Moules à gaufres (et autres bachi-bouzouks)
La persistance de l'homophobie

Patois (et l'irruption d'un sombre souvenir d'accident voyageur)


Malgré les efforts insupportables du crooner d'hier qui nous a seriné à longueur d'après-midi de vieux tubes bien pourris en les modulant avec un vibrato de super-marché, le juke-box fou que j'ai dans ma tête m'avait ce matin pourvu d'une chanson ancienne que je tenais de ma mère et dont le refrain comporte ces vers : 

Et pourtant je regrette tant, je regrette en secret
La gentille maisonnette que mon père habitait.

J'en ai vite retrouvé une version sur l'internet et capté via un forum qu'il s'agissait d'une chanson-tiroir dans laquelle chacun pouvait glisser les paroles qu'il voulait. Et puis je suis arrivée sur un blog qui me parle de ma Normandie (c'est assez logique étant donné que la chanson me vient de ma mère) et de questions que je me pose aussi quant à ce qui est en patois et ce qui ne l'est pas. Parfois ma mère elle-même ne le savait pas. 

Au passage je lis un billet qui me parle comme on disait. Il y avait ce truc dans ma famille aussi, que les ennuis de santé devaient se taire. Je n'ai jamais compris pourquoi. Il ne s'agit pas de se plaindre, non, mais au moins de prévenir l'entourage, les collègues, les amis que si une personne est absente ou amoindrie ce n'est pas sans raisons. Pourquoi reste-t-il comme un vieux fond de honte avec la maladie ?

En plus que ça n'est pas rendre service aux autres. Par exemple j'ai longtemps ignoré que j'étais porteuse d'une anémie. Je me faisais engueuler par ceux qui auraient dû me prévenir, parce que je ne m'étais pas assez couverte (?!) et que j'étais encore enrhumée. Je sais aussi que lorsque j'avais une douzaine d'années mon père a été opéré de quelque chose au ventre. L'omerta fut parfaite : je n'ai pas su de quoi. Là où je travaillais un suicide aurait pu être probablement évité si l'on nous avait avertis que ce nouveau responsable venu d'un poste de haut niveau qu'il tenait en Italie était en dépression. Un suicide d'un ancien du service, celui-là mûrement réfléchi avec toute une stratégie : quelqu'un qui souhaitait vivre à fond et choisir son heure, avait eu lieu quelques jours auparavant. Au cours d'un déjeuner auquel j'ai eu la chance de ne pas participer, l'homme récemment arrivé s'est enqui de l'affaire, des détails, du procédé. Il a sans doute mesuré que la communauté de travail gardait estime au disparu et le pleurait. Lui-même n'en pouvait plus mais on l'ignorait. Après avoir quitté les collègues à ce moment d'après la cantine lorsque les liseurs passent à la bibli, les fumeurs au bureau de tabac, les mères de familles grapiller quelques minutes de soirée disponible en allant faire quelques courses au proche Monoprix, il était allé se jeter sous le RER A (1).

Alors voilà il ne s'agit pas de geindre ni d'en faire tout un plat, mais dire les choses avec les mots précis c'est ce qu'on peut faire de moins mal ou de mieux. De toutes façons tenter de taire c'est ouvrir la porte à toutes sortes de commérages, rumeurs et autres ragots. Il vaut mieux le dire quand quelque chose ne va pas. 

 

(1) Je crois bien que je revenais de quelque part, peut-être du métro Sentier près duquel était installée la discothèque (là où l'on empruntait des CD, pas une boîte de nuit) et que remontant ligne 3 vers Opéra j'avais entendu l'annonce de "l'accident voyageur" qui interrompait la ligne A. Combien il était étrange et douloureux de constater que l'inconnu accidenté n'en était pas un, en fait. 

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