La Coccinelle abandonnée
366 - Aujourd'hui tentative de liberté

Einstein on the beach

 

J'ignore pendant combien de temps la video qui suit restera disponible, mais pour ceux et celles qui n'ont pas eu la possibilité de venir au spectacle, cet aperçu est beaucoup mieux que rien. Même si l'écran ne permet pas de ressentir l'envoûtement qui nous prend si l'on est réceptif et présent dans la salle.

Bientôt 24 heures depuis que j'y étais ... et j'y suis encore. Seuls les Éphémères au théâtre du soleil en 2009 m'avaient fait cet effet-là. 

Je n'ai pas envie de rompre l'enchantement. J'aimerais qu'il me soit donné de rester encore un moment dedans.

  

Dans les deux cas j'y vais grâce à des amis (je crois que ça n'est pas neutre, que ce n'est pas comme si j'avais par un effort de volonté personnel choisi d'y aller), dans les deux cas je suis sous l'emprise de deuils qui n'en sont pas (je connais la différence) mais s'y apparentent (ruptures brutales subies (1)). Je parviens cependant à faire le vide des pensées obsessionnelles qui nous travaillent en pareils cas, le spectacle dès le début aide qui est d'emblée fort, juste étrange comme il faut. Il devient très vite captivant et je me laisse embarquer et se produit alors une forme d'hypnose qui [me] permet enfin de décoller de la réalité, coupante pour moi sur la période. Qu'aux qualités intrinsèques de l'œuvre s'ajoute une forme de soulagement, la magie du long spectacle me permet enfin de sortir du chagrin (2) et de façon durable, alors quelque chose de très profond se détend et je passe sous l'emprise de l'émotion artistique. Et si ça fonctionne c'est parce que c'est long que l'œuvre ne nous laisse pas tomber si vite que juste le temps d'une simple histoire. Ce qui fait qu'au jour d'après, voire un peu aux jours suivants, l'effet s'estompe mais il demeure et le chagrin (ou autres tracas, tout stress puissant qui nous pollue l'existence) se trouve tenu en respect au lieu qu'à son ordinaire il prenne tous les droits, en particulier ces très pénibles ressurgissements aux moments les plus inopportuns. Si aujourd'hui (au lendemain du spectacle, donc) j'ai pleuré c'était par pur souvenir des moments de grâce.

Je suis persuadée qu'en cas de maladie incurable, ces spectacles longs et envoûtants, tant qu'on a encore assez de santé pour y assister (3), peuvent aider. Culturo-thérapie ?

 

PS : Il n'est sans doute pas non plus neutre que ces deux spectacles soient de types à mouvements essentiellement lents. Les performances "énervées" m'épuisent et ne me réussissent pas, même si j'admire quand même parfois (cf. Pippo Delbono, Angelica Lidel). Et ne me guérissent de rien, bien au contraire.  

PS' : Je n'ai pas le bagage ni les références culturels suffisants mais ne serais pas surprise si quelqu'un de mieux instruit m'expliquait que ce principe des lentes et longues répétitions avec légers décalages et ainsi progressions un peu comme avancerait une chenille, est inspiré de tels ou tels chants et danses ancestraux (les danses de guérisons qui accompagnent les cérémonies au cours desquelles sont élaborées les peintures de sables Navajo ? des pratiques de longs chants et danses en Indes ? des opéras traditionnels chinois ou que sais-je) et juste occidentalisé au point qu'il faut pour que de vieux européens (ou des USAméricains) puissent être entraînés, absorbés, emballés par ces mélopées. Le résultat, quoi qu'il en soit, fait par ici son effet parfait.

 

(1) Je veux dire : pas comme des ruptures après long pourrissement d'une situation ce qui fait qu'au moment du point final il reste déjà des deux côtés peu de choses d'un sentiment qui comptait tant. Il s'agit au contraire de cas de figures dans lesquels, (trop) naïve, je ne vois rien venir et du jour au lendemain un proche très primordial et depuis cinq ans ou plus, me fait part de sa désaffection et soudain c'est fini.

(2) Ce que le sommeil ne permet pas tout à fait puisque plus souvent qu'à mon tour je rêve du ou de la disparu(e). Et l'ivresse encore moins puisque je ne la ressens pas. 

(3) C'est quand même physiquement un peu éprouvant. Comment font les participants ? Et qui enchaînent plusieurs dates ?

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