" et dans ma tête et mécaniquement : je devais me lever tôt le lendemain pour conduire les enfants à l'école, puis aller travailler, un dîner entre bons amis risquait de se prolonger, et avec mes forces incertaines, veiller tard était trop risqué. Et puis j'avais peur d'encombrer ces amis de longue date, même si j'avais plutôt l'impression de retrouver de vieux camarades plutôt que de faire connaissance. Avec le recul et vu le peu de cas qui fut fait à ce travail de mon assiduité, j'éprouve un lointain regret.

Ça n'a pas empêché l'amitié. Au gré des venues des uns et des autres à Paris ; d'une période qui me paraît un âge d'or (financier) (très relatif) où je pouvais facilement prendre le train pour Marseille, me déplacer, honorer une invitation.

Ce qui me fait l'heureuse destinataire d'une jolie collection de bons moments avec le petit chien philosophe et son "Papa". Saucisse, j'ignore comment il se débrouillait, donnait toujours (du moins dans le genre de moments que l'on partageait, par exemple en balade, à la terrasse d'un café ...), l'impression de considérer les choses avec une sorte de détachement amusé ; tout en se montrant affectueux (alors qu'on se voyait peu).

Fin 2011, j'ai commencé à avoir quelques soucis financiers, nous vivons à une époque où même en travaillant et sans être excessivement dépensiers on peut se retrouver dans le rouge et ensuite les frais liés aux comptes débiteurs engendrent d'autre frais et pour peu qu'un truc ou des dents tombent en panne, on tombe dans une spirale de fins de mois qui commencent aux débuts. Les déplacements amicaux étaient mon seul volant d'économie possible, à l'été 2012 j'ai effectué un ultime trajet pour transporter des livres de Bruxelles vers Paris et depuis c'est fini. J'espérais que 2015 me permettrait, toutes dettes amicales remboursées, de refaire surface et donc reprendre mes petits trajets. Vers Bruxelles (les amis n'y manquent pas), Toulouse, Nantes ou justement Marseille - sans compter que je rêve de participer un jour à la Monte Cristo (2) -. J'imaginais d'heureuses retrouvailles avec Saucisse et Serge, sans doute aussi François, ainsi qu'un ancien blogueur disparu des téléscripteurs.

La disparition du bon petit chien fait prendre conscience que le temps a passé, que même si reviennent des jours meilleurs pour chacun d'entre nous, ça sera sans lui. Que le rêve est fini.

Lorsqu'entre humains l'on se reverra, il y aura toujours un peu de sa présence, comme ça. Que nos mémoires ne l'effaceront pas. 

C'est la première fois que j'éprouve un réel chagrin pour un animal qui ne m'était pas si proche en tout cas du point de vue de la géographie - même s'il m'est déjà arrivé d'éprouver de la peine pour les compagnons de mes amis humains, dont un chat belge beige qui un jour avait pris soin de moi et avait disparu deux ans plus tard de la maison où alors nous nous rencontrions, et aussi l'une des habitantes de la Couvemaison -. Des chiens amis ne restent plus que Nelson et Yéti, mais si loin partis. Le temps a filé comme du sable. Les êtres aussi.

Pensées pour Serge qui aura rendu à ce petit chien, trouvé à la SPA après un passé de gibier de combats, une bonne vie. Ça n'est pas rien, même si c'est fini.

  

(1) Quelque chose qui au siècle dernier n'était que peu possible mais que rendent courante nos usages technologiques actuels qui multiplient les flux : on peut donc lire une info sur son écran tout en recevant un coup de fil qui nous en apprend une autre, avoir plusieurs messageries affichées, lire une lettre tout en voyant autre chose s'afficher à l'ordi ... 

(2) Pour l'instant je n'ai qu'à moitié le niveau (au sens littéral)


Touchants


    Ils sont entrés dans la librairie, un couple, tranquille, ont salué sans que j'y prête attention - elle a dû dire "Bonjour" et j'ai répondu "Bonjour" en réflexe -, flané un peu. Elle a acheté quelque chose, lui attendait patiemment. Au bel accent qu'elle avait en me parlant français j'ai compris qu'ils étaient touristes. Après avoir payé ils regardent encore deux ou trois bouquins puis repartent. Elle dit "Bonsoir", lui "Buona sera", je crois que j'ai répondu "Bonne soirée". À peine étaient-ils sortis de la boutique que j'ai entendu qu'en italien elle expliquait à son compagnon : 

- On est à Paris ici alors ce n'est pas "Buona sera" mais "Bonsoir".

et il repétait "Bonnesoir" de son mieux, docilement.

Grâce à eux le dernier quart d'heure, parfois si difficile physiquement, aura été souriant. 

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"Je n'y peux rien"

 

    C'est ce billet de Couac ou plutôt un détail dans ce billet qui m'y a refait penser ; elle est la première personne que je lis raconter un accouchement d'une façon qui me fait sourire, chapeau bas. Mais là n'est pas la question pour ici pour l'instant. Ce qui m'a déclenché un souvenir c'est cette phrase-ci : 

"L'infirmière qui poussait la chaise me demandait si c'était le premier puis me disait une chose dont je ne me souviens plus mais me donnait la mesure de ce que j'étais en train de vivre et me filait un peu froid dans le dos."

Il m'est arrivé aussi que l'on me dise quelque chose dans un moment si intense, ou quelque chose de si important que je ne sois plus capable de m'en souvenir mais uniquement de l'effet fait.

C'était en décembre 2005, ma fille était à la maison, malade, en attente d'une hospitalisation prévue mais il fallait qu'un lit se libère. À un jeu concours, que je l'avais peut-être poussé à faire histoire de lui changer les idées (1) elle avait emporté une BD, mais il fallait aller la chercher à un salon du livre bizarre qui se tenait à la préfecture (ou à la mairie) de Nanterre. 

Je récupère la BD, en fait c'était clairement un truc promotionnel pour tenter d'attirer les jeunes à acheter d'autres trucs, mais en expliquant qu'elle était malade, j'ai pu avoir l'objet. 

V. (2) faisait partie des auteurs invités. Mais c'était ce genre d'endroit où l'on entasse pleins d'auteurs avec une pile de leurs bouquins et une pancarte à leurs noms et où la plupart d'entre eux n'ont personne pour venir les voir alors que quelques-uns attirent tout le monde. Elle n'était pas seule il y avait une professeure à la classe de laquelle elle avait rendu visite peu de temps auparavant et qui passait l'en remercier. Nous avons échangé quelques mots par après, brefs, d'autres personnes s'approchaient et je voyais bien qu'elle était malheureuse d'être là à perdre son samedi après-midi. Moi-même je n'étais pas très bien car quand j'avais téléphoné pour dire à ma fille C'est bon j'ai ton bouquin !, j'avais appris que son père estimant qu'elle allait assez bien pour ne pas faire de malaise s'était absenté pour aller à son sacro-saint club de pétanque et qu'en gros c'était le petit frère, 10 ans, qui veillait. Alors j'avais dû dire à V. que je passais juste pour faire la bise - depuis un moment on devait se voir, mais elle avait fait un voyage en Inde puis obtenu un prix, et ça avait été le tourbillon et de mon côté pour les raisons médicales évoquées plus d'autres, plus un moment malheureux dans notre vie de couple, plus des moments pas faciles au boulot, ça avait été le tourbillon aussi (mais d'un autre genre) ), que ma fille était malade, la BD, tout ça, mais que je devais vite rentrer.

Elle m'a répondu quelque chose que je n'ai pas compris ou plutôt que j'ai oublié aussitôt qu'il fut dit, mais qui m'a peinée, semblé glacé, et comme pour l'infirmière de Couac, fait froid dans le dos. C'était quelque chose qui ne lui ressemblait pas.

De toutes façons on se disait au revoir, j'ai vite filé. Ou juste pris le temps d'acheter deux livres pour des cadeaux précis (une amie en Californie, ma nièce en Normandie).

Les jours d'après, une fois passée cette période interminable de l'attente de l'hospitalisation, j'ai encore attendu, mais de l'amie, un message qui n'arrivait pas ; il me semblait pourtant qu'elle m'avait dit qu'on allait se voir, Je t'écris. 

J'ai tenté de me souvenir de ce qu'elle m'avait dit d'autre. Cette phrase qui m'avait peinée. Mais rien, blanc complet. Peut-être quelque chose comme "Je n'aurais pas le temps avant le mois d'après" ?

Quand les santés se sont arrangées, j'ai envoyé un mot pour dire, tout va mieux. 

Pas de réponse. Et la rupture deux mois après, lors de retrouvailles dans un lieu professionnel collectif (où là non plus je ne venais pas spécialement pour ça ; je l'ignorais alors, mais je préparais ma reconversion).

Il n'y avait eu aucun signe avant-coureur si ce n'était ce ou ces messages annoncés jamais envoyés (3) et cette phrase qui m'avait peinée, que je n'avais pas comprise - je me souvenais d'avoir pensé Mais pourquoi me dit-elle ça ? - et qui s'était effacée.

J'ai eu d'autres difficultés, un virage de boulot à 90 degrés à accomplir, et si l'absence a brûlé pendant encore longtemps, je n'ai plus pensé aux mots envolés.

C'est un an et demi ou deux ans après que lors d'un déjeuner avec une ancienne collègue, que mon départ précipité de "l'Usine" ensuite m'a fait perdre de vue (je n'avais que son adresse professionnelle sur mon carnet de contacts de la messagerie du bureau et dans le même temps elle est partie en retraite). Je lui disais que lorsque j'avais dû m'absenter pour accompagner ma fille à l'hôpital on m'avait répondu Si tu dois y aller, vas-y, mais tu prends tes responsabilités (4). Alors elle me racontait la difficile période qu'elle avait traversée après le suicide totalement inattendu de son conjoint (au point qu'eût-il été politicien ou homme d'affaires, des doutes auraient pu naître) et son hiérarchique de l'époque à qui elle avait demandé certaines disponibilités, parce qu'elle ne pouvait pas autrement faire face, et qui lui avait répondu quant au drame qui la frappait un très peu réconfortant "Je n'y peux rien".

Et l'effet fait par le voile qui recouvrait l'unité de mémoire qui soudain se déchire et qu'on sait que c'est ce qu'on avait soi-même entendu, dans d'autres circonstances, mais qui avaient quoiqu'en moins grave, blessée. Et aurait pu présager de la suite. Du moins au moins d'une incompréhension (5). Je ne sollicitais rien, je disais simplement que je n'allais pas m'attarder parce que la petite allait mal.

Je crois que parfois notre corps nous protège en refusant d'entendre ou de mémoriser ce qui dépasse notre entendement, ou qui ferait trop de peine (dans le cas d'une rupture unilatérale qui s'annonce) ou de peur (dans le cas de l'accouchement que Couac évoquait) et risquerait de nous empêcher d'agir alors que la situation exige de notre part du répondant.

 

(1) Le genre d'idées naïves qu'on a, parents, quand on voit qu'un de nos enfants va mal très sérieusement. Comme si ça pouvait suffire pour distraire la douleur.

(2) Comme j'ai plusieurs amies qui se prénomment Véronique et qui écrivent je tiens à préciser que le vrai prénom de V. ne commence pas par un V.

(3) Ou en tout cas jamais reçus.

(4) Il y avait du boulot urgent à faire. Mais il y avait toujours du boulot urgent à faire. Les effectifs avaient diminués plus vite que la somme de travail à dépoter.

(5) Alors que nous nous étions toujours comprises au quart de tour. Un peu comme des sœurs qui seraient très proches.

 

Lire la suite ""Je n'y peux rien"" »


Un bel article de Phil Plait

 

    Ce qui est intéressant après avoir passé un petit lot de jours sans presque être connectée - je n'ai toujours pas de smartphone, donc quand je suis loin de l'ordi je peux seulement lire les intitulés des messages reçus et parfois tenter un statut FB (qui désormais apparaît sous la marque de Microsoft, nous sommes décidément des pions) -, c'est de voir l'étrange ampleur prise par des événements par rapports à d'autres. Ainsi le fait que la chemise de celui qui présentait la mission Rosetta ait fait davantage parler que le projet lui-même.

Je suis féministe au sens que je ne considère pas les femmes comme une catégorie B de l'humanité, j'aimerais d'ailleurs qu'en toutes choses on cesse de considérer les humains que nous sommes tous par catégories liées à leur naissance - personne n'y peut rien d'être venu au monde ici ou là, de telle couleur ou telle autre, de telle sexe ou avec telle orientation sexuelles - mais qu'on prenne plutôt en compte ce que les gens deviennent et font. Le déterminisme social est déjà suffisamment écrasant, en rajouter n'est pas nécessaire. Je rêve d'un monde décloisonné où même les plus faibles seraient respectés. Ça n'est pas du tout à l'ordre du jour, je sais.

Pour autant cette déferlante au sujet d'une chemise à bimbos (1) me paraît démesurée, c'était surtout une grossière erreur de communication : si tu veux (homme ou femme) que l'on prête attention à tes propos évite d'être trop voyant.

C'est seulement ce matin, grâce @Kozlika qui a fait circuler le lien que j'ai compris quelques éléments de ce qui s'était joué là, en plus que ça fait toujours du bien de lire des points de vue intelligents : 

Shirtstorm 

 

(1) Sans doute parce que je suis une femme je ne comprends pas bien cette nécessité qu'éprouvent certains hommes hétéros à afficher partout des pépées blondes à gros lolos ; mais j'ai un peu tendance à penser que si vraiment ils ne peuvent s'en passer, au moins ça ne fait de mal à (aucune vraie) personne.