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28/ 397 - Dans la vie en vrai

   

Depuis qu'a commencé cette jolie série imaginée par Franck Paul j'ai parfois du mal à écrire à partir des chansons d'Anne Sylvestre tant celles-ci me sont proches et que je ne vois pas trop ce que j'y pourrais ajouter. Par exemple si j'en avais eu le talent j'aurais pu et dû écrire : 

 

Mais on découvre en soulevant un coin de toile
Qu´on a raté la grande scène des amoureux
Qu´on sait pas se faire embrasser sur fond d´étoiles
Qu´on a sommeil et que le rôle est ennuyeux

 

Tellement c'est ce qui correspond à ma peine de ces temps (à ceci près que je n'ai jamais trouvé le rôle d'amoureuse ennuyeux, c'est plutôt moi qui ne suis pas assez attirante pour l'homme, à la réflexion).

Peut-être aussi qu'à l'inverse de la chanson, la vie me semble supérieure au roman. Même si la mienne penche vers le triste amoureusement, il est peu dire que ses péripéties en sont plus farfelues qu'une fiction. À tel point que si je devais les relater à plat, un récit simple sans fioritures, ni rien inventer mais rien non plus omettre, ça ne se croirait tout simplement pas. Les lecteurs diraient, quand même cette auteure, quelle imagination elle a, où va-t-elle chercher tout ça ?

Tout s'est passé comme si, depuis ma rencontre avec V. (1) et que je finisse sur son impulsion et sa suggestion par laisser l'écriture prendre place dans ma vie, un dieu paternaliste mais assez malicieux contemplant mon fil de vie s'était dit : Alors comme ça, on veut écrire ? On veut du roman ? On ne veut plus se contenter du métro-boulot-marmots-dodo pour lequel on était programmée ? Le football et le bâtiment, tu ne trouvais pas que tu en avais assez fait comme ça ? Tu l'auras voulu, femme trop atypique, prends ça ! et m'avait embringuée dans des péripéties dignes d'"Au cœur du temps". 

Le petit dieu des livres qui depuis le début s'en voulait d'avoir laissé mal se situer la naissance d'une recrue de choix a tenté de dire, Halte là, déjà il y a 40 ans vous me l'aviez piquée, celle-ci elle était pour moi, déjà que vous n'avez pas voulu qu'elle soit un gars, à présent qu'elle a enfin pigé, laissez-là moi.

Mais le petit dieu des livres par rapport au dieu paternaliste de l'organisation générale n'a que des pouvoirs limités. Alors pendant que ses collègues ne me font aucun cadeau, surtout celui de l'amour qui me fait probablement payer une malédiction ancestrale, je ne vois que ça, sinon pourquoi serais-je traitée si mal à chaque fois ?, il multiplie les coïncidences, les encouragements, l'aisance quand enfin les autres m'accordent une trève et que je peux à mon travail me consacrer. Les belles rencontres aussi. Les amitiés qui sauvent et empêchent de mourir ou de désespérer.

Au fond je ne rêve pas la vie comme c'est écrit, j'essaie d'écrire la vie qui surgit, les sentiments qui dépassent de trois têtes ceux des plus mouvementés romans, je me débats avec le personnage que les autres m'assignent, incarnant fort mal la méchante qu'on voudrait faire de moi - ça commence à bien faire, déjà par trois fois -, n'étant effectivement pour pas grand chose dans tout ce qui survient et tentant désespérément de surnager, puis survivre là où j'ai échoué.

 

Mais, dans la vie, mais dans la vie en vrai
Comme je t´aime, je t´aimerai
Que ce soit de loin ou de près
Ce que j´ai dit, le redirai
Et pour de rire et pour de vrai

 

car en amour, la marche arrière est très difficile à trouver, du moins si elle est imposée par celui qui s'est (il a trouvé mieux désormais et tellement plus sexy) ravisé.

Par rapport à la chanson, il n'y a guère que les voisins que je n'aurais pu mentionner : trop occupée à me débattre face à ce qui peut m'arriver, j'avoue ne pas m'en soucier, même si souvent je m'interroge : Mais comment font les autres pour y arriver ? en particulier vers les fins du mois et de relations primordiales et pour l'amour (mais jamais pour la natation).

J'aimerais tant me retrouver avec mon cœur au grand complet et le corps qui revivrait. Quand on est bien, je sais le remarquer.

 

Les paroles intégrales (ce billet n'a de sens que si on les connaît) : source Lyrics Copy


C´est vrai qu´on dit : "C´est beau la vie comme dans les livres"
On rêve de la vivre aussi comme c´est écrit
Mais c´est déjà bien assez compliqué de vivre
On écrit son petit chapitre et ça suffit

Si on insiste, on voit surgir entre les pages
Des sentiments qui poussent pas dans les romans
On n´est pas d´accord sur le choix des personnages
On n´est pour rien dans l´histoire, finalement

{Refrain:}
Mais, dans la vie, mais dans la vie en vrai
Comme je t´aime, je t´aimerai
Que ce soit de loin ou de près
Ce que j´ai dit, le redirai
Et pour de rire et pour de vrai

C´est vrai qu´on aime s´inventer comme au cinoche
On voit les plans bien découpés comme au ciné
Le scénario se déroule sans anicroche
Quand le mot "fin" s´allume, on n´est pas étonné

Mais on découvre en soulevant un coin de toile
Qu´on a raté la grande scène des amoureux
Qu´on sait pas se faire embrasser sur fond d´étoiles
Qu´on a sommeil et que le rôle est ennuyeux

{au Refrain}

C´est vrai qu´on pourrait même y croire comme dans le poste
Sûr qu´on pourrait se regarder à la télé
On pourrait tout chanter sans craindre la riposte
Et saluer sans jamais risquer les sifflets

En éteignant, on se sent un peu mal à l´aise
Et si on pleure, ce n´est pas en trois couplets
Sans le play-back on oublie tout jusqu´aux fadaises
On se retrouve avec son cœur au grand complet

{au Refrain}

C´est vrai qu´on dit : "C´est beau la vie comme chez les autres"
On rêve de vivre aussi bien que les voisins
On écoute facilement les bons apôtres
On admet que nos sentiments ne valent rien

Mais si on veut bien se pencher à la fenêtre
On voit qu´ils regardent tout aussi bien chez nous
Que notre vie leur donne des regrets, peut-être
Qu´on était bien et qu´on n´y pensait pas du tout

{au Refrain}

  

La chanson d'Anne Sylvestre : Dans la vie en vrai

Participation aux 397 chansons à prise rapide proposées par Franck Paul : 

explications collégiales par ici (par exemple) 
liste des chansons par là.

 

(1) La personne qui inspira le  Wytejczk des débuts de ce blog, puis sortit de ma vie, et à force d'éloignement de mon blog aussi.

 

Parfois il serait bon que je relise mes billets.

 

 

 


Les questions

Depuis ma saison de malheurs 2005/2006 je me retrouve avec perpétuellement en tête des questions que j'aimerais poser à ceux et celles que la vie me fait croiser ; histoire de ne pas retomber dans les mêmes pièges, de ne pas me retrouver confrontée aux mêmes dangers ?

 

2006 - 2008 :     - Combien de personnes avez-vous poussé au désespoir voire au suicide dans votre vie ?

2009 - 2013 :     - Depuis quand n'avez-vous pas fait (vraiment) l'amour ? (pour les femmes)

                  - Combien de femmes avez-vous séduites sans être capables ensuite d'assurer (pour les hommes) au point éventuellement de les rejeter une fois séduites avant même d'essayer ?

2013 - présent :   - Combien de personnes avez-vous dans votre vie escamotées, en les quittant pour quelqu'un d'autre sans même signaler à ce quelqu'un d'autre que vous aviez (déjà) quelqu'un ? 

(à ceux et celle qui m'ont quittée, malproprement, sans signe avant-coureur ni respect) : - Pourquoi suis-je à chaque fois celle qu'on interdit d'amour (après l'avoir séduite, attirée ou pour un cas embarquée dans une très grande amitié) ?

- Qu'est-ce que j'ai qui ne va pas (1) ? Pourquoi m'avez-vous rejetée comme ça ?)

            - (aux hommes) Mais c'est quoi ce truc avec la blondeur ? Qu'est-ce qui vous séduit dans ça ?

 

(1) À force, je me demande, quatre fois que l'on me quitte - ou tout comme - en préférence d'une autre, sans qu'il y ait eu conflit ; je ne sais pas ce qui cloche à part de n'être pas la belle blonde requise, mais est-ce que ça n'est vraiment pas possible d'être éligible si on n'en est pas ?


27/ 397 - Voleur mon beau voleur

J´habiterai, sans rechigner, 
La cabane du jardinier

Je ne peux m'empêcher en écoutant la chanson, de songer à l'amour, mon éternel voleur d'énergie, puisque les miennes finissent mal avant que d'avoir pu (fors avec le père de mes enfants, nous eûmes le temps du bon temps, entre deux catastrophes familiales d'attaques de sales pathologies et périodes de forts stress professionnels et galères financières) en apporter comme au début l'amour fait - j'ai oublié certaines sensations, mais cette force d'euphorie je me la rappelle bien ; en plus que j'y ai eu droit une fois qui n'était pas amoureuse : c'était en juin 2005 après la libération de Florence Aubenas et avant que ne rattrape l'évidence qu'il allait me falloir encaisser l'été sans nouvelles de ma grande amie, déjà accaparée par madame A. (mais pour moi, une amitié n'empêche pas l'autre, ce fut hélas le cas) qui lui fournissait du travail qui la passionnait ; et que pendant ce temps à mon travail, alimentaire celui-là, pas comme le sien d'écrivain, les choses s'étaient gâtées, mon engagement discret ayant déplu ou plutôt qu'il fût d'une telle discrétion. À une telle cachotière quelle confiance accorder ? Je devais lutter afin que les informations courantes me soient communiquées quand précédemment on me les fournissait.

 

Il est vrai qu'en amour ou très grande amitié j'ai tendance à me contenter de la cabane du jardinier. Il me suffit de savoir qu'on est l'un pour l'autre là, je n'éprouve pas la nécessité d'envahir le terrain ni d'en chasser les autres, tant que l'amour, ou l'amie intime, répond présent dans les moments parfaits que l'on peut s'accorder et sait qu'il peut compter sur moi. Quand j'ai la bonne santé je suis d'une grande fiabilité.
Pour descendre les poubelles je peux me contenter de mon petit cagibi : et l'écriture et l'anémie me rendent nécessaires des plages de retrait. Quelque prince charmant que vous soyez et quand bien même vous seriez si vaillant qu'à me désirer, je ne saurais être votre dulcinée à temps complet. Et je ne sais pas, ne saurai jamais, me mettre en beauté. Mi da fastidio. Non voglio fare finta di essere quelle che non sono. 

C'est alors qu'arrive une blonde - sauf madame A. qui est brune comme moi, et ne pouvait en rien savoir de quelle autre amitié la sienne sonnait le glas - (ah non tiens, ce n'est pas dans cette chanson là, mais c'est à chaque fois dans ma vie) et qui prend tout le temps, et l'amour et l'esprit de celui qui tenait tant d'importance dans ma vie. J'accepterais volontiers le polyamour seulement voilà les blondes n'aiment pas, et mes amoureux une fois hameçonnés n'aiment plus qu'elles. Exit la petite Gilda dont le prénom est sexy mais elle pas. Alors on m'efface (1) et comme je n'aime pas à moitié je reste longtemps effondrée, cramée du feu mis à la maison par celui qui s'en est allé avant que notre relation n'ait perdu la moindre intensité. Simplement, coup du loup et plantée là comme une première femme de John Lennon sur un quai, je n'ai plus qu'à soupirer en mattant les photos de la fine propagande de Barack Obama (2)

Voilà pourquoi pour moi, l'amour est un voleur. Un voleur de forces, un voleur de bonne humeur, un voleur de confiance en l'humanité (3) et même depuis quelques années un voleur de mémoire in fine.

Voleur, voleur, laisse-moi désormais en paix, je n'ai que trop rudement morflé. Ou alors accorde-moi aussi réellement tes bienfaits

 

(1) Sauf en pratique une fois, mais la rupture dite a été ressentie et l'amour a morflé, presque autant d'énergie volée que si elle avait pris un tour plus concret.  

(2) Remarquez l'habile manœuvre pour faire sauvegarder ce billet par des instances extraterritoriales et que ne sauraient intimider d'éventuelles réactions froissées d'ex-#MaGrandeDiva 

(3) Sauf dans un cas où le quitteur fut respectueux, logique et courageux.

 

La chanson d'Anne Sylvestre : Voleur mon beau voleur 

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26/ 397 - Patron !

 

Cette chanson m'a fait revenir un souvenir de CM2 (ou CM1). Notre institutrice, madame Banissi, qui fut de ces professeurs qui comptent dans la vie d'un enfant qui veut s'en sortir, nous laissait interpréter des scènes des pièces de Pagnol sur certaines périodes en lieu et place de récitations. 

Avec mon amie Nathalie qui faisait du théâtre en pour de vrai dans une troupe amateur, nous jouions la scène du Pitalugue. Comme j'imitais bien les accents, je faisais César (ou à la réflexion un des autres gars du coin) et elle monsieur Brun. 

Et j'ai encore tout vivace cette façon dont je disais : 

- Le Pitalugue, ce grand canot blanc ? 

(avec un an-ne au lieu du an)

et le "Dès qu'il a la quille en l'air, il s'arrête".

Du coup c'est à un bateau que je songe quand j'entends la chanson Poisson Patron ! 

 


La chanson d'Anne Sylvestre : Patron !

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25/ 397 - Prudence

 

Si j'avais de l'argent actuellement j'épargnerais, je me renseignerais sur les immigrations possibles dans des pays en phase ascendante où il y a du pain sur la planche, où les femmes ne sont pas que des hommes de catégorie B dont les premiers disposent sur leur échiquier (il doit bien y en exister ?). Je quitterais la vieille Europe aux populations désormais craintives et raccornies qui sont prêtes, par peur de l'Autre bien attisée par des politiciens sans scrupules, à scier la branche sur laquelle elles sont assises et voter n'importe comment jusqu'à une prochaine dictature comme on en connut dans le temps. Je filerais d'ici. Avant 2017 et des élections, qui au vu de la déception que nous offre ce gouvernement-ci et de la radicalisation épouvantable que présente son opposition, risque d'offrir un boulevard aux partis de la haine et de la régression.

Je partirais par prudence. Car je suis trop vieille pour lutter et que mon héroïsme est faible ; mais pas ma lucidité. Qu'aussi pour la connerie des autres mes parents et grand-parents dans deux pays, des deux côtés, ont déjà tant donné.

(Et pourtant je sais nager).

 

La chanson d'Anne Sylvestre : Prudence !

Participation aux 397 chansons à prise rapide proposées par Franck Paul : 

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liste des chansons par là.


Brin d'espoir (l'indispensable)

 

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Ces photos ont failli être perdues : je les avais "développées" de l'appareil sur l'ordi puis effacées du premier, lorsqu'en chargeant celles du lendemain, j'avais par mégarde saturé la mémoire du bon petit outil ou du moins quelque chose dans la bibliothèque iPhoto, crash général, fichiers images écrasés. 

J'avais dû dégoter un logiciel de repêchage et le 9 octobre (notre sortie datait du 30 septembre) récupéré les jolis fantômes que dissimulait la carte mémoire de l'appareil photo, puis mis l'ensemble sur un disque dur externe ... par la suite été trop prise par ma drôle de vie, la période très intense des fêtes à la librairie, l'hiver 2012/2013 qui n'en finissait pas, le chagrin d'une rupture subies puis le chômage, histoire que tout soit en phase et que je puisse en plus pleurer du doute insidieux qu'il y ait eu un sombre lien de cause à effet, d'avoir été jetée dans ma vie affective parce que ne pouvant plus être d'aucune immédiate utilité pour qui avait rencontré quelqu'un d'autre mais pour me l'avouer avait trop tardé. 

Il aura donc fallu cette période doublement chômée pour que je puisse revenir travailler ces images, et retomber sur ce brin d'espoir. Il s'accrochait contre toute attente au bord du fond d'un bassin.

Tant que la mort ne met pas de point final, rien n'est jamais perdu. 

PS : l'ensemble des photos accessible sur flickr. Attention, set brut de décoffrage, non trié. 

 


Versailles après le coup d'état ?

 

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Charmes consolatoires d'effectuer certaines tâches très longtemps après, ces photos de septembre 2012 que je traite actuellement (sauvegardes, tri, éventuelles publications), n'auraient sans doute à mes yeux pas eue la même couleur, en tout cas pour celle-ci, si je ne les avais considérées juste après un week-end qui aura vu un soulèvement populaire avoir raison d'un régime pas si loin d'ici.

Du coup cette photo déjà prise dans l'idée de cueillir pour ma collection une nouvelle apparence trompeuse (presque personne dans le champ alors qu'en réalité tant de gens) revêt une tout autre potentielle signification.

[photo : Versailles, parc du Château 30 septembre 2012]


De la résistance envers ou la révérence excessive, jusqu'à la normalité (le rapport à la médecine)

 

"J'avais hérité de mon père ce détachement vis-à-vis des problèmes de santé. Plus encore que d'un détachement, il s'agissait de méfiance, d'hostilité à l'égard de la médecine et des médicaments. Il me faudra des années même adulte, même loin du village de mon enfance, du monde qui m'a créé pour accepter de prendre des médicaments. Aujourd'hui encore, je ne peux m'empêcher d'éprouver une sorte de répulsion à l'idée d'ingérer des antibiotiques ou d'appeler un médecin."

Édouard Louis, "En finir avec Eddy Bellegueule" (Seuil, 2014, p 124)

 

*        *        *

 

J'avais compris depuis quelques lustres que la réticence de mon conjoint à la médecine était lié à sa vie d'enfance, son milieu d'origine, une sorte de superstition que si vient le médecin c'est qu'on est mal barrés. Dans son cas, ça n'était pas tant une question de virilité, les femmes non plus ne consultaient pas ou alors à cause des grossesses je crois, et ma belle-mère si elle n'avait longtemps enduré des douleurs sans se plaindre ni penser qu'elles n'étaient pas dues à l'âge qui venait, aurait peut-être pu obtenir un sursis vis-à-vis de la maladie qui l'a emportée, mais parce que c'était des sous, même si ensuite remboursés et parce qu'il y avait quelque chose de honteux à n'avoir pas la pleine santé, un vague relent d'ancienne religion, au demeurant abandonnée, que la maladie est un châtiment mérité. Grâce au roman je comprends mieux.

Chez mes parents c'était le cran d'avant (ou d'après, mais bref, une étape ultérieure) : on est malade, on voit le docteur. Ou peut-être pas pour soi mais au moins pour les enfants. Pour les enfants on fait tout bien, les dents, les vaccins, de la rééducation pour le dos et même pour les pieds plats (?!). Mais le rapport à la médecine dans les années 60 et 70 n'est pas non plus normal. C'est un rapport comme je l'imagine autrefois (1) envers Le Prêtre. Un rapport de révérence excessive. On dit Bonjour Docteur, Bonsoir Docteur. Merci beaucoup monsieur le Docteur. Et si parfois on se permet de diminuer les posologies (2), on respecte tout à la lettre comme un rituel enrobé de magie. Au point d'en prendre quelques risques comme par exemple ne pas oser interrompre avant d'avoir revu Le Docteur (gare à toi si c'est le week-end et que les consultations reprennent le mardi) l'antibiotique qui est en train de provoquer le gonflement dangereux d'une spectaculaire allergie. Ou priver de natation un enfant qui s'enrhume facilement mais continue de s'enrhumer sans piscine tout autant, le chagrin en plus de ne plus nager. Mais monsieur Le Docteur, qui était tout simplement un homme qui n'aimait pas le sport et n'en pratiquait pas (prototype parfait du bon bourgeois très gras), avait dit. Ça ne se discutait pas.
Là aussi il y avait une notion de Tu es responsable de ta maladie mais beaucoup moins sur le plan d'un lien de cause à effet moral (non, monsieur n'a pas développé cette pneumonnie parce qu'il a menti à madame et voit quelqu'un d'autre ; non, ce cancer ne vient pas d'avoir dilapidé aux courses l'argent du ménage) et beaucoup plus pragmatique : Cette angine c'est Ta Faute parce que tu n'as pas mis de cache-col ni de bonnet. Ce voisin a le cancer du poumon parce qu'il a fumé. Cette indigestion (3) c'est parce que tu as encore joué au foot sous la pluie et que tu as pris froid à l'estomac (#WTF dirait-on aujourd'hui). Quand j'ai eu le malheur d'attraper la rubéole alors que ma mère qui pensait ne pas l'avoir eue attendait un bébé (4), j'ai dû essuyer quelques reproches (en plus que je me sentais terriblement coupable du fait qu'à cause de moi ma mère devait subir des piqûres) sur un mode Quand même à l'école tu aurais pu te laver les mains.

J'ai eu la chance, jeune adulte, d'avoir affaire à de jeunes médecins qui à l'instar de Martin Winckler, avaient avec leur métier et les patients un rapport simple et sain. Et la malchance productive d'avoir un premier gynécologue moyennement compétent (5) qui pour une histoire de cholestérol m'avait envoyée chez un nutritionniste qui m'avait conseillée en dépit du bon sens. J'ai donc semé très vite cette sacralisation excessive du pasteur médical. 

Pour l'homme de la maison et sa réticence à la médecine, ce fut plus long ; à traiter des symptômes récurrents par le mépris, il a échappé de peu en 1997 à de grosses complications. Mais ça va mieux à présent. Grâce en particulier à un bon médecin de famille qui sait s'y prendre avec ses patients. Un de ceux qui aiment leur métier et n'ont probablement pas choisi par hasard de l'exercer en banlieue au départ populaire (6).

Nos enfants ont une relation normale à la médecine, la fille carrément proactive, le garçon parfois tardant trop à prendre en compte un symptôme mais non pour cause de rejet du médecin, plutôt par zénitude excessive et flemme de se rendre à la consultation - il a un peu tendance à se soigner à coups de C'est rien ça va passer ; mais il y va quand il faut y aller -.

Il semblerait donc qu'une génération soit nécessaire lorsque l'on vient de loin socialement pour parvenir à une rapport aux soignants et aux soins sans troubles, efficace et fructueux (et pour le patient et pour le praticien) - et je ne parle même pas du recours à un(e) psychothérapeute qui est un pas plus compliqué (deux générations si besoin est ?) -.   

 

 

(1) ou hélas encore de nos jours dans certains milieux intégristes

(2) Ce souci terrifiant de l'économie (dont je ne suis pas tout à fait libérée, mais pour la médecine, si) qui consistait par exemple dans une recette de gâteau à mettre 3/4 de sachet de levure - vous savez les petits sachets roses, peu chers et si petits - et cinq œufs au lieu de la demi-douzaine.

(3) Oui en ce temps-là on n'avait pas encore de gastro mais des indigestions ou des crises de foie.

(4) En ce temps-là on ignorait le sexe des bébés tant qu'ils n'étaient pas nés.

(5) Il m'avait annoncé que j'aurais probablement le plus grand mal à avoir des enfants. Étant donné que les miens sont venus vite et facilement, heureusement que j'ai tenu quand même à prendre une contraception sinon je n'aurais probablement pas pu terminer mes études.

(6) Elle l'est moins maintenant. Il faudra qu'une prochaine fois je lui demande si lui aussi a cette impression d'avoir déménagé sur place.