À quelque chose (petit) malheur est bon
22 juillet 2014
Deux ou trois certitudes : c'est un dimanche, en 1981, juin ou dernier jour de mai, le lendemain lundi commencent les épreuves du bac général, philo (je crois que ça commence toujours par la philo ?) et histoire géo. Je lisotais un peu de mon bouquin d'histoire. En fait mes seules révisions avaient consisté à rattraper mon retard en physique, des cours qu'en février, malade, j'avais manqués - sans pouvoir jamais vraiment les reprendre / comprendre après -. Je savais que je manquerais de temps pour viser et réviser, j'avais donc choisi de combler mes lacunes et pour le reste d'essayer d'être en forme (mon problème éternel) et de faire sur ce que je savais. Une incertitude : j'ai l'impression que le film fut diffusé en fin d'après-midi et non pas en soirée, ce qui m'étonne un peu. Parce qu'à la télé, bon, il y avait LE film du dimanche soir et puis très tard un chouette film de ciné-club mais rarement regardable à cause du lundi et que le lundi on travaille ou on étudie mais on se lève tôt.
L'autre certitude dans mon souvenir c'est que c'est la musique du début du film qui m'a sortie de ma chambre (laquelle était contre la salle où se trouvait la télé). Merci Ennio. Et qu'ayant regardé deux ou trois images, j'ai éprouvé un irrésistible besoin de laisser mes cours d'histoire de côté.
Je suis tombée amoureuse d'Henri Fonda ou plus précisément je m'étais dit : si un jour je tombe amoureuse (ce que je jugeais peu probable) sans doute que ça sera d'un homme qui lui ressemblera. Je n'ai compris pourquoi que très longtemps après : c'est la silhouette mais pas seulement ; quelque chose dans l'équilibre du visage qui m'inspire confiance.
Et puis au delà du côté parodique du film m'est restée cette pêche du personnage de Terence Hill, sa façon de faire le clown tout en étant intelligent et très sérieux dans ce qu'il préparait me convenait.
Je me souviens à peine de la part épique l'homme censé être seul contre un nombre impressionnant de brigands, me reste l'accord entre eux, celui qui voulait se retirer, celui qui voulait se faire un nom.
Et surtout la petite histoire du moineau, de la bouse de vache et du renard. Grâce à la seconde qui ne ressemblait pourtant pas à un cadeau, le premier sera sauvé du troisième.
J'ignorais à l'époque que tout au long de mon existence je serais amenée à vérifier la véracité de l'adage que je transcris à la mémoire (pas retrouvé l'extrait) Qui te met dans la merde peut en fait te sauver.
Pour la photo, récemment, c'est ce qui m'est arrivé. Une sorte de cadeau par ricochet d'un mal qu'on m'a fait.
Ce dont je me serais néanmoins dans la vie fort bien passé serait d'avoir également si souvent vérifié la loi inversée : Qui te traite à merveille peut ensuite te mettre dans le plus grand danger (sans forcément l'avoir souhaité). J'en suis à quatre fois d'avoir connu ça, cinq en y adjoignant le mal que m'ont fait mes parents qui pourtant ne voulaient que mon bien, mais le voulaient trop bien.
Ça commence à me lasser. À me rendre épuisée. Désabusée. Le plus minant est d'avoir à chaque fois qu'on l'accorde en entier sa confiance abusée. Jusqu'à présent seuls les bons amis, de ceux qu'on aime beaucoup mais qu'on ne dérangera pas la nuit, ne l'ont pas massacrée : accordée raisonnable à mesure de la distance qui est. De tous les tout proches, les amours, les familiers, seuls deux ne m'ont pas déçue, m'ont toujours soutenue, n'ont en rien cherché à abuser de ma gentillesse, d'une naïveté que je ne sais éviter. C'est sans doute ça devenir âgée. Comprendre enfin que sur personne, pas même soi, on ne peut compter.
Tentons donc d'en rester à la loi première, de supporter, stoïque, les emmerdes, savoir qu'au fond elles peuvent aider et que le train qu'on rate est peut-être celui qui s'en va dérailler. Veiller à ne pas manquer les occasions de remarquer qu'à quelque chose malheur est bon.
[photo que techniquement je n'aurais pas pu prendre l'an passé, sans pour autant avoir démérité]