Dopo Pasolini
Des nouveaux usages nés des (et sur les) réseaux

Service dégradé à la poste (et sans issue ô Père Ubu)

(essai en Times New Roman 12pt)


Jusqu'à ces derniers mois nous étions sans doute privilégiés dans ce quartier de Clichy : le facteur chargé des paquets nous les livrait vraiment, au besoin en demandant quelque service au voisinage, ça fonctionnait bien.

Depuis novembre (ou peut-être avant mais je ne reçois pas non plus des paquets chaque matin), le service s'est dégradé. 

 

J'ai eu droit au type qui sonne à ma porte et s'apprête à me remettre un colis qui n'était pas pour moi - nous habitons en appartement il y a un interphone - heureusement je jette un coup d'œil au nom sur l'emballage, je dis Je ne crois pas que ça soit pour moi, le gars, presque agressif, - Ben ce n'est pas vous qui m'avez ouvert en bas ? Je réponds que Non (parce que non). 

Heureusement le voisin concerné qui de son côté devait s'étonner d'avoir ouvert sans suite, s'est manifesté et a récupéré son paquet. Le livreur hasardeux n'a pas même présenté d'excuses. Le voisin lui aussi était un brin interloqué.

Puis trois fois en une semaine, j'ai eu droit à la version : On glisse un avis de passage sans prendre la peine de vérifier au préalable que la personne est là. 

Je sais par écho d'amis que c'est devenu fréquent à Paris. Jusqu'à présent nous étions épargnés. Je suppose qu'on demande aux livreurs un rendemment, et qu'ils tentent leur chance de gagner ainsi du temps en espérant que la plupart des gens se contenteront de passer à la poste le lendemain soir chercher leur objet.

Le problème supplémentaire, en plus de celui d'avoir à se déplacer, est que la poste dont je dépends est du même type que celle que Grand Corps Malade évoquait dans Saint-Denis.

Sur les avis de passage de la fournée du jour je vois qu'il est possible de demander une nouvelle livraison à domicile. Je reprends espoir d'éviter d'avoir à me déplacer pour compenser le manque de conscience professionnel de quelqu'un.

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Je tente donc ma chance. Nouveau dysfonctionnement : le mail d'activation de l'espace client pour une adresse @orange.fr se perd quelque part. Je refais une tentative par mon adresse gmail de secours. Qui passe. 

Après avoir rempli un certain nombre de cases tout en espérant que ça ne servira pas à filer mes coordonnées à toutes sortes de spammeurs publicitaires, j'accède au formulaire qui devrait me permettre de demander une nouvelle présentation des objets retardés. Hélas il faut en zone obligatoire remplir un "numéro d'objet". Lequel sur les avis de passage dont je dispose n'a pas été complété.

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Je vois qu'on peut éventuellement obtenir de l'assistance en appelant au 3631. Je tente à nouveau ma chance. Mais tombe sur quelqu'un qui visiblement déroule de façon mécanique un questionnaire pré-établi. Et avec mes numéros manquants je ne tombe pas dans les clous, d'où que mon interlocutrice tente de me renvoyer vers l'internet (1). Quand je lui explique que j'en viens elle me dit alors de rechercher le numéro de colissimo là où j'avais passé commande.

J'ai pris congé avant de m'énerver sur quelqu'un qui n'y était pour rien (2).

Parce que le hic, c'est que si l'un des avis correspond probablement à un livre d'occasion que j'ai commandé auprès d'un vendeur particulier chez Price Minister (d'où que si je dois chercher un numéro de colis il faudra que je le contacte et qu'il soit présent pour me répondre rapidement, ce qui n'est pas gagné), l'autre, j'ignore ce que c'est. Soit un(e) ami(e) qui m'envoi(e) quelque chose en retard d'anniversaire, en avance de fêtes ou juste comme ça, soit une maison d'édition qui m'envoie un SP - même si je suis entre deux jobs, certaines ne m'ont pas (déjà) oubliée -. Bref, je ne vois pas auprès de qui je pourrais quérir l'info sans laquelle apparemment rien ne peut être fait. Bien évidemment l'avis de passage ne mentionne nul part l'identité de l'expéditeur (ce serait trop facile).

Je vais donc demain soir devoir perdre une fois de plus mon temps à la poste locale. J'aimerais bien être défrayée des quarts d'heures perdus en bons pour des frais d'envois (2) ultérieurs. Ça me semblerait assez logique et équitable.

Avec une pensée émue pour les personnes qui se heurtent à la même succession de dysfonctionnements que moi et ont en plus le malheur d'avoir du mal à se déplacer. Ou d'avoir un bébé qu'il faut emmailloter puis installer dans une poussette et tout ce genre de complication. Au moins je peux passer chercher mes paquets sans problème matériel (3). 

Et puis cette tristesse sans doute un peu vieille école mais néanmoins : nous voilà donc dans un monde où il n'est plus envisagé qu'une personne envoie un colis à une autre, pour lui faire une surprise, juste comme ça, pour le bonheur du partage, sans lui avoir au préalable communiqué au moins un code sur 13 caractères. Un monde où l'on présuppose que tout paquet qu'un individu reçoit chez lui correspond à une commande. Et même si personnellement en pratique ça ne me dérange pas, mais je pense aux plus âgés et aux moins équipés, un monde où sans accès à l'internet tu ne pourras bientôt plus recevoir ton courrier.

 

(1) En plus que c'est moi qui lui apprend que sur les nouveaux (?) avis de passage la mention est faite d'une possiblité de nouvelle présentation de l'objet le lendemain. Visiblement la formation des télé-opérateurs n'est pas tout à fait à jour.

(2) Quoique peu habile ou mal guidée : question posée (sans doute parce que c'était dans sa grille mais les opérateurs sont-ils obligés de la suivre de façon extra-mécanique ?) "Est-ce qu'il y a les noms sur l'interphone ?".

(2) Il m'arrive aussi d'être expéditrice.

(3) En espérant que celui des deux envois dont j'ignore la teneur n'est ni très lourd ni volumineux. 

PS : Du coup si l'un d'entre vous m'a envoyé quelque chose et s'étonne que je ne l'aie pas encore remercié, qu'il ou elle n'hésite pas à me contacter. C'est peut-être son paquet qui est en souffrance (et un numéro de suivi colissimo aiderait).

PS' : Le type de dysfonctionnement dont pour sortir il faudrait être à même de fournir une information qui nous est inconnue précisément par suite que ça dysfonctionne n'est pas sans me rappeler une mésaventure téléphonique et de connexion subie presque huit ans plus tôt. Pour avoir l'info cruciale qui débloquerait sa situation, l'usager se retrouve sommé de s'adresser à quelqu'un ou quelque société dont il ignore l'identité du fait même du problème qui l'amène (et sans pouvoir non plus obtenir celle-ci à moins de disposer d'une boule de crystal ultra-performante).

PS" : Par le passé j'ai eu droit deux fois à des objets retournés à l'envoyeur parce que non réclamés, et pour cause : j'ignorais qu'ils m'avaient été proposés, pas de sonnerie du livreur, et pas même d'avis. Je peux donc probablement m'estimer chanceuse pour cette fois, puisqu'il me reste une probabilité non nulle de récupérer mes courriers demain en fin de journée.

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