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Des rhumes et d'un canard (sauvages)

 

D'accord il y avait eu cette pénible "crève de cinq heures" en décembre qui me laissait l'esprit (et le nez) libre en journée et pendant environ cinq jours me tomba dessus tous les jours à l'heure du thé et me gâcha copieusement les soirées. Mais au fond ce n'était rien. 

Le vrai rhume de cet hiver, voire d'une force quinquennale, j'en ai heureusement très rarement des comme ça, je viens de me l'attraper cette semaine, avec quatre jours de fortes fièvres - elle n'est réellement tombée qu'hier soir en rentrant, ne baissant depuis lundi que lorsque je me truffais de paracétamol et autres secours, remontant au bout de trois heures, me laissant même une nuit absolument trempée de sueur et secouée de grelottements -.

Ce qui a été particulièrement étrange, c'est cette capacité qu'il a eue de me saisir d'un seul coup, tout juste au retour dimanche matin d'avoir couru, ai-je eus quelques toussotements. Puis au cours de la belle représentation théâtrale à laquelle j'assistais dans l'après-midi, quelques tentatives de toux, vite réprimées. Le nez qui un peu reniflait mais je me suis simplement demandé si je n'avais pas un peu pleuré. Rien de décisif ou suffisant pour m'alarmer.

 

Il s'agissait du "Canard Sauvage" d'Ibsen au théâtre de la Colline. Quelque chose dans la pièce n'était pas sans humour, ou qui portait à rire car les us et coûtumes ont quelque peu changé (ouf pour les femmes) depuis 1884, et que ce qui pouvait paraître scandaleux et répréhensible alors (qu'une jeune bonne soit considérée comme bonne à tout faire au sens littéral par son employeur) l'est désormais d'un autre point de vue, à savoir qu'au moins la femme n'est plus tenue coupable des privautés à son encontre exercées (1), ni tenue pour pécheresse quand c'est l'homme qui a quelque chose à se reprocher. Certains passages paroxismiques de la pièce peuvent alors de nos jours être perçus comme tirant plutôt sur le comique alors qu'ils furent peut-être écrits sur un mode de drame strict. J'avoue qu'à plusieurs reprises en entendant le public rire moi incluse (2), je me suis posée la question.

La mise en scène plutôt intelligente, en tout cas qui n'était pas décevante comme parfois peuvent l'être celles du théâtre contemporain qui se croient obligées d'en rajouter par rapport au texte afin d'y mettre une patte actuelle, parfois bienvenue, souvent calamiteuse (3), jointe à une interprétation de grande qualité donnait un bel ensemble. J'étais heureuse d'être là.

Mais il se trouve que le personnage d'Hedwig, l'adolescente que son père soudain rejette pour un motif qu'elle ignore, m'a profondément touchée. D'une part il était joué avec une crédibilité impressionnante par Suzanne Aubert (4) qui avait quinze ans, l'adoration affectueuse que l'on peut avoir (si, si) ado pour des parents qui se montrent attentifs et bienveillants et qu'on aimerait les rendre heureux en retour, parce qu'aussi dans sa tête on se sent un peu grands et qu'on voit bien que maman est triste, qu'elle travaille trop, et ce pauvre papa dans la difficulté lui qui a de grands rêves pour un quotidien si restreint. 

D'autre part ce moment où son père la rejette soudain alors que de son point de vue personnel rien n'avait de raison de changer, ce sont des choses que les adultes entre eux se sont dites qui ont modifié la perception de son père mais elle n'a rien, strictement rien à se reprocher, m'a fait violemment revenir les souvenirs d'une rupture : l'homme avait rencontré quelqu'un d'autre, je l'ignorais, mais voilà qu'à mon égard il avait totalement changé d'attitude, prêt à la dispute pour un rien, au bord de l'invective, me reprochant mes habituelles attentions que la veille encore il semblait apprécier. Et comme la gamine vis-à-vis de son père je m'étais retrouvée à gémir Mais qu'est-ce qui t'arrive ? Mais qu'est-ce que j'ai fait ? (5). Ce désespoir de la désaffection brutale sans cause apparente, je ne le connaissais que trop. Je l'ai même connu à plusieurs reprise, une fois aussi en grande amitié. À vous donner envie de mourir ou de chanter Bourvil

Ceux qui m'aiment seront contents que j'aie choisie à chaque fois la seconde option. Ce que c'est que de connaître le répertoire ...

   

 

Il est évident que ma faiblesse de cette fin d'hiver vient d'un chagrin qui traîne, des tracas du désemploi et d'avoir voulu en ces décembre et janvier en finir à toute blinde sur un de mes petits chantiers d'écriture afin de pouvoir avant de trouver de l'embauche entreprendre la tournée des refus, j'ai commis une erreur de jeune, présumer de mes forces. Et que s'il m'a fallu quatre jours de fortes fièvres avant de dégager cette petite saloperie de saison ça n'est sans doute pas étranger à cet étrange surmenage de chômeuse, quand c'est rentière qu'il faudrait.

Mais la soudaineté avec laquelle ce rhume-ci m'a attaquée se coucher un soir dans un état normal se réveiller tousseuse, cracheuse, éternueuse, fièvreuse au lendemain, pas même pouvoir tenter de résister un brin à un mal de gorge qui s'installe, à des petits atchoums ponctuels, à une légère gêne respiratoire, n'est peut-être pas étrangère au fait que les acteurs jouaient trop bien, une pièce réussie.

Notez que je ne leur en veux pas. Et ne regrette en rien. 

J'ai seulement pris trop parfaitement conscience de la violence que certains m'ont faite et que contrairement à ce que mon naturel scrupuleux me pousse toujours à croire, il n'était pas exclu que je n'y sois pour rien, fors d'être comme la gosse de la pièce, trop simplement désireuse que ceux que j'aime aillent bien (6), et désaimée pour une raison extérieure que j'ignorais et à laquelle je ne pouvais rien.

Notez aussi qu'à vous autres, la pièce rappellera probablement tout autre chose, peut-être même simplement d'être allés un jour guetter dans un gabion le passage des canards avec votre oncle Eugène, ce fieffé chasseur, et que si vous n'êtes pas allés courir 7 kilomètres dans l'humidité parisenne de janvier le matin même, vous n'en reviendrez pas enrhumés.

Mais enchantés.

(ce que j'ai aussi été)

 

 

(1) Même si au vu des derniers développements de l'actualité, il semblerait fort plausible que d'aucuns prétendent qu'avec son petit costume de soubrette elle l'avait bien cherché. 

(2) Un rire un peu étrange, à deux temps : la séance était pourvue d'un dispositif particulier pour les personnes qui voyaient mal ou pas avec programmes en braille et sortes d'audioguides qui je le suppose devaient décrire à mesure des scènes la part visuelle de ce qui s'y déroulait. Le résultat donnait quelque chose comme lors des rencontres littéraires avec un auteur étranger qu'une partie du public comprend en direct et qu'une autre doit attendre la traduction. D'où que les rires parfois étaient en légère stéréophonie désynchronisée. Eussé-je été actrice, j'aurais trouvé ça un peu difficile ; je crois que les réactions d'une salle aident à se caler, même si le gros du travail n'en dépend pas.

(3) L'option "Assumons que ce texte nous vient du passé" semble être devenu totalement indisponible. De même qu'à l'Opéra. Souvenir d'un "Simon Boccanegra" à Bastille dans lequel la mise en scène faisait ... mal aux yeux (à force d'effets ci ou ça pour pimenter tout d'ultra-contemporain). Souvenir d'un réjouissant "Noces de Figaro" qui ne faisaient pas leurs malignes, classique, d'époque, bien interprété, ce qui aidait au voyage. Et que j'en venais presque ponctuellement à apprécier Mozart davantage que Verdi.
Quelques mises en scènes récentifiées, parfois m'ont paru belles ou porteuses de sens, je n'y suis pas opposée systématiquement. C'est simplement que lorsqu'une œuvre tient la route, seule, il semble inutile de trop en rajouter dans le décalé et le back to the future incontournable.

(4) Laquelle était tellement prise qu'elle eut un lapsus créateur, disant dans la confusion qui saisissait son personnage exactement ce qu'une ado aurait bafouillé, perdue. J'espère que "l'erreur" aura depuis été validée car elle ajoute une part d'intense authenticité. Après, peut-être que les personnes du métier ne voient pas ça comme ça, ce n'est que le point de vue d'une spectatrice, elle-même prise par ce qu'elle voyait. 

(5) La gosse de la pièce beaucoup plus futée que la moi d'en vrai qui envisage assez vite une hypothèse très proche de la réalité d'en faux.

(6) Le gros problème étant que quand on est comme ça, on nait, on est comme ça et l'on n'y peut trop rien. Même qu'on doit se faire violence plus tard, quand surviennent les malheurs de retour à ceux qui nous ont peiné, que c'est tout simplement bien fait pour elle ou lui. 

PS : J'ai eu l'air de parler de théâtre et de canard dans ce billet mais en fait tout ça c'était pour dire que si j'ai été enrhumée lundi et malade toute la semaine ce n'était pas d'être allée dimanche après-midi manifester sous la pluie, surtout pas.


La menace de mort était enregistrée


Un élu de New York menace violemment un... par lemondefr Pour le cas où la video ne serait plus accessible, voilà le texte qui l'accompagne et la décrit : « Si tu me refais ça, je te renverserai par dessus ce putain de balcon. [...] Je te casserai en deux comme un petit garçon » : Michael Grimm, représentant du 11e district de New York a violemment menacé un journaliste qui lui posait une question sur le financement douteux de sa campagne électorale. Une ancienne amie, Diana Durand, a été arrêtée en janvier et est accusée d'avoir illégalement financé la campagne de Grimm à hauteur de plus de 10 000 dollars. Grimm a publié un communiqué mardi déclarant que la question du journaliste était un « sale coup » alors que le sujet de l'interview était le discours sur l'état de l'Union de Barack Obama.

*        *        *

Ce n'est sans doute pas l'info la plus fondamentale de ce matin, mais peut-être celle qui m'a le plus étonnée : cette menace de mort filmée en direct, faut-il que le politicien ait été aveuglé par sa colère de gros musclé pour ne pas penser que la caméra continuait d'enregistrer. 

La camera bougeant très peu j'ai cru que peut-être le dispositif était sur trépied, automatique, mais celui qui a transmis le lien m'a fait remarquer qu'elle n'étais pas non plus totalement fixe, et effectivement, il y avait peut-être bien quelqu'un qui aura eu l'intelligence de faire comme si elle avait arrêté son travail.

Je suis curieuse de la suite qu'aura cet incident. Certes, le journaliste avait semble-t-il obtenu un entretien sur un tout autre sujet, mais dans ce cas le politicien pouvait s'en tenir à sa première réponse de type Je ne suis pas ici pour parler de cela et le tort restait alors dans le camp du journaliste. 

Qu'est-ce qui a bien pu pousser le politicien à se montrer aussi stupide ? Le voilà avec une plainte pour menace de mort qui lui pend au nez et même si tout cela s'arrange par une négociation, un bruit sur l'internet dont il ne sortira pas grandi.

Et à part ça se demander de quoi il aurait été capable s'il avait eu une femme en face de lui, posant la même question.

 

merci @dhasselmann pour le lien RT (pour une fois que je parviens à ne pas perdre le lien entre le lien offert et le touiton qui l'a transmis)


Attention une mauvaise nouvelle peut en cacher une bonne

 

Ainsi donc c'est sorti, et de tous les flashs d'infos franco français : les chiffres du chômage sont mauvais, nous sommes nombreux à chercher du boulot et même s'il reste encore toutes sortes de façon de ne pas compter tout le monde tout à fait (1), c'est assumé, voilà la fameuse inversion à laquelle personne ne croyait n'a pas eu lieu. 

 

Jadis, il y a longtemps, autrefois, j'ai travaillé dans un service d'informatique et statistiques d'une grosse entreprise de niveau national et dont les comptes avaient par quelques affaires de hautes volées (2) été gravement plombés. L'entreprise fut aidée mais en quelque sorte placée sous tutelle. Et on était prié pour un paquet d'années de rester bien dans les clous. Mais voilà, parfois l'on débordait de quelques pas, car l'activité courante qui n'aurait pas dû être impactée, nécessitait les mêmes ressources qu'avant que les scandales n'éclatent. J'étais à un petit niveau, participais à la sortie de quelques-uns des chiffres. C'était régulièrement des pressions pour les rendre plus sympathiques aux yeux de la direction et quelque ministère. Vous êtes certaine ? Recomptez. 

 

Comme j'était le genre de personne assez dingue pour préférer bien dormir la nuit à me faire mal voir et risquer d'avoir des ennuis, j'ai toujours été solidement assez stupide pour ne pas comprendre à demi-mots que mes chiffres justes étaient faux. Je n'étais pas si bête de ne pas avoir pigé que si je fournissais de belles statistiques (3), j'en tirerais quelques avantages immédiats, peut-être une jolie prime, voire même une augmentation, mais qu'en cas de problème en compagnie de quelques proches collègues, je serais le parfait fusible - Vos chiffres étaient erronés, nous vous avions fait confiance -, et que l'argument Mais c'est vous qui m'aviez dit, d'un air entendu, de recompter, ne tiendrait pas la route.

Donc je vérifiais, passais pour une imbécile qui n'a pas compris ce qu'on lui suggérait, confirmais mes données, me faisais mal voir, ai failli même une fois me faire virer. Notre monde du moins en ce temps-là du siècle dernier n'était pas si déglingué qu'il restait assez difficile de dégager quelqu'un pour le seul motif qu'il refuse de plaire et préfère n'avoir rien à se reprocher.

Alors je ne peux m'empêcher d'imaginer que qui bosse à l'heure actuelle sur ces données sensibles que les politiciens de haut pouvoir guettent comme du lait qui bout, doit subir de solides pressions. J'espère me tromper. Mais ce que j'ai traversé pour des chiffres beaucoup moins stratégiques et qui ne concernaient qu'une entreprise et non tout le pays, me laisse à croire qu'assumer la non-inversion a dû nécessiter pour quelques-un(e)s quelque part du courage, d'avoir des statistiques blindées, et beaucoup de ténacité.

Peut-être que notre république, malgré les frasques inopportunes de qui la représente, n'est pas si bananière que l'on pouvait le croire. Peut-être qu'il n'y a pas tant de pays que ça, en ce début de XXIème siècle dans lequel des indicateurs stratégiques déplaisants sont officiellement publiés, clairement et sans trop tarder.

Peut-être.

Ce serait une bonne nouvelle.

  

(1) Par exemple je crois bien que les personnes comme moi qui après un licenciement économique sont en "contrat de sécurisation professionnelle", je crois bien que nous ne comptons pas ou pas immédiatement. 

(2) Ce truc rageant quand les salariés qui se consacrent à l'activité de base font bien leur boulot mais que les very bigs chefs prennent des positions ultra-risquées sur des affaires qui court-circuitent les processus de décisions rationnels habituels et que ça tourne mal et que tout le monde trinquent pour quelques-uns qui visaient davantage de profits et pouvoirs personnels.

(3) C'est très facile de "présenter" des chiffres en trompe l'œil. Pour prendre un exemple simple : se féliciter de la baisse du nombre de morts par accidents routiers (ce qui est toujours bien, notez) mais sans tenir compte du fait que ça correspond à une forte baisse de la circulation. Ce qui fait qu'au bout du compte le risque d'avoir un accident lorsque l'on prend le volant n'est pas forcément moindre qu'avant et qu'il est peut-être supérieur, au fond. 


Dans la série ces grandes questions existentielles que je me pose parfois

 

En lisant ce touite : 

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je me suis à nouveau demandé pourquoi diable certaines activités semblaient si détendantes ou irrésistibles à la plupart des êtres humains. Comme éclater du papier bulle ou pour les enfants sauter dans une flaque d'eau ou bondir sur un petit muret si possible étroit pour continuer d'avancer plutôt que de rester tranquilles sur un trottoir en bas. 

Les trucs d'enfants je crois vaguement me souvenir que je les ai eus et qu'ils me sont (à peu près) passés quand j'ai atteint un grand format. Je suppose que le coup du muret c'est quand on est petits parce qu'il y a une fierté à pouvoir grimper, mais qu'une fois l'effort à fournir faible on s'en désintéresse.

Mais alors le papier bulle reste un absolu mystère pour moi, de même que l'appétence généralisée pour les frites (qu'est-ce que ça a de si extraordinaire ?) ou les choses aux parfums fraise. Bref un certain nombre de petites éléments quotidiens dont le plaisir qu'elles semblent procurer m'est totalement étranger.

Plus d'une fois j'ai demandé à un(e) perceur/euse de bulles ce qui lui était si gratifiant, mais personne ne sait l'expliquer. 

Je crois que je manque cruellement de petits trucs bêtes qui me feraient du bien. J'ai dû perdre aux années difficiles le plaisir du jeu. 

(billet écrit avec une fièvre de cheval au galop - et d'ailleurs je retourne me coucher)


« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »

Paul Nizan, Aden Arabie 

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J'avais vingt ans et pour la première fois de ma vie un chagrin qui me dépassait : celui que j'avais cru l'homme de ma vie m'avait quittée, il habitait loin, n'était pas du même milieu social, était croyant (1), avait rencontré quelqu'un d'autre et qui n'était pas n'importe qui (2).

 

 

Il l'avait fait si proprement que je ne lui en voulais pas : prenant le train, venant me dire, m'accordant un dernier câlin et l'amitié est restée possible parce qu'il y avait eu du respect.

 

En attendant je devais me débrouiller avec le vide, l'absence, le manque sexuel (déjà qu'après quarante  c'est pas facile, alors à vingt et dans la fleur d'un amour récent, c'était une souffrance épouvantable de tant d'instants). Je me suis cramponnée à mes études, une amie m'a proposé d'immigrer avec elle en Californie (ce qui était clairement impossible, mais qu'elle me propose et que cette part de rêve flotte au dessus de l'océan du désespoir noir m'a sur le moment sauvée), j'ai bossé comme une dingue, je passais des concours.

 

 

Ma piaule d'étudiante était l'une de ces que cache les arbres, au 4ème (5ème ?) je crois. Par moment le chagrin, le corps jeune qui réclamait son dû, j'étais obligée de quitter ma table d'étude à laquelle j'étais généralement rivée et je regardais par la fenêtre ces arbres, ce jardin (3), la tête contre la vitre je laissais pleurer, j'attendais que ça passe, me disais que je ne devais pas mourir, mais sentais mes capacités de pensée et de mémoire atteintes : nous étions l'un comme l'autre passionnés de physique et du fait du chagrin, mes connaissances dans ce domaine commun rouillaient, perdaient de leur fiabilité.

 

J'ai limité la casse, réussi un concours en croyant le rater (4), rencontré le père de mes enfants, ce garçon qui tomba fou amoureux fou de moi et malgré de solides coups durs de la vie (ou peut-être à cause de), il en reste quelque chose, une petite équipe de gens épuisés qui se serrent les coudes face à l'adversité.

Ce rendez-vous pour un éventuel emploi, à quelques rues de là, m'a poussée à retourner sur zone. J'étais curieuse de voir ce qu'il en restait. Apparemment ce qui s'appelait autrefois "Foyer des lycéennes" et regroupait les filles des classes prépas de Paris (5), est à présent l'internat d'un seul lycée. Mais les bâtiments sont restés inchangés. Je n'y étais passée qu'une ou deux (ou trois ?) fois depuis. 

 

Trente ans plus tard, encore un chagrin. Mais mesurer ainsi le chemin parcouru, que la peine actuelle est bien moins forte que l'ancienne - sans doute car l'homme quittant s'est révélé méprisable par la façon dont il l'a fait -, que je ne suis pas entièrement seule, qu'il reste un brin d'amour à côté, que c'était plus du côté de la complicité d'écriture que ça se jouait, mesurer ça, m'a fait du bien. Je suis une fois de plus à terre, mais pas en danger. Et ma vie a de quoi occuper plein de soirées au coin du feu à d'éventuels petits enfants auxquels j'en raconterai les drames à l'italienne, parce qu'il m'en est arrivé de drôles, et de sacrés beaux arcs-en-ciel entre les averses de malheurs, et que certains malheurs quand on survit possèdent leur part de cocasserie.
Tout est plus dur à vingt ans. On n'a aucun passé sur lequel s'appuyer. On ignore que la mort peut venir sur nos épaules se percher, puis repartir, s'étant ravisée. On n'est pas pris(e)s au sérieux, même quand sérieux/euses on l'est.

 

Pour quelqu'un que la prédestination sociale offrait à l'usine en des postes subalternes, ou à un de ces emplois considérés comme féminins (comprendre : mal payés et d'obéissance), même si en ce moment c'est la panade, je ne m'en suis pas trop mal tirée. Et surtout c'était rock'n'roll : jamais un temps d'ennui. Et totalement Forrest Gump (6).

 

Alors ce samedi j'ai remercié je ne sais qui d'être toujours là et vaillante après plusieurs décennies (c'était tout, sauf gagné).  

Puis salué l'ombre de la moi de 20 ans, on s'est dit qu'avec les hommes c'était pas toujours ça, décidément, ce que c'est que de n'être pas blonde aux beaux seins, je lui ai présenté mentalement l'homme de la maison qui n'est pas un mauvais bougre, et aussi les enfants, parce qu'à la moi de 20 ans qui pensait qu'elle n'en aurait pas (plus d'homme de sa vie et quelques bizarreries de santé), ça lui aurait rudement remonté le moral de savoir qu'ils seraient là, et deviendraient de jeunes adultes très bien. Je lui ai présenté mes amis, ces fortes amitiés d'affinités que l'internet a permises, plus solides que celles d'antan même si elles pouvaient être belles mais qui venaient d'être collègues dans un même bureau, étudiants sur un même bancs, voisins qui s'entendaient bien et donc plus fragiles au gré des déplacements.

Oui, salué l'ombre de la moi de 20 ans en larmes à sa fenêtre, et la moi vieille, de la rue, a souri. 

Tu vas voir, petite, si la santé me reste, OK c'est déjà pas mal, mais c'est loin d'être fini. On va faire vieille dame indigne, ça va dépoter. Et ça éclaboussera de bonheur les amis, les gosses, l'éventuelle descendance, peut-être qui sait un vieux mari.

 

(1) Rétrospectivement je pense que ça aurait tôt ou tard constitué un ferment de discorde, je pense que cette évolution qui m'a été inévitable de devenir moins tolérante en vieillissant, parce que refusant que les femmes soient considérées comme des êtres de catégorie B, ça aurait fini par nous éloigner.

(2) Quelqu'un d'une intelligence supérieure, que j'admire et apprécie.

(3) Il me semble qu'à l'époque son accès était aussi restreint que celui du bois intérieur de la BNF.

(4) Il faut qu'un jour j'écrive un texte sur l'amie qui téléphone pour me demander si j'y vais, et moi persuadée de devoir refaire une année : Si j'y vais où ? Et elle : Ben à l'ESTP ! Tu es reçue, tu l'ignorais ? (et moi si persuadée que c'était foutu qui n'était pas même allée voir)

(5) Les garçons étaient internes sur place dans chaque lycée. À eux zéro temps de trajets, à nous : traverser parfois tout Paris pour rentrer. Y compris tard le soir après les khôles. 

(6) Le côté : J'ai pas tout compris mais ce jour-là j'y étais

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Premier amour, président d'antan, mais finalement plutôt un excellent roman

 

Dans l'après-midi j'ai eu l'impulsion d'un billet sur la muflerie d'hommes du présent, un ex-bien aimé, un futur ex-président s'il continue sur cet élan (1), et cet effet qu'elle a sur moi de me faire à force admirer des hommes que par le passé je n'avais pas ou plus appréciés : ainsi un premier amour qui m'avait quittée - 7 ans avant d'être parfaitement guérie - mais l'avait fait avec grand respect et courage et ce n'est que 30 ans après que j'ai compris combien c'était rare ; puis celui qui m'a quittée sans me quitter m'a fait du mal, a tenté de réparer : me rendre compte que c'est déjà beaucoup et que s'il s'est montré calamiteux ce n'était au moins jamais dans l'idée de me manipuler ; et puis surtout et c'est plus important, d'ordre collectif et pour le pays, ce président pour lequel je n'avais pas pu voter la première fois car j'étais alors trop jeune, cette remarquable crapule machiavélique de François Mitterrand, l'homme qui se savait fait pour être président et avait pris tous les chemins possibles afin de faire coïncider ses capacités et sa fonction, et que voilà que ses successeurs sont tous tellement ridicules à différents titres, qu'à présent je l'admire, au lieu de me dire, quel type redoutable, je pense, quand même, lui au moins c'était un président, un vrai, y compris dans ses vies parallèles, et que les réalisations patrimoniales qu'il a fait entreprendre, et bien finalement je suis bien contente qu'il ait eu ce goût pharaonique, car elles rendent ma ville attractive et oui voilà me voilà finalement admirative, ça alors.

 

Si ça continue je vais bientôt me sentir réconciliée avec la mémoire de mon père, duquel j'ai toujours pensé qu'il avait voulu faire de son mieux, mais que son mieux était sous l'emprise de points de vue foireux, ô méditerranéens patriarcaux. D'où nos conflits incessants. Mais il n'était pas un mauvais homme au fond, j'avais simplement le défaut d'être une fille (et de défendre ma mère systématiquement quand ils se rendaient mutuellement furieux).

 

Et puis finalement non, j'ai fini dans l'après-midi de lire un excellent roman, qui m'a entraînée loin de ce pénible présent, loin de ma solitude (relative), loin de mes tracas d'écriture et d'emploi, loin.

Et s'il faut retenir quelque chose de cette journée, si un rendez-vous sérieux du matin - pour le coup avec deux hommes charmants - ne se concrétise pas, il en restera au moins cela : 

Un bon moment de lecture.

Et oublions gougnafiers, maladroits et goujats. Certains hommes au moins savent écrire. Punto basta.

 

(1) Je fais partie des femmes que les mots rapportés dans la dépêche AFP : «Je fais savoir que j'ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler» ont heurtées, et qu'on ne vienne pas me dire que c'est rien qu'une petite formulation maladroite, elle vient après un long cumul et une fatigue de toujours en tant que femmes finir par être par l'un ou l'autre traitées comme cela. Je serais une certaine Julie, je me carapaterais fissa. Qui quitte moche, recommencera (2).

(2) C'est aussi un conseil, mais trop tardif, que je me donne à moi-même. Et à celle qui m'a succédé si jamais elle venait à passer. Naïveté que de croire qu'avec nous c'est autre chose, que nous sommes enfin pour lui Celle qui. À moins d'être la contemporaine des atteintes de leur âge.


Les oloés à Simone

 

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Sur les conseils avisés d'une amie qui déjà plus d'une fois m'a tirée de mauvais pas, j'ai dans l'idée d'enfin m'extraire du marigot de désarroi dans lequel je patauge tous ces derniers mois à cause de la désinvolture d'un saligaud de l'oubli, entrepris de lire (ou relire (1)) les écrits de Simone Signoret. 

 

C'est quelqu'un que j'ai toujours admiré, un peu comme j'admire profondément Siri Hustvedt : la plupart des gens se pâme ou pâmait devant leur compagnon, quand pour moi ce sont elles qui devraient compter, du moins pour le domaine professionel qu'ils partagent ou partageaient. 

J'ai souvent eu l'impression, peut-être fausse, que leur travail à elles auraient été davantage mis en valeur si elles n'avaient pas été dotée d'un homme de leur vie si encombrant. Et qu'à l'inverse s'ils n'avaient pas l'un comme l'autre rencontré cette femme exceptionnelle et structurante, ils seraient restés dans leur art un niveau en dessous que celui qu'ils ont atteint. Après, bien sûr, il y a quelque chose de l'ordre de l'excellence entraînante, et de la compréhension mutuelle des difficultés lorsqu'est le même le métier qui est irremplaçable et crée soutien mutuel. J'en sais quelque chose de ne pas l'avoir, ou plus.

"Le lendemain elle était souriante" est le premier opus qui me soit (re)venu en mains, maladroit du point de vue littéraire car il mélange des niveaux de récit et d'écriture trop disparates, même si le fil conducteur qui pourrait être résumé par "comment écrire un diable de bouquin qui raconte sa propre vie quand elle est déjà bordel de bien remplie" ne nous quitte pas. Mais fichtre intéressant du point de vue humain et porteur pour moi de quelques clefs (2). L'amie n'avait pas tort, au delà-même de ce qu'elle pensait.

 

Dans les pages d'après le corps de l'ouvrage, au delà du mot "FIN" si soigneusement daté, outre une fort belle lettre de Maurice Pons (tiens, Maurice Pons), figure une liste des tables sur lesquelles la femme qui écrivait a posé sa lourde machine (3). Et ce sont d'autres oloés, en fait, ceux d'une femme suffisamment bien installée dans la vie et généralement logée même lors des itinérances de son métier principal (4) pour ne jamais manquer d'une chambre à soi, mais suffisamment prise par l'arrachement de l'exercice pour devenir attentive au meuble de support, ainsi qu'à ses différents états d'ordre suspect et de désordre bouillonnant (décrits dans d'autres passages).

Voilà en tout cas une très jolie piste de réflexion, avis aux camarades (5).

 

PS : Comme toujours, syndrome de l'autodidacte, je sens que tout le monde va me dire que c'était archiconnu. Je suis une grande réinventeuse d'eau tiède et inlassable découvreuse de talents confirmés (6).

 

 

(1) Tant de temps a passé j'avoue que je ne sais plus si à l'époque de leur sortie je n'avais pas lu l'un deux.

(2) Entre autre des croisements communs et une pièce d'élément de réponse à ce deuil qui m'étreint de façon trop forte par rapport à notre absence de lien (direct), et dont je me dis que comme pas mal de ces énigmes qui traversent mon existence un jour viendra où la clef m'en apparaîtra, et je dirai Bon sang mais bien sûr et m'en voudrai d'avoir mis si longtemps à piger quelque chose qui était dans ma mémoire ou sous mon nez.

(3) Le texte a pris de ce point de vue là un grand intérêt technique : comme elle y décrit les difficultés très concrètes auxquelles elle est confrontée, on apprend ou on l'on revoit ce que c'était que d'écrire à la machine et combien le traitement de texte aura révolutionné nos vies d'écrivants. J'avais pour ma part oublié le problème crucial de la fin de feuille. 

(4) Sauf une fois à Amiens, une chambre trop petite pour qu'une table y tienne, mais alors on lui prêtera en contrebande une autre pièce (très beau passage que ce récit-là).

(5) Chez Anne Savelli pour récapituler, "Oloés du monde entier".

(6) L'expression est, je crois, de mon ami Jean-Marc un jour qu'il s'en moquait.


Livres d'occase en anglais (petite réclame)

 

Il se trouve que je lis souvent en anglais, que je me fous pas mal tant que le texte y est de l'état des bouquins, et que j'évite depuis un long moment déjà autant que possible le grand machin qui maintenant vend de tout et exploite ses salariés. J'ai dit Autant que possible car comme souvent les entreprises qui se retrouvent dans des situations quasi-monopolistiques après avoir avalé tous leurs concurrents de gamme proche, ils se sont dans certains cas incontournables, si l'on cherche un titre ou un objet précis. Et leur moteur de recherche est redoutable.

Depuis quelques années, j'ai trouvé une alternative conséquente pour les livres en anglais. Ils s'appellent Better World Books, et en théorie pour chaque livre acheté chez eux un livre est fourni à des fondations ou des associations qui œuvrent dans le monde pour la diffusion de la littérature et l'alphabétisation. 

 

Book for Book™ by Better World Books from Better World Books on Vimeo.

Les expéditions sont souvent assez lentes parce que les livres viennent parfois de fort loin (j'en ai reçus de Nouvelle Zélande), et qu'ils tiennent à respecter des normes de respect du bilan carbone. Ce sont les champions du livre introuvable ; il m'est arrivé d'y trouver des pépites pour cinéphile fou (mais qui aimait lire au sujet du cinéma). On trouve aussi des livres très récents. J'avais acheté chez eux le JK Rowling qui n'est pas publié sous le nom de JK Rowling avant même qu'on sache qu'il était de JK Rowling (ou quasi). C'est dire. Récemment ils se sont mis aux e-books.

Certains des livres sont dans un état un tantinet rock'n'roll mais c'est toujours précisé ; beaucoup sont des réformés de bibliothèques avec parfois des marques à l'intérieur, des vestiges tamponnés de leur vie antérieure, des marque-pages abandonnés. Personnellement j'adore ça, mais soyons clairs : maniaques du livre en parfait état s'abstenir.

 

Comme j'ai déjà un bon morceau de vie derrière mois, je suis devenue très sceptique envers la plupart des mouvements caritatifs ; il y a presque toujours quelqu'un quelque part qui profite de ce que les autres font par générosité. Mais il se trouve que de ceux-là je suis à présent cliente depuis un paquet d'années et pour l'instant sans avoir rien appris ni constaté de trouble.

Ni non plus eu le moindre problème de réception, d'erreur de commande. L'expédition est toujours soignée.

Bref, si vous cherchez des bouquins en anglais dans un sale état et qui mettent longtemps à venir, mais que c'est pour une bonne cause, vous pouvez confier votre cas à ceux-là (1).

 

(1) et je ne gagne strictement rien à vous raconter ça, c'est juste que je viens de recevoir un lot d'Alan Bennett commandés le mois dernier dont je sens que je vais me régaler. 

PS : J'oubliais : et en plus ils cassent pas les pieds avec des "évaluez votre vendeur"

 

 

 

 

 


Please respect urban solitude

Capture d’écran 2014-01-22 à 10.03.26

J'en ai rêvé, il l'a (ou ils l'ont ou elle(s)) fait.

Un jour de ligne 13 tassée du matin à ne pas pouvoir ouvrir le moindre bouquin j'imaginais pour me distraire comment détourner l'affichage du métro, des noms des stations (classique de l'Oulipo) aux injonctions voyageurs.

Voilà qu'à Londres, certains n'ont pas fait qu'imaginer mais apparemment ç'en sont donné les moyens. Et avec talent.

(Je n'en sais pas plus pour l'instant - par exemple il se peut qu'il s'agisse de montages -, mais je complèterai si j'en apprends davantage)

Source : Someone has made fake London underground signs ans whoever did it is a genius

via @amaizetti que je remercie pour cette bouffée de poésie.