Les injonctions
Will Big Brother really much more watch you ? #LPM

Peut-on changer ?

 

C'est curieux comme les journées qui vues de l'extérieur peuvent sembler calmes et en retrait peuvent au bout du compte être actives. Je n'ai quitté la maison que pour aller à la poste chercher un colis décevant et envoyer une lettre et un livre. J'ai pu constater à cette occasion que je n'étais pas la seule personne de la région qui vendredi ou samedi était chez elle et n'avait pas eu droit à ce que le livreur sonne, lequel sans doute pressé s'est contenté de déposer un avis dans la boîte à lettres. Un homme était là, furieux (ce qu'il venait chercher était sans doute pesant, ou peut-être avait-il pris un jour de congé car le suivi indiquait l'arrivée ce jour-là de ce qu'il attendait). Bien sûr les préposés présents, n'y étaient, eux, pour rien. Grand classique de l'existence : ceux qui trinquent sont presque toujours ceux qui sont dans l'environnement de celui qui a commis erreur, indélicatesse, coup de flemme ou barbarie. Les principaux responsables essuient quelques conséquences mais rarement la violence de la première réaction face à l'exaction.

En revanche j'ai écrit, écrit pour un groupe de personnes dont je fais partie, écrit mes propres histoires (mais pas celle sur laquelle je devrais avancer afin d'avoir fini avant le 20 février, grumbl - pourtant je le sais qu'il ne faut pas que j'attende de me sentir en pleine forme -). Pour faire contrepoids aux heures assises, j'ai également rangé. Suis alors tombée sur mon diario de 1981 : l'année du bac et de l'entrée en classes prépas. Un grand saut dans l'inconnu car personne dans mon entourage n'a la moindre idée de ces trucs-là. La génération des parents (et oncles et tantes) ont vu toute velléité estudiantine entravée par la guerre, et quand bien même, le milieu social n'était pas très favorable globalement. Ma mère fut une petite élève brillante, peut-être que sa propre mère si elle avait survécu aux conséquences du débarquement (et d'une grossesse au même moment) aurait eu à cœur que sa petite dernière devienne quelqu'un d'instruit. Orpheline a 12 ans, sa fille n'a pas eu le choix. Le père, veuf malheureux, a fait de son mieux, tenu la boutique que sa femme avait créée - alors que c'était un commerce ultra féminin d'un point de vue traditionnel : une mercerie (1) -, s'est fait un devoir. Mais bon, le plus vite possible il fallait travailler.

Quant à mes cousins-cousines, oui, ils font des études, ou les ont achevées (2), mais tout le monde a sagement choisi des voies raisonnables l'École Normale (d'instituteurs) ou la fac pour passer le CAPES après. Idéalement l'agrég. Un cousin a fait une école de commerce et travaille a devenir Expert Com(ptable). Mais ma méconnaissance des formations et du système des études supérieurs est telle que ça ne me vient pas à l'esprit de lui poser la question. Ou peut-être m'en a-t-il touché deux mots afin de de prévenir qu'il faudrait énormément travailler. Mais bon, les écoles de commerces ça n'est pas le même circuit tout à fait.

Alors fin août 1981 je potasse un peu à tout hasard des maths, pressentant que le niveau de mon bon petit lycée de banlieue n'est pas tout à fait celui du grand bahut parisien dans lequel je vais atterrir (3). 

Qu'on ne vienne pas me dire que les Internets ÇAYMAL : la même que moi mais maintenant aurait pu chercher des témoignages, consulter des archives, choisir vraiment son lycée, savoir qu'à part si j'avais réussi Normale Sup, les concours d'écoles d'ingénieurs ne menaient pas là où je voulais aller (4). 

Mais là, rien. Et pas non plus de frère ainé pour me présenter à des potes à lui qui. L'aînée c'est moi et je dois assurer. Donc, le grand saut dans l'inconnu.

Alors le lundi 14 septembre 1981, à la veille de la rentrée et de quitter mon Val d'Oise "natal" pour Paris, j'écris "Geneviève (5) me téléphona en début d'après-midi et son coup de téléphone me donna le moral car je découvris que je ne savais vraiment pas de quoi demain serait fait (c'est le cas de le dire) à un point que s'en (sic) était marrant". 

Suivent quelques bricoles intimes qui n'ont plus d'intérêt même pour moi (ou peu). Et je conclus cette entrée d'agenda par "dernière description suivie. au revoir !".

Effectivement, les entrées suivantes concernent plus tard des bribes de week-ends studieux, une fête d'anniversaire, des soirs d'épuisement trop grand pour étudier. Plutôt laconiques. Je reprends mon rythme de diariste seulement aux vacances de la Toussaint. Avec un besoin vital de garder trace du temps qui file.

Vers la fin de novembre ou le début de décembre, dans une note non datée, placée sur les pages résiduelles de fin et début de mois, j'ai écrit :

"décision écrire lettre humoristique à P. (M ou Mme) pour sortir du cercle vicieux des rêvasseries à cause de la passivité. Si j'essayais de faire quelque chose pour réaliser mes rêves, j'y penserais moins.

Mais Pologne → plus envie être puérile"

Ça pourrait être amusant, j'espère que ça l'est un peu, mais c'est pour moi glaçant : comment est-il possible malgré tous les mouvements de l'existence d'être à ce point la même en terme de fonctionnement ? Est-on à ce point incapables d'évoluer ? Est-ce seulement moi qui ne possède pas d'intégration du temps (tic tac) ? Peut-on changer ?

 

 

(1) Si ça tombe notre propension à ne tenir aucun compte des injonctions de genre, c'est au fond un hommage. 

(2) Ma sœur et moi étions nées tard d'un couple composé de cadets. D'où des décalages de 10 à 20 ans, sauf avec deux de mes cousines d'Italie, qui nous sont plus proches.

(3) Pour les dossiers on a demandé au prof de math et recopié les noms qu'il disait. 

(4) Ma vocation depuis l'âge de 13 ans était de faire de la recherche en physique nucléaire ou quantique ou de l'astrophysique si je n'y parvenais pas. Ce n'était pas même une ambition. Je me sentais conçue pour ça, à la santé défaillante près.

(5) Une grande amie qui deviendra médecin et que je perdrai de vue durant les années d'enfants petits et de trop de travail pour toutes tout en même temps.

PS : Et je rouspétais déjà après les gars qui se prenaient de béguin pour la première fausse blonde venue - mais la phrase est trop personnalisée pour que je la reproduise là concernant quelqu'un d'autre qui me lit peut-être parfois -.

PS' : J'ai même une pépite pipole : en décembre 1981 Björn Borg s'était fait couper les cheveux. Et déjà j'écris des bêtises (pleins mais il n'y a pas twitter pour les faire subir aussi aux copains, par ex. The bac's day : un grand pas pour moi, un petit pas pour l'humanité (si d'aventure des jeunes voudraient recycler, ça me consolerait)) 

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