Previous month:
septembre 2014
Next month:
novembre 2014

0 billets

Retour vers le passé du futur


    Et voilà donc qu'avec cette révolution au Burkina Faso déjà mutée en coup d'état, j'ai passé, malgré un travail sans trève, la journée à me débattre contre une sensation mentale d'être en 1987, que vers le soir, enfin ça allait mieux, j'étais de retour en 2014, sans trop de sensation de dé-réalité (1), que j'étais pleinement là pour communiquer avec ma petite famille sur le mode de retour - je cherche un vélib -, que toujours respectueuse de la consigne de la cycliste aguerrie qu'était (qu'est toujours ? À moins qu'elle ne soit passée au taxi) V. "En vélo dans Paris, il faut être attentive", j'étais concentrée sur mon trajet. Bref, j'étais bien vendredi 31 octobre 2014 de plain-pied. Ouf, sauvée (1 3/4).

Puis je suis arrivée au carrefour de la Porte Maillot. Lequel comporte des zones cyclables, certes un peu gymkhana, mais qui protègent du redoutable rond-point. Mais elles possèdent un inconvénient : un des feux rouges est fort long. J'y attendais donc, et regardais le paysage ; je savais avoir le temps.

C'est alors que j'ai vu sur la façade du Palais des Congrés, une immense affiche pour un prochain spectacle de 

CHANTAL GOYA

J'ai cru que j'étais réellement repartie dans les années 80 du siècle passé. Le vélib avec lequel je circulais, je sais leur mise à disposition datant de juillet 2007, m'a sauvée. Ça n'aura duré qu'une fraction de seconde de vaciller. D'être perdue dans le temps. Fractionnée.

Ce bref voyage digne des passagers du chronogyre, m'a rendue en rentrant consciente de façon plus aigüe qu'elle ne l'est déjà, de l'importance que l'écriture a pris dans ma vie, du poids des rencontres décisives (avec V., avec F.) même si elles se sont pour moi terriblement mal finies (2), de l'attachement à mes enfants (dont en 1987 j'ignorais l'existence ultérieure), de quelques très belles expériences qu'il m'a été donné de faire, du bonheur qu'est l'usage de l'internet, cette eau courante du lien au monde et des amitiés nées depuis.

Je n'ai donc pas été si malheureuse d'avoir été destabilisée. Il n'en demeure pas moins qu'ouvrant le petit livre de Sylvain Prudhomme que Frédéric Forte m'a conseillé, "L'affaire Furtif" et tombant d'entrée de jeu sur cette phrase 

"L'amnésie d'une époque n'a d'égale que la brutalité de ses réminiscences"

je me suis sentie, comment dire, en plein dans le mille concernée.

(ce petit bouquin promet)

 

(1) Celle qui est mon lot depuis la rupture subie en juin 2013. Heureusement qu'il y a les amis et les réseaux sociaux, je serais sinon comme un petit bouchon de liège flottant dans l'espace-temps. Bizarrement le boulot n'aide pas, séquelles des années d'"Usine" que j'ai traversées comme des plages de non-vie. 

(1 3/4) Pour les initiés qui s'inquièteraient, il est prévu que je vois lundi Simone. Par précaution.

(2) Et je suis pour l'instant incapable d'en faire quelque chose comme le "Pétronille" d'Amélie Nothomb. En partager les bons moments, et les drôleries, remercier au passage les amis (ce si bel hommage qu'elle offre aux amis de l'Astrée), m'arrêter à l'instant où je me fais flinguer. Garder pour moi les conséquences funestes.


Toussaint, en es-tu ?


Burkina_141030_01_458093484

 

 

Cette révolution au Burkina Faso et qui m'a prise au dépourvu - j'avais vaguement capté que Blaise Compaoré s'apprêtait à faire voter son droit à rempiler, j'ignorais que l'opposition fut (si) vive et donc voilà je suis au boulot, on interroge l'internet pour savoir qui a emporté le prix de l'académie française (1) et je tombe sur une brève qui dit Ouagadougou parlement en feu (ou la television, ou la mairie) puis un article qui stipule "Après 27 ans de pouvoir, Blaise Compaoré [...]" -, plonge le pays dans un chaos que l'armée a semble-t-il déjà préempté et ma petite personne si loin de là en espace et en temps dans un drôle d'état.

J'ai bien tenté de me la jouer, Mais voyons, c'est loin, tu n'y connais plus personne, ça ne te concerne pas, tu n'as jamais vraiment vécu là-bas - qu'une succession de séjours toujours trop brefs pendant deux ans, et dont tu passais la moitié, malade, au lit, cette santé fragile qui fut la tienne jusqu'à la quarantaine -, une simple phrase d'un flash d'infos "Tout va très vite au Burkina Faso", exactement l'une des mêmes que tu entendis autrefois, t'as replongée dans le passé, l'angoisse du temps d'alors, mon fiancé là-bas, tout près d'où ça se passe, et moi coincée à Paris toutes communications coupées, à en pleurer.

Prise par surprise par mon propre passé.

Et l'homme qu'il est devenu, qui sur place a eu certes peur mais un soir, et la journée d'après, puis comme les autres a attendu que ça se calme, tout en devenant champion au Trivial Pursuit, jeu en vogue en ce temps-là, les parties qu'ils enchaînaient dans le coin du campus où vivaient les expats pendant le couvre-feu, a pris lui la nouvelle avec une sorte d'amusement étonné, et quand même un étonnement dû à l'ampleur du temps écoulé - vingt-sept ans -.

Je suis, comme pour Florence Aubenas, celle à qui il n'est rien arrivé, celle qui est toujours à Paris, mais que ça a, à distance, essoré. Celle à qui ce qui est survenu a changé la vie, alors que rendu à son quotidien la personne principale, la personne réellement concernée, a poursuivi son trajet.

C'est curieux.

J'ai dû aller me coucher. Perdue quelque part au moi de mon siècle dernier, dans l'Afrique formidable telle qu'elle m'a été donnée, l'importance que ça a eu pour moi, la sagesse, l'appartenance à une même humanité et la force des femmes.

Ce matin, je croyais que ça allait mieux, que je m'étais calmée. Et puis j'ai vu cette photo. "Dad". 

À l'époque, celui qui travaillait pour le fiancé (il convenait d'employer au moins une personne sinon c'était refuser de participer à l'économie locale) s'appelait Pascal. C'était un homme discret, d'une efficacité stupéfiante, il donnait l'impression d'aller lentement mais effectuait tout très vite, j'imaginais presque un pouvoir magique lorsqu'il revenait de faire la lessive (à la main) tout propre tout bien et qu'il me semblait qu'il venait d'y aller. Moi très désemparée, ne sachant pas ne pas proposer d'aider, je ne sais pas avoir quelqu'un qui fait le travail à ma place fors qu'il soit de ma famille qu'on soit de la maisonnée. Un cuisinier hors pair.

Et voilà que lui était né, il s'était à peine absenté, était revenu quelques jours après avec un immense et bon sourire, un petit garçon. 

C'était un 1er novembre, ça sera son anniversaire demain.

Ses parents l'avaient appelé Toussaint. 

Toussaint doit avoir 28 ans si je compte bien. Puisque le coup d'état précédent en a 27 et qu'il me semble que sa naissance c'était l'année d'avant. Toussaint, s'il a grandi, si tout s'est passé bien pour lui est peut-être l'un des jeunes hommes que l'on voit sur ces images, et ses parents inquiets qu'il en soit.

Bon sang de bois.

  

(1) Adrien Bosc pour "Constellation"

PS : L'inscription sur le tee-shirt dit "DAD, you're my [mot illisible] I love you MAN" 

source photo : foreignpolicy.com (mais je n'ai pas su trouver le nom du photographe)


"La première fois que j'ai bu le vin sans eau [...]"


    L'inconvénient d'être libraire, c'est qu'il est parfois difficile de résister à la tentation surtout si l'on sait que le livre qui nous tente ne sera pas présent longtemps. J'ai ainsi craqué aujourd'hui pour "Les mystères du vin" de Noël Balen aux éditions Transboréal et qui ne coûtait qu'une heure de travail (1).

En commençant sa lecture dans la cafétéria de la BNF où je grignotte un morceau avant d'attaquer ma troisième journée (2), je suis restée en arrêt devant cette phrase qui m'a fait le coup de la madeleine, en plus liquide : 

"La première fois que j'ai bu le vin sans eau, ce fut avec mon autre grand-père, un montagnard [...]"

Elle suivait quelques paragraphes où les traditions de nos campagnes ou des régions viticoles étaient décrites, celles du moins concernant le vin et son initiation pour quelqu'un de ma génération. 

C'était un temps où les adultes, sauf contre-ordre médical qui les faisaient plaindre, buvaient par défaut du vin. On buvait à table de l'eau enfant, puis du vin. Quand un adulte au repas demandait de l'eau c'est qu'il devait prendre un médicament. Mon oncle Étienne faisait exception qui sujet à des migraines coupait le vin d'eau. Et pour quand les enfants grandissaient, pour peu qu'ils en manifestent l'envie, on en faisait autant pour eux.

Je crois que la première fois que j'ai bu du vin coupé d'eau c'était en Italie, un barbera ensoleillé de ceux qu'un de mes oncles rapportait en dames-jeanne de chez le viticulteur et qui était trop bon, si bon aussi pour la santé (ce qui se disait) qu'il eût été dommage que les enfants n'en profitent pas.

J'ai aimé ça. J'avais sans doute déjà cette particularité physique qui me permet de boire sans ivresse (3), je ne comprenais donc absolument pas pourquoi les adultes faisaient tant d'histoires pour empêcher les enfants de boire du vin - car le boire coupé d'eau n'était pas en boire -.

(Il faudrait qu'un jour j'établisse une liste de tout ce que je n'ai pigé que récemment, persuadée que ce que j'éprouvais ou n'éprouvais pas était la norme, la moyenne, alors qu'en fait pas ; entre autre avec l'énergie, je ne savais pas que c'était possible, adulte, d'en avoir trop et d'éprouver le besoin de la canaliser)

Je dois reconnaître que les adultes de mes deux familles paternelles et maternelles avaient la boisson maîtrisée, et si le ton et les rires en cours de repas montaient, je n'avais jamais vu parmi eux personne ivre. Ceux qui l'étaient c'étaient : à la bière d'imprévoyants ados et sinon les pères de famille qui après le boulot prenaient avec les collègues de trop copieux apéro (et donc : du pastis, des alcools forts).

Le champagne, quant à lui, faisait exception, les enfants avaient le droit de boire une gorgée, lorsque l'on trinquait. Il faut dire que le champagne n'était sorti qu'à l'occasion des fêtes, familiales ou générales et que le risque d'accoutumance était conséquemment léger.

On disait : les enfants, les jeunes doivent éviter l'alcool tant qu'ils n'ont pas fini leur croissance. Comme grâce à Giscard d'Estaing (4) on était majeurs à 18 ans, il était en gros considéré qu'à 18 ans on avait enfin le droit de boire comme des grands.

Je crois cependant que la première fois que j'ai bu du vin sans eau date d'avant, que c'était vers 16 ans à un repas de fête à Turin chez mon oncle Nicola et ma tante Paola, ou peut-être dans l'un des somptueux restaurants dans lesquels nous invitait mon oncle Piero, une de ces occasions où le vin proposé était trop bon pour être coupé d'eau et que j'en avais profité pour suggérer que je pourrais peut-être le goûter tel que.

Et je l'avais trouvé âpre mais je m'étais dit que probablement, plus tard, je comprendrais. qu'à un moment donné je deviendrai apte à apprécier des goûts comme ça, compliqués. Des goûts à plusieurs voix. Et j'avais déjà pigé depuis plusieurs années que l'on peut trouver une boisson ou un met divins dès lors que les circonstances qui nous le font découvrir sont des très bons souvenirs en cours de fabrication.

Pour l'heure, si longtemps plus tard, devenue amateure de whiskies, ayant moins d'occasion de goûter les grands vins, je suis reconnaissante à Noël Balen de m'avoir rembarquer dans l'Italie des années 70, la Bretagne ou la Normandie, ces moments de détente où la vie riait et l'avenir, pas notre avenir particulier, mais celui de toute l'humanité semblait plein de promesses et porteur de progrès. Paix et prospérité. La seule menace était la guerre froide, mais même ça nous avions l'impression que ça s'arrangeait (5). 

 

 

(1) Le hic c'est qu'à force d'acheter des livres qui ne coûtent qu'une heure de travail je cours le risque de vendre chacune d'elles plusieurs fois.

(2) La première étant l'intendance corporelle et ménagère, la deuxième celle de libraire, la troisième celle d'écriture et de lectures instruisantes. 

(3) Je n'ai guère eu qu'un peu la tête qui tourne pour mes toutes premières bières, mais la bière y était pour bien moins que l'amour. Je suis d'ailleurs restée fidèle ... à celle qu'il m'avait fait goûter - du moins lorsqu'elle est disponible -.

(4) Du moins c'est sous sa présidence que la majorité légale est passée de 21 à 18 ans, et si les adultes considéraient que c'était de la démagogie, les jeunes, eux, étaient ravis.

(4) Depuis que Nixon, qui avait quand même un méchant côté va-t-en-guerre, avait été contraint par l'affaire du Watergate à démissionner, on se sentait (presque) rassurés.


Un des plus beaux cadeaux qu'en mots l'on m'ait faits


    C'était en début de soirée une dame moins jeune que moi qui entrait dans son appartement dans lequel avec son assentiment je l'avais précédée, la porte étant restée ouverte ainsi que l'avait laissée la dame qui l'accompagnait, et qui a dit :

- Comme ça fait du bien de rentrer et de trouver la porte ouverte.

Madame, ça m'étonnerait que vous passiez du temps à flâner sur l'internet, mais sachez que tant que je serai moi-même, je n'oublierai jamais.  


Tabucchi par surprise

PA210010

  Le kiné m'a fait un bien fou. Je ne perds pas de vue qu'il s'agit d'une forme de soin palliatif, ce qui me manque est ailleurs ; mais ce mieux que rien est en fait beaucoup mieux que bien des pas rien.

C'est donc le corps allégé que je gagne la BNF, prête à en découdre avec l'écriture. Même si une fois de plus je devrais me contenter d'étudier - aujourd'hui Roger Leenhardt, très intéressant, malgré que la façon qu'avait la plupart des hommes de cette génération de considérer les femmes m'est devenue insupportable -, et d'écrire du bref, de bloguer. Décidément ma vie de la période est faite de demi-teintes, de limitations des dégats. Non sans panache, non sans éclats, mais si "en-dessous" de ce que je devrais faire. J'avais brisé mes chaînes mais d'autres ont remplacé ce qui m'entravait.

Sur le site de la Grande Bibli, j'avais repéré la mention d'une expo concernant Antonio Tabucchi. Je ne m'attendais pas à la voir, brève, dans une petite salle vers l'ouest. Puisque je la longeais, je me suis accordée le temps d'y entrer. 

J'ai enfin mieux compris pourquoi était légitime cette confusion que je fais parfois entre Pessoa et lui. Le lien est fort. Mais l'un avait un chapeau et l'autre pas ;-).
Les documents et quelques objets rassemblés sont émouvants, même si la présence de ces derniers dans quelque expo que ce soit, concernant le travail de quelqu'un, me laisse toujours un peu perplexe dès lors qu'elle ne touche pas directement à celui-ci. 

Je peux éventuellement être intéressée par l'appareil photo du photographe, qui m'apporte une indication technique sur l'outil ; mais pourquoi les lunettes de l'écrivain ? ce coupe-papier ? cet autre accessoire personnel non directement lié à l'écriture ? J'ai eu la vision d'une expo qui aurait F. pour sujet et de la montre qu'on y verrait. Ainsi que des lunettes qu'il s'efforçait de ne pas utiliser. Y aurait-il aussi ses tablettes de viagra ? (entre-temps on aurait trouvé bien mieux que cela).

L'exposition avait beau ne pas abuser de ce côté exhibition de l'intime, et être construite pour porter à connaissance de manière bienveillante, je m'en suis sentie génée.

Les courriers étaient pour beaucoup instructifs. Seulement là aussi, je me suis mise à la place de qui, tel acteur que je sais encore en vie, tel réalisateur qui pourrait passer là ..., verrait un mot pensé d'usage très personnel montré au grand public dès à présent ainsi. Là aussi, le tri était respectueux. Mais pour un autre auteur et sélectionné par des moins scrupuleux, il pourrait donner d'étranges résultats. Y compris un jour éventuellement pour moi. J'ai songé au délicat roman de Catherine Locandro, "Histoire d'un amour", à ce professeur qui découvre dans le journal 25 ans après les faits tout un pan de sa propre vie dont il ignorait certaines causes et qu'au grand public en même temps qu'à lui-même on dévoilait.
Demande-t-on leur avis aux personnes dont les mots sont cités ?

Avec les correspondances de contemporains, je ne suis jamais à l'aise. Cette sensation d'intrusion.

La voix intérieure moqueuse à alors suggéré : Et si c'était l'inverse qui advenait ? Je dois au moins pour aujourd'hui à Tabucchi de m'être mise au boulot sans tarder. La seule certitude est que le temps m'est compté.

 

PS : Ne pas croire malgré les réserves toutes personnelles que j'y mets que l'expo ne mérite pas le détour. Un homme d'ailleurs prenait des notes avec un sérieux parfait.


366 - Aujourd'hui attention particulière à ne pas faire

Mon problème étant plutôt de faire les choses malgré la fatigue, plutôt que ne pas les faire, je crois bien que la seule attention que j'ai portée sur quelque chose à éviter d'entreprendre aura été pour m'abstenir dans l'après-midi de me mettre à somnoler.

Je sais que mon bon sommeil est le garant de ma santé, mais à force de me prendre le temps que j'aimerais consacrer à l'écriture ou à un homme aimant, il me ... fatigue. 

 

366 réels à prise rapide - le projet 
366 réels à prise rapide - les consignes

141021 1745