La petite ville s'est vidée
25 juillet 2014
Pour cause d'emploi retrouvé, on ne saurait s'en plaindre, puis du retour sévère des problèmes familiaux de santé, vous n'étiez pas revenu dans la petite ville depuis décembre ou tout début janvier.
Alors ça vous a frappé, tous ces panneaux "à vendre", "bail à céder", "à louer" qui se sont multipliés. On a pensé à un effet d'aubaine : une "zone d'activité", vous savez ces hangars des périphéries, près des premiers ronds-points d'un patelin, déjà existante s'est beaucoup développée et certains commerces voire des bureaux y sont allés.
Vous supposez que des exonérations fiscales ou de cotisations ou des aides sont associées à ces implantations. En attendant et par exemple ce garage qui occupait près de la place centrale une belle surface est remplacé par un vide persistant . L'emplacement du commerce que tinrent successivement tes grands-parents sert de simple vitrine de présentation (Ça me serre le cœur, grand-maman). On s'est dit qu'aussi des impôts avaient dû augmenter qui avaient précipité des décisions de relouer, quand laisser vide une maison qui ne coûtait pas grand-chose évitait les ennuis. Parce qu'il est certes logique que la génération de mes oncles et tantes et parents, peu à peu disparaisse, mais les familles maintenaient les habitations.
Que peut-être les Anglais qui avaient repeuplé la région depuis une quinze ou vingtaine d'années s'en étaient, c'est La Kriz, retournés.
Que c'était une impression fausse, que ces panneaux étaient déjà là, que vous ne les aviez pas remarqués parce que l'hiver le temps incite moins à se balader.
Puis un soir voulant saluer un oncle vous avez retrouvé un cousin. Qui lui aussi avait été frappé par cette évolution, lui qui vient plus souvent, qui est de la région.
Tu t'es souvenue que le village breton où tes amis ont trouvé leur havre de paix est atteint du même mal : des maisons vides ou rarement occupées, des "à vendre", des "à louer" ou autres floraisons de "bail à céder". Est-ce tout le fond du pays qui est en train de se vider, à force que le travail ne soit plus concentré qu'en grandes villes et que Paris aspire tel un tourbillon fatidique toute l'énergie vitale créatrice du pays ? Est-ce un effet des amortisseurs de crise qui auraient décalé la cause et ses plus visibles effets ?
Je n'ai aucune envie de rêver d'un retour à la terre, suis une citadine épanouie, ne supporte les vases-clos qu'en étant de passage, aime l'anonymat qui à mon sens protège. Il n'empêche qu'un pays fait de villes quasi-fantômes m'inquiète. Quelle est l'apocalypse que nous n'avons pas vue ? [photos : LHDP, juillet 2014]
addenda du 01/08/14 23h50 : Peut-être y aurait-il un lien avec ceci