Se cogner aux limites
13 avril 2014
Par trois fois cette semaine je me suis cognées aux limites que l'anémie (bien soutenue par une inquiétude légitime et un chagrin qui l'est sans doute moins ; celui qui l'a provoqué le disqualifie) me met.
C'est une soirée - nuit que mes commensaux prolongeaient, et des plus remarquables, en la compagnie desquels j'étais ravie, mais voilà, il m'a fallu rentrer avant de tomber d'épuisement. L'âge m'a appris à écouter mes alarmes dans les cas où c'est possible (pas le travail, pas les moments où je dois assurer à tout prix) très strictement.
C'est une journée de boulot excellente, je crois avoir bien fait ma part et tenu le rythme et je m'effondre après, mettant pour rentrer autant de temps qu'un type qui aurait trop bu ; simplement je pédalais au hasard jusqu'à rechargement minimal de ma batterie interne, quelque chose comme ça, concentrée uniquement sur chaque tour de pédales ou de roues, sur les aléas de circulation, ne pas avoir d'accident ne pas tomber, on verra bien où je serai quand le malaise aura cessé (1). Finalement rentrée, j'ai pu assurer le le lendemain une autre grosse journée, dont je suis sortie indemne. En plus que cette fois-ci j'étais accompagnée. Je ne suis pas totalement seule dans l'adversité ; mais jamais non plus totalement épaulée.
C'est sur les conseils d'amis coureurs de fond souhaiter mesurer ma VMA. La bonne blague ! Réussissant à parcourir des distances honorables à force de ténacité d'entraînement, j'avais oublié qu'il ne sert à rien que je me compare à des performances moyennes de ci ou ça. Tentative d'effort en vitesse = petites étoiles parsemant le champ de vision et risque de perte de conscience. Les muscles, les articulations, la coordination et le cœur en bon vaillant petit soldat tout répond présent ... mais le carburant n'y est pas comme il faudrait, l'oxygénation vient à manquer bien avant que je sois à bout de souffle. Cette tentative de test m'aura simplement appris qu'un jour viendra peut-être où je serai capable de boucler des 10 km à 9 km/h mais qu'à moins d'un grand amour (heureux) ou d'un produit dopant (alors Panoramix, ça vient ?), je ne dois pas demander à mon corps davantage.
C'est compliqué d'avoir à écouter The Inner Voice who says : Ne tente pas de faire comme tout le monde, tu ne peux pas et tu le sais et par ailleurs la personne que je suis de cerveau et de caractère (d'esprit ?) et qui me rappelle que si j'ai une vie, certes pas drôle, mais passionnante très au delà de ce qui m'était assigné c'est parce que je n'ai jamais accepté de me laisser abattre et que l'anémie soit une excuse.
Entre les deux un chemin sage bien difficile à retrouver.
L'un dans l'autre je peux quand même me dire que si je les avais vécues il y a 20 ou 25 ans, je n'aurais sans doute pas su faire face à ces mêmes situations, prolongeant la fête à en être KO et pour les 4 jours d'après, craquant avant la fin de la journée de travail, ou allant droit au malaise de vouloir faire le test d'effort "comme tout le monde". Il ne faut pas que je m'attarde sur ce que ma vie a de foirée parce qu'il me manque toujours un petit quelquechose (en fait la bonne santé et d'être un peu jolie) pour être celle que l'on garde auprès, il faut que je mesure ce que je reste capable de "faire malgré". Et c'est loin d'être rien.
(1) C'est l'avantage de connaître la ville et d'avoir un sens de l'orientation à toute épreuve ou presque : je sais qu'où que je me retrouve je retomberai sur mes pieds. Même les moments d'égarement n'en sont pas.