366 - Aujourd'hui ce qui ne fonctionne pas
Alors pour une fois que je voulais écouter vraiment je me réveille trop tard

Un an après, et se dire : tout ça ne comptait donc pour rien pour toi ?

 

C'était que de passage à Paris pour ton travail et malgré qu'une vieille amie que j'aime beaucoup t'accompagnait (1) tu tiens à ce qu'on se voie.

Nous partageons une assiette de foie gras. Tu lui expliques combien pour le nouveau petit roman dont tu nous fait admirer la jolie couverture, qui donne envie, j'ai compté. Mes messages au bon moment pour te donner l'élan. Ma connaissance du cimetière de Dieweg (et qui comptait dans le fait que j'aie encouragé).

Au moment de partir tu as oublié que je ne prenais pas le train avec vous. Ces limites idiotes du manque d'argent : riche et sans contraintes de travail avant le lendemain 14h, je serais montée sans aucun souci d'aucune pénalité, régler ça tranquillou en allant voir le contrôleur. Dans la dèche relative mais suffisante l'idée de monter sans billet, l'idée d'aller en prendre un ne m'effleure même pas. Et comme je sais ta situation tout aussi difficile (2), ça ne m'effleure pas même non plus que je peux monter et que tu m'aideras. D'ailleurs tu ne dis pas Viens, mais nous nous saisissons les mains et nous embrassons.

Tu as pensé à m'apporter de la Pasta Speculoos Crunchy te souvenant qu'un jour je t'avais dit que c'était bizarre, qu'en France on ne trouvait que la simple (qui m'indiffère) et jamais la Crunchy (avec des vrais morceaux de speculoos dedans, et qui me régale). J'ai si peu l'habitude, à part certaines très bonnes amies, que l'on pense ainsi à moi, qu'on se rappelle d'un petit truc que j'ai dit qui [me] manquait pour en faire un cadeau attentionné, que j'en ai presque pleuré.

En fait c'est un peu comme pour les photos : je suis celle qui les prends, pas celle qui y figure. Sauf que pour les photos je préfère ça. Alors que pour les cadeaux, cette réaction que j'ai eue en ce lundi d'hiver très froid me fait comprendre que quelque chose me manque parfois. [Heureusement qu'à ce Noël, l'homme de la maison m'a fait à son tour un petit présent comme ça, un cadeau de bonne mémoire et d'avoir écouté l'autre]

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Peut-être aussi que le froid a joué, pour m'empêcher d'avoir la réaction sauvage et salutaire qui eût pu changer le cours des choses. Je tiens debout avec peine, couverte de quatre épaisseurs de vêtements, engoncée malgré le secours de la doudoune ultra-light japonaise, et qui sert de doublure à ma veste d'hiver, elle-même chaude à la base.

Mais voilà je reste à quai et quelques mois plus tard quand il s'agira de chercher les livres pour les diffuser, je n'aurais pas l'argent du voyage et tu ne me proposeras pas de me l'avancer, alors je ferais le simple coursier, à la maison d'édition. Un peu déçue quand même, mais sans aucun soupçon.

Et plus tard, en février, j'accepterai de me débrouiller pour la présentation du premier roman de ton auteure italienne, et l'assurerai en juin malgré que tu as attendu quelques jours avant pour m'annoncer que j'étais désormais celle de trop. Et je le fais alors qu'en morceaux, mais voilà ni l'amie libraire qui nous accueille, ni la jeune femme écrivain n'y sont pour rien, elles n'ont pas à pâtir de ta désinvolture, et que je me sois laissée si facilement manipuler.

Moi qui suis quelqu'un de stable dans mes sentiments, même quand survient la passion, j'ai du mal à comprendre que quelque chose qui a eu lieu et durait depuis longtemps, très peu de temps plus tard soit déjà atteint d'une absolue péremption, en quelque sorte gommé entièrement (3). Et j'ai du mal d'avoir perdu d'un seul coup sans l'avoir vu venir l'intégralité du plus beau de mon existence de ces derniers cinq ans. Même si rien n'était simple puisque pour toi seul le fait de séduire importait et pas celui d'ensuite d'assumer au moins a minima les conséquences du trop facile exploit.

 

(1) Ta phobie des déplacements est-elle si forte qu'il te faille à chaque fois du monde autour de toi ?
(2) À moins que ce ne fût un mensonge ça aussi. Après tout, le doute désormais est permis pour chaque chose.
(3) cf. le très beau film de Michel Gondry Eternal sunshine of the spotless mind sauf que ça serait l'autre qui déciderait de tout effacer, celui qui nous a quitté(e).

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