Le capitalisme expliqué à Maman (qui n'est pas douée en capitalisme, il faut dire)
26 mai 2014
De retour d'un peu de sport il faisait grand faim. J'ai donc chauffé à vrai four les tomates farcies que l'homme de la maison avait au préalable ce week-end achetées chez le boucher. Non sans les avoir effectivement quelque peu agrémentées et avoir préparé concomitamment un peu de riz. Le fiston vient se servir, va manger se régale et me remercie pour l'excellent dîner. Je lui dis, je n'ai pas fait grand-chose, j'ai simplement réchauffé.
Il me répond alors d'un air faussement navré, Maman, c'est le capitalisme. Il y a le type qui a fait pousser les tomates, le boucher qui avec la viande les as faites, papa qui les a achetées, mais comme c'est toi qui as préparé ce dîner, c'est toi que je vais remercier.
En moins de vingt ans il a pigé ce qu'en cinquante je ne suis toujours pas parvenue à intégrer.
(En fait mon cas est désespéré : quelle que soit l'activité j'aime être à la production des choses, à leur extraction, sur le terrain, dans le concret ; donc même en ayant conscience de me faire avoir, et à moins de me forcer à ce qui ne m'intéresse pas (paperassifier, communiquer, négocier, vanter), je n'y peux rien, je ne m'épanouis qu'en amont ; l'inoubliable sourire de Patrice Chéreau qui trimbalait un projecteur dans ce théâtre de banlieue pour un spectacle confidentiel qu'il avait mis en scène je crois par amitié, était celui d'un cousin; le bonheur qu'il y a à faire plutôt qu'à faire faire).