Dopo Pasolini
17 décembre 2013
C'était une expo à laquelle j'hésitais à aller, Pasolini à la cinémathèque. Cet homme dont curieusement je ne connais pas toute l'œuvre, mais parce qu'un peu comme pour Virginia Woolf, je ne peux l'aborder que sur la pointe des pieds à cause des échos hurlants, et pas seulement son travail mais sa vie me touchent trop. Quand je suis en période fragile, je dois m'en tenir à distance respectueuse, ou n'aborder qu'à petite dose.
Et puis j'ai reçu une invitation en tant qu'abonnée au Monde Interactif comme ils disent.
Ce n'était pas refusable.
J'ai passé un excellent moment d'autant plus que la visite était guidée et notre guide très intéressante. Elle est même parvenue à m'apprendre quelques choses que j'ignorais.
Et puis je n'étais pas seule et même si celui qui m'accompagnait était porteur de nouvelles le concernant mitigées, c'était bon d'être deux.
Mais à présent au calme de la maisonnée où je reste la seule à veiller, les larmes sont les plus fortes. Je reste en colère et en deuil de la mort prématurée de celui qui avait encore tant à nous apporter. Plus que jamais cette phrase en tête "Nous avons tué le messager".
Et ces images poignantes de l'homme en pleine forme physique qui joue au foot et plutôt bien, à peine quelques temps avant. Images dont j'ignorais qu'elles servirent (mais en vain) au procés de son trop facile assassin, lequel pris plus tard pour plus long de prison d'avoir volé une Rolex que d'avoir (prétendument ?) occis un de nos frères prophétiques.
Il y a cette photo de Dino Pedriali que je ne parviens pour l'instant pas à retrouver parmi celles qui sont le plus souvent reprises : une chaise vide, dos à nous, au premier plan, sur laquelle la lumière fait quelques gammes, et à la table floue et flou Pasolini lisant (ou relisant, ou écrivant). Rien qu'y repenser me remet à pleurer.
Il y a ce que je ne comprends pas et perçois, à défaut d'en savoir plus, comme une bravade inutile et dangereuse : si l'on doit dénoncer quelque chose de politiquement brûlant il faut le faire d'un seul coup et non pas, surtout pas, dire J'ai les noms, je les dirai. Après être éliminé.
Il y a sur ce film (une interview je crois, un documentaire) de 1974 son regard de qui a aimé et s'est fait quitter et ne s'en remet pas. Alors on s'intéresse d'autant plus à la marche du monde, n'est-ce pas ?
Peut-être au fond que je n'ai pas rêvé, que quelque chose de cet ordre s'est joué, qu'après tout.
Ce qui doit rester : l'éloge funèbre crié par Moravia, que sinon il pleurerait, son apreté désespérée. Et que c'est le poète qu'il salue en dernier. La poèsie prédomine. Sa rareté.
J'avais douze ans et le temps presse.
* * *
Pour ne pas achever une bonne journée sur de sombres pensées qui ne vont rien changer, j'écoute London Grammar, ma découverte du jour, une chanteuse dont je trouve la coiffure désespérante mais subis le charme de la voix. Mais celle de Moravia s'y surimpressionne. E di poeta non ci sono tanti nel mondo.