Des amateurs de lecture l'isolement
16 septembre 2014
Longtemps j'ai lu pour tenir le coup, décompresser d'une vie que je n'avais pas choisie, dans laquelle tenter de s'en sortir, de joindre les deux bouts comme jadis on disait, était tout ce qui comptait. J'imaginais sans peine qu'il existait des castes dont les membres natifs choisissaient, mais j'ai pigé très jeune que je n'étais pas bien née et en plus une fille. Alors tu fais de ton mieux pour éviter le pire (le chômage, crever la dalle ou de froid, être à la rue, vivre passé 18 ans au crochet de ses parents (1)) et ça ne te vient pas même à l'idée de tenter de faire ce qui te plairait.
Il m'en reste d'être encore capable d'apprécier tous les genres et niveaux de lecture, de l'élémentaire divertissement aux œuvres expérimentales complexes auxquelles ces dix ou quinze dernières années ma passion mon addiction à la lecture m'a permis d'accéder. Tous les genres ou presque. Car il en est certains qui ne m'intéressent pas. Sur lesquels généralement je n'acrroche pas. Ce n'est pas du mépris, simplement de l'ennui. Par exemple, les romans en costumes (qui me semblent à quelque exception près artificiels, alors que les auteurs d'époque m'intéressent), certains types de SF guerriers, les romans de guerre, d'ailleurs mais à cause de Jean-Yves Jouannais, bougre de crapule, c'est en train de changer, et la chick-lit.
J'avais lu Bridget Jones en V.O. en amont du succès, trouvé l'affaire bien troussée, mais voilà pas éprouvé le besoin d'y revenir. Le tirage phénoménal m'avait surprise comme ça me le fait lorsqu'une œuvre (livre, film, musique ...) est sympathique si on la découvre inconnue, oubliée dans un coin, mais n'a rien d'un chef d'œuvre d'où que l'engouement semble hors de proportion. Et que souvent dans un tel cas les personnes qui arrivent en fin de vague se demandent Mais qu'est-ce que tant d'autres ont bien pu y trouver (2) ?
Ce qui fait que lorsqu'en juin ou juillet, une jeune femme est venue à la librairie pour demander conseil dans ce domaine exclusif et précis dans lequel elle était experte, je suis restée sans bonne idée. Une jeune collègue, plus proche du public concerné, est venue à la rescousse et la cliente a pu être satisfaite. Mais j'ai pris la résolution d'acquérir au moins quelques notions de ce qui dans ce domaine se faisait.
Il s'est aussi trouvé qu'en sortant de chez Raoul, j'ai entendu un homme jeune recommander dans ce domaine un titre à un autre. Il m'est resté, puisque c'était double- ou triplement surprenant, que des hommes jeunes et à l'allure de cadres dynamiques lisent, et plus encore de la chick-lit. Puis j'ai pigé : l'un d'eux au moins connaissait l'auteure.
Comme j'avais tout à apprendre je suis allée y voir. C'est à cette occasion que j'ai découvert un blog fort plaisant et qu'à défaut de lire l'ouvrage, je me suis mise à parcourir de temps en temps.
C'est ainsi que j'ai lu ce matin ce joyeux billet et qui m'a semblé dans son début si symptômatique de l'isolement progressif de ceux qui aiment lire, que j'ai eu envie de le partager (et puis accessoirement quand des clientes viendront s'enquérir de la date de sortie du nouveau Bridget Jones, à présent je sais et grâce donc à Marie Vareille je sais même à quoi ressemble l'auteure).
(1) C'était une tout autre époque, avec un simple bac en poche on pouvait encore trouver à s'embaucher. Et sauf exception c'était des CDI et non des CDD. D'où qu'une fois le job dégoté il était relativement facile de se loger.
(2) À la différence du chef d'œuvre qui dès le départ aura ses détracteurs (une œuvre forte fait réagir) mais ne décevra pas la masse de ses lecteurs ou spectateurs qui viendra après. Et pourra être lu, réécouté ou revu un grand nombre de fois, permettant à chaque passage de nouvelles découvertes.