Une traversée de Paris
19 juillet 2014
Je profitais d'être en congés pour aller suivre mon cours de danse. Mes horaires de travail me permettent encore d'y aller une fois par semaine mais pour progresser c'est deux qu'il faut. La matinée avait été, comme l'essentiel de ma semaine passée, occupée à ci ou ça de petites choses à faire, celles qu'on reporte parce qu'on n'a pas le temps mais qui à force d'être reportées nous posent un peu problème. Démarches, vérifications médicales, entretiens des objets et les lieux, (tentatives de) rangements.
Je n'avais donc pas suivi avant de filer vers mon cours, les informations. En arrivant au métro j'ai lu sur un écran d'information que le trafic était ralenti ligne 9 pour cause d'un incident voyageur. J'ai trouvé étrange qu'il ne soit "que" ralenti puisqu'hélas d'ordinaire l'expression désigne un suicide ou une tentative. Méfiante j'ai pris à Saint-Lazare la 14 puis la 8 à Madeleine. J'allais à Bonne Nouvelle. Le réseau des transports parisiens a ceci de bien qu'une ligne défaillante peut souvent être compensée par un autre trajet possible. Alors que je sortais j'ai entendu que "Le trafic est interrompu ligne 9 à la demande de la police pour une durée indéterminée". Je me suis empressée de relayer l'info sur ce que je pouvais (FB) avec mon téléphone rudimentaire : je savais que des collègues de cours risquaient d'être sur le point de la prendre, autant qu'ils prévoient aussitôt une autre solution.
Puis nous avons dansé.
Le club de gymnastique où les cours ont lieu est plus vide qu'à l'ordinaire. Difficile de déceler ce qui provient des problèmes de transport d'un changement de direction du club (des cours ont été supprimés les nouveaux ne sont pas arrivés) des absences de vacanciers.
Ce qui fait qu'à l'heure de partir nous sommes plutôt "entre nous" : personnes qui terminent qui la danse qui un entraînement personnel, téléphone éloigné ou éteint. Le rallumer après la douche pour d'éventuels appels personnels mais pas grand-monde pour se précipiter sur des infos. La station de métro est à deux pas, si c'est toujours fermé on le verra bien.
Et la ligne 9 est toujours arrêtée. Elle l'aura dont été au moins de 15h30 à 18h30.
Je reprends mon itinéraire de consolation 8 + 14. À Saint Lazare sans qu'aucune explication ne soit donnée la 13 est surchargée en direction de Saint Denis comme d'Asnières. Je dois attendre la 3ème rame (sans distinction de destination car je descends place de Clichy pour passer voir une amie) pour pouvoir monter. À la 2ème une jeune femme juste devant moi s'est pris les portes qui violemment se refermaient alors que ceux qui descendaient avaient à peine eu le temps de le faire. Des gens ont dû l'aider pour qu'elle ne reste pas coincée. Elle était la première de la file d'attente de ceux qui comptaient monter.
J'ai entendu les mots "manifestation" me suis souvenue qu'il était question de protestation contre les tirs de l'armée Israëlienne sur Gaza, cette guerre qui semble si inextricable, si permanente, si perpétuelle, si désespérante : parfois une période de paix calme relatif surarmée, puis ça recommence d'un côté ou de l'autre.
--- parenthèse ---
Je me souviens d'avoir pensé en 1995 quand Yitzak Rabin fut assassiné que tout espoir de paix était pour longtemps mort. Suis malheureuse d'avoir eu raison.
Par ailleurs mais pas si loin, il me semble qu'on n'a pas fini en Vieille Europe comme ailleurs de subir des conséquences de la chute de Mossoul devant les extrêmistes de l'EEIL. Je peux me tromper, n'ai rien lu ni su de concret, mais ils auraient récupéré à cet occasion quelque trésor de guerre (argents, armes ou munitions) susceptible de fournir des adeptes fanatisés dans le monde entier que je ne serais pas le moins du monde surprise.
Les extrêmistes me font flipper de quelque dieu qu'ils se réclament pour s'arroger le droit de tuer, d'opprimer et de décider pour les autres - jolis spécimens franco-français débusqués lors du vote pour le mariage pour tous par exemple -. Croyez en qui vous voulez mais laissez le reste du monde vivre en tranquillité, semble un message impossible à faire passer. Quant au fait qu'une femme ne vaut pas moins qu'un homme, pas même en rêve. Les monothéismes ne valorisent les femmes qu'en mères ou martyr(e?)s. À nous faire regretter les joyeux dieux de l'Olympe et leurs très humaines luttes, faiblesses, qualités, intelligences et mesquineries, parmi lesquel les femmes n'étaient pas en reste et elles aussi solides déclencheuses de calamités.
Je schématise, je sais. Vieille humaniste qui aimerait tant moins de guerres, plus de paix et que l'énergie des humains soit par exemple consacrée à trouver des solutions pour sauver ce qui peut l'être d'une planète que nous avons mise en danger (1).
(1) En même temps si on se détruit tous à force de conflits, la planète sera de facto sauvée. Les blattes pourront témoigner de l'étrange espèce qui avait tout abîmé.
--- fin de la parenthèse ---
Pour l'heure je descends place Clichy au son d'un message de service qui indique qu'à son tour la ligne 2 est interrompue à la suite d'"actes de malveillance". Je me dis que j'ai bien fait d'écouter "my inner voice" qui m'a déconseillée de remplacer la 9 défaillante par du 4 + 2 changement à Barbès. J'avais été tentée, un instant.
De la même façon qu'en sortant du club de gym j'avais trouvé les Grands Boulevards animés (c'est samedi soir) mais sans rien de perturbant [photo de ce billet], je trouve la place Clichy en plein week-end d'été, touristes et terrasses bondées.
C'est après être rentrée de mon rendez-vous amical en vélib sous une pluie légère que j'ai appris qu'une manif avait été violente et qui n'avait pas même fini de dégénérer, des images circulent qui ressemblent à une guerre.
Puis que l'étrange fermeture prolongée de la ligne 9 était due à un braquage qui avait failli très mal tourner.
À l'heure où j'écris j'entends encore des sirènes de police vers le périph. En nombre inhabituel. Manquent seulement les hélicos.
L'ignorance m'a valu de traverser dans le calme, avec de simples perturbations de transports, un Paris dont l'après-midi et le début de soirée ont été violents et agités. À très peu près j'aurais pu être candidate potentielle à la réception d'une balle perdue puis / ou arrosée de lacrymos sans même être venue manifester. Quelques centaines de mètres, un quart d'heure.
Si je n'avais pas eu mes amis pour réagir sur l'internet à ce statut où j'indiquais la ligne 9 fermée, j'en serais peut-être restée (soirée bien remplie de veille de départ en vacances) à vaguement me dire qu'il y avait eu une manif vers les Grands Boulevards.
Me rappeler de ce décalage entre la réalité générale, l'information qui en sort et le ressenti individuel de chacun qui sur place suit (si c'est encore possible) le cours de sa petite vie chaque fois que je lirai des sujets, des récits sur des conflits. Chaque fois qu'on me sollicitera pour témoigner de quoi que ce soit. On ne voit parfois qu'un morceau si partiel qu'il peut constituer un absolu contresens. Si je n'avais consulté ma messagerie, si je m'étais consacrée uniquement à mes bagages, la maison, les enfants et qu'on m'avait interrogée sur cet après-midi à Paris qu'aurais-je dit ?
Que c'était calme, qu'il y avait beaucoup de touristes, des soucis de métro, mais bon ça arrive, que c'était un beau et chaud jour d'été, un peu orageux en fin de journée. Je serais persuadée d'avoir eu une vue d'ensemble puisqu'ayant traversé presque tout Paris.
Alors qu'en fait il n'en était rien.
La vi(ll)e est quantique.