Caos non tanto calmo
Un mot pour Charybde

Canards mystères

 

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Après avoir reçu ce que l'on peut considérer comme une bonne nouvelle et qui rendait inutile un déplacement vers Reuilly Diderot, j'ai donc pris le chemin de la BNF une fois libérée de librairie.

En fin de journée on croise dans La Grande Bibli plutôt des gens pressés : ceux qui y ont travaillé, lu, écrit, étudié tout au long de la journée et qui ont hâte de retrouver qui une petite famille, qui des potes, qui un conjoint ; ceux qui ont un gagne-pain par ailleurs et qui, c'était mon cas, se dépêchent de grapiller avant la fin de la journée quelques heures studieuses personnelles. 

Mais tout était très étrange aujourd'hui. Au lieu de filer, les lecteurs scrutaient le bois intérieur, l'air amusé ou attendri. "Je vais prendre une photo pour mes enfants !" s'est exclamée une dame. J'ai pensé que j'allais en faire autant sans invoquer le moindre prétexte, assumant mon attendrissement devant le spectacle séculaire d'une cane et de ses canetons. Ils étaient d'autant plus touchants qu'ils cheminaient en file indienne comme à la parade, rappelant certains jouets d'enfants - un ressort que l'on remontait et des petits canards mécaniques qui se dandinaient à la queue leu leu -.

Puis une femme a rompu le charme avec cette question de bon sens : 

- Mais, ils ont un plan d'eau ?

Et nous avons bien dû constater que le jardin du rez-de-jardin étant interdit d'accès aucun de nous n'en savait rien. Mais aussi en conclure que peut-être la présence des palmipèdes attestait de celle d'une mare, vers le milieu, là où des couloirs on ne peut rien voir.

Nous nous étions les uns et les autres suffisamment sevré de hâte, il était temps de revenir vers notre très humaine agitation. Chacun a donc repris son chemin sur ces considérations, non sans un dernier regard sur la petite troupe qui poursuivait son parcours.

Arrivée par la ligne 6, j'avais déposé mes affaires à l'ouest. Mais comme j'avais consulté un film en plus de mes lectures studieuses du moment, j'avais travaillé en salle P, autrement dit à l'est. Remontée par cet accès, j'ai donc eu quelques heures plus tard tout loisir de longer en rez-de-chaussé le jardin du sous-sol. J'avais donc sur lui une parfaite vue plongeante. Bien sûr les feuillages peuvent cacher des points d'eau, il n'en demeure pas moins que je n'ai aperçu aucun étang, pas même une mare. D'où pouvaient donc sortir cette cane et ses canetons ?

La BNF est décidément un lieu plein de mini-mystères. J'attends de pieds fermes les elfes et la licorne. Ou l'inévitable raton-laveur que l'absence de Jacques déçoit.

 

Ces derniers mois : un ragondin aux parc des Impressionnistes, un héron, sa femelle : à la BNF plusieurs fois des lapins. Des canards à présent. Le petit dieu de la vie vivante voudrait-il me faire oublier les absences qui semblent irrémédiables de Nelson et de Yéti, deux chiens que j'aimais bien mais dont la vie m'a éloignée (ce n'étaient pas les miens, aucun être vivant en dehors de nous autres humains ne pourrait survivre dans le chaos garni de livres qu'est devenu l'appartement ; et encore) ? 

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