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Tiens, ça faisait longtemps

... que je ne vous avais pas embêtés avec "ma" comédie croate 

  

Svećenikova djeca / The Priest's Children de Vinko Bresan (avec l'irrésistible Krešimir Mikić)

Vous allez voir, ils vont trouver un distributeur français, ça fera un succès phénoménal et vous me remercierez. 
(Après, j'espère seulement que les anti-mariage pour tous qui s'ennuient un peu désormais auprès de leurs bénitiers, ne s'en prendront pas aux cinés qui le diffuseront, car le film nécessite un peu de capacité d'autodérision pour être compris correctement)


Un homme qui a changé ma vie

  

J'apprends ce matin la mort de Lucien Neuwirth. Nous ne nous connaissions pas, mais il fait partie de ces hommes (et femmes) qui ont changé ma vie, et sans l'action desquelles je ne serais peut-être plus là pour en parler. La plupart de ceux-là font partie du corps médical (ceux qui ont mis au point les antibiotiques (auxquels je suis désormais allergique mais qui m'ont sauvée la mise plus d'une fois dans l'enfance), certains vaccins, la pillule contraceptive), certains de la technique (j'adresse chaque matin en allumant mon ordi un remerciement muet à tous ceux qui ont permis et l'appareil et sa connexion au monde et songe encore souvent aux concepteurs des réfrigérateurs et machines à laver le linge), mais celui-ci faisait partie des législateurs sans lesquels l'accès à certains soins aurait été impossible ou trop tardif.

Je sais que la bataille qu'il dut livrer, et pour grande partie contre son propre camp (il était conservateur, de droite, mais de ces gaullistes que les extrêmistes décomplexés que l'on a désormais nous font bien regretter - une droite décente et relativement sociale, moins axée sur le profit à tout prix et le mépris, des gens sûrs de leur supériorité mais traitant humainement le petit personnel s'il lui est dévoué -), fut homérique, qu'il fut en quelque sort la Taubira de ce moment-là (palsambleu que ce pays est rétrograde et qu'il est difficile d'en faire évoluer les mentalités). 

Je sais que si j'ai vécu dans la sérénité mes premières amours et que si mes enfants sont en nombre raisonnable, la planète est surpeuplée, et venus parce que nous étions leur père et moi tout prêts à les aimer c'est en partie grâce à la lutte que mena cet homme-là. D'autres l'auraient sans doute fait tôt ou tard s'il ne s'y était pas dévoué. Mais le "ou tard" serait peut-être venu trop tard pour les femmes de ma génération.

Mes grands-mères ont mené à leur terme respectivement six et onze (ou treize !) grossesses, sont devenus adultes échappant à la guerre et aux maladies trois et sept de leurs enfants. Ces existences vouées à la conception et au travail familial sont assez proches de moi pour que je mesure l'importance du progrès accompli. Les deux grossesses que j'ai vécues m'ont suffisamment épuisée pour que je sache le prix de ce à quoi j'ai échappé. Le droit de disposer de mon cerveau et que toutes mes forces vitales ne soient pas tout au long de ma vie fertile happées par la reproduction et son service après vente qu'on tente d'ennoblir en l'appelant éducation.

Bien sûr et de nos jours il existe d'autres moyens de contraception efficaces (1), de gros progrès ont été faits quant aux DIU ; plus jeune de dix ou quinze ans et non équipée d'une permanente anémie, j'eusse sans doute opté pour cette méthode. Il n'en demeure pas moins qu'au vieux monsieur qui vient de quitter ce bas monde, je dois une fière chandelle, un accès à un soin malgré mon manque chronique de moyens financiers (2) et des moments de bonheur et d'exultation dépourvus d'appréhension.

Monsieur Neuwirth, merci infiniment.

 

PS : Davantage de précisions par exemple dans cet article du Monde datant de 1994 ou avant et joliment réactualisé. J'espère qu'il n'est pas réservé strictement aux abonnés.

 

(1) du préservatif seul, se méfier. 
(2) Il y aurait sans doute eu moyen de se débrouiller pour ce procurer des contraceptifs mais il était important qu'une loi passe afin que l'usage, réglementé, plus sûr car encadré, puisse n'être pas trop coûteux (voire, les premières années totalement remboursé).


Fascinant et fou (so #DocteurFolamour)

Alors voilà c'est l'histoire d'une espèce vivante qui habite une planète sans en avoir de rechange (dans l'immédiat), ne supporte physiquement pas la radioactivité (pour l'instant) et s'amuse à s'en coller partout, histoire soit-disant d'éviter des guerres pires. Certaines ont lieu quand même. 

(ai-je bien résumé ?)

 

source : Todas las explosiones nucleares de la historia (en 7 minutos) via @Hugues


Papelitos

 

PB257587

Je dois me rendre à l'évidence : de même qu'il y a par période des migrations de chaussettes solitaires et désolidaires, il semble y avoir des épidémies de désagrégation de sacs désireux de prouver leur biodégradabilité.

Il se trouve qu'un autre sac que celui, récent, dont je parlais, vient de se morceler étalant en plein passage ce qui y avait été en vrac, il y a plusieurs années, fourré. 

Sa composition totalement désordonnée - alors que je pratique plutôt une forme de désordre par zones organisé, et que le bazar est quand même en général regroupé par thème ou par teneur - me laisse à penser qu'il faisait partie des affaires entassées dans l'urgence lors d'un dégât des eaux par remontée d'eaux de cuisine usées fin 2008 ou 2009 -. Donc s'y trouvait tout et n'importe quoi : un vêtement dont je ne me souvenais pas, des câbles d'alimentation ou de connexion (qui ne m'ont pas manqué tant que ça), des papiers ennuyeux (vieilles factures, heureusement honorées), des cartouches Parker bleu-noir (difficiles à trouver) et tout un lot de post-it pour la plupart non datés. 

J'y ai jeté un œil avant de les jeter. Ils sont divers et variés de couleur et d'intérêts. Sans doute certains sont-ils des notes de lecture, mais le livre n'est pas indiqué. Il y a les éternels numéros de téléphone non nommés (depuis, j'ai fait des progrès, n'en note plus sans au moins une indication), des chiffres devenus mystérieux. 

Tous sont de ma main, je crois reconnaître ma façon de griffonner. Ce qui me semble intéressant c'est qu'aucun sauf un ne me rappelle rien. Ils pourraient avoir été écrits par quelqu'un d'autre. Most of them don't ring any bell. Je serais incapable pour certains de savoir s'il s'agit de quelque chose qu'il m'est venu d'écrire et que j'aurais noté sur la première feuille à ma portée ou bien une citation tirée d'un livre.

Ils vérifient donc parfaitement la pratique du Robinson (je ne mets pas le lien le bougre ne blogue plus) : à savoir que des écrits éventuellement intimes au bout d'un temps certain perdent cette qualité. Les détails de leur raison d'être immédiate se sont perdus dans les mois voire les années écoulées, les personnes concernées ne sont plus là ou plus vraiment les mêmes. Devenues affaires de mémoire, les faits, nécessairement se sont paré d'une aura de fiction. La réalité est trop complexe pour être saisissable via ce qu'il en subsiste un long moment après.

La suite n'est pas nécessairement destinée à être lue : si vous vous faites chier, vous l'aurez voulu. D'autant plus que je compte battre au passage mon record de notes de bas de pages. Je vous aurais prévenus. C'est pour moi dans l'idée d'un travail ultérieur que je n'aurais sans doute pas le temps d'effectuer (je connais ma vie), afin de savoir où retrouver la transcription exacte et exhaustive (matière première). Dans l'ordre de leur étalage sur le sol : 

Post-it 1 - bleu vert - carré - stylo bille 
Hubert Lucot "Le Noir et le Bleu Paul Cézanne" (Argol)
06 78 61 38 68 le 17/07 à 18h40

Post-it 2 - bleu vert - carré - crayon à papier et feutre violet
rue de Croulebarbe
Nuala O'Faolain Mona gildaf
flickr
la vie sauve (1)
pedzouille = country bumpkin

Post-it 3 - blanc - petit format - stylo bille noir stylo plume bleu en surcharge
Esmeralda Dennison (2)
300 000
3000 3000 300 300
Marianne Marion
Will Collins (3)

Post-it 4 - rosé - carré - stylo bille et feutre violet
→ incapable de répondre non même à un référendum (4)
42 25 17 (5)
6 12 70 72

Post-it 5 - bleu vert - carré - crayon à papier (6)
- Pourquoi la fenêtre a des barreaux
- Pourquoi on perd sans arrêt nos chaussettes
- Pourquoi on n'est jamais allé à Hauteville House (7)

Post-it 6 - bleu vert - carré - stylo bille (8)
Jonathan Coe 26/08/06 20h-21h
Viviane Hamy 26/07/06 France Cul 23h20 → ? (9)
6 août 21h-22h Sylvie Germain

Post-it 7 - bleu vert - carré - stylo bille (10)
17h-17h30 Culture
11 août Marie Darrieusecq
14 août Sylvie Testud
17 août Rykiel ⤻ Sarraute - Woolf
24 août Ariane Ascaride
25 août Frédéric Mitterrand
07/11/01

Post-it 8 - bleu vert - carré - stylo bille
② ──────────── France Cul
Annie Saumont (Losfeld)
qu'est-ce qu'il y a dans la rue qui m'intéresse tellt ?
────────────
lundi 17 juillet 11h20→30
Italo Calvino
jeudi 20 juillet Ourania
Le Clezio

Post-it 9 - bleu vert - carré - stylo bille bleu fin
dimanche 25 juin
France Culture
Vivre sa ville
7h05/8h00
cimetière parisien des Batignolles

Post-it 10 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin
La goutte d'eau
désaltère
en même (abrégé) tps qu'elle
altère
────────────
"quelques fois j'ai les idées
si claires qu'elles me 
font mal aux yeux"
du pas de plus la 1ère

Post-it 11 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin (11)
vers les 26 et 27/05/05
photos pour Arles
à nice and new pedestrian way

Post-it 12 - orange - carré - stylo bille noir fin et la dernière phrase au crayon à papier (12)
Pour les ressemblances
c'est pas
exprès et
pour le reste
d'ailleurs non
plus
───────
à plus tard comme tu voudras

Post-it 13 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin et des essais de refaire fonctionner un stylo bleu
mettre en mot
pour moi
c'est parfois
un peu lourd
(+/- from David)

Post-it 14 - bleu vert - carré - stylo plume bleu sombre qui n'aurait pas fonctionné depuis longtemps
une tâche de café en bas à droite
on en crâme
on en crêve
name from spam
→ Zelma Magnani
why be an avera guy
any longer (13)

Post-it 15 - bleu vert - carré - stylo bille noir fin et feutre mauve (au dos)
① France Cul
mercredi 26 juillet
Viviane Hamy
de minuit à 0h40
────────────
dimanche 23 juillet 18h10
Stella Baruk
dimanche 6 août 21h
Sylvie Germain
(au dos) qui ont permis à cette fiction d'échapper à la réalité.

Post-it 16 - orange - carré - stylo noir (14)
→ 020406
name : Marcelino
14h27 1h47 36 jours 40 8 mois
37 jours
11'39
1 47
07/11/03
99
47
9h52 1h47 

Post-it 17 - orange - carré - stylo noir puis feutre
La beauté déborde
je ne peux la cadrer
────────────
pour Traces
Monsieur Pinault
se préoccuperait-il 
de ma pilosité ? (15)

Post-it 18 - orange - carré - stylo noir puis feutre (16)
Prova racogliere
meie pezzi si
che ti sei portata via
con te -
je suis en permanent danger

 

Ce dernier post-it est presque réconfortant : ça a beau être rude, c'est quand même moins pire cette fois-ci. Je crois plus en l'amitié qu'en l'amour d'où que celui-ci fait moins de dégâts en disparaissant brutalement.

   

(1) Ça je sais, c'est le titre d'un roman qui pour moi a beaucoup compté. 

(2) Not the slightest idea who it can be. Rien trouvé de probant sur les moteurs de recherche. Il s'agit donc peut-être d'un nom de personnage de roman. Lu ? Que je comptais écrire ? Ou d'un patronyme qu'un spam utilisait.

(3) Lui, je sais : famous old poet

(4) Je ne pense pas qu'il s'agisse de moi dont la capacité à envoyer promener sans la moindre diplomatie n'est pas à prouver. Qualification d'un personnage ?

(5) chiffres écrits verticalement. Je soupçonne une soustraction.

(6) forte thématique "questions existentielles" :-) . Ce serait des notes en vue d'un de ces billets de blog pour participer à un questionnaire qui circulait (et dont l'usage peu à peu se perd mais qui florissaient au début des blogs), que ça ne m'étonnerait guère.

(7) Hauteville House ou bien l'appartement de celle qui était mon amie intime et que j'appelais ainsi par référence au nom de sa rue. La question porterait alors sur le fait de n'y être jamais allée en famille au complet.

(8) On dirait un relevé d'émissions de radio que je souhaitais écouter.

(9) Cette entrée est encadrée, sans doute voulais-je ne surtout pas louper cette émission

(10) On dirait le petit frère du précédent, le mois est le même mais la seule date entière indiquée précède de cinq ans. Elle n'a donc peut-être rien à voir.

(11) Je me souviens très bien avoir joué les photographes en second pour le comité de soutien de Florence Aubenas et Hussein Hanoun. Aurions-nous fourni des images pour le festival d'Arles ? (plus aucun souvenir - pas exclu) 

(12) Troublant : on dirait des bribes de messages. Mais je n'ai pas l'habitude de noter quoi que ce soit avant : quand j'en écris c'est dans l'instant. Ou alors étais-je à "l'Usine" et dans un cas d'empêchement mais ne voulais surtout pas oublier. Ces phrases pourtant semblent anodines. Perplexité.

(13) La fin semble provenir d'un spam

(14) Plus aucune idée de ce à quoi peuvent correspondre ses décomptes. Peut-être m'embêtait-on sur les heures du temps partiel que j'ai occupé du 1er avril 2005 au théorique 1er avril 2009 ? Marcelino est peut-être un prénom de spam qui m'avait amusée.

(15) Le "pour Traces" étant précédé d'un "OK", je peux supposer que j'ai réellement sur ce thème écrit un billet, je crois savoir quoi (billet du 28 juillet 2006)

(16) Note d'après le 17 février 2006 c'est évident. Et je reconnais bien ce qui m'arrive quand ça ne va pas d'avoir recours à mes autres langues plutôt qu'au français

 

 

 

 

 

 


Indésirable (rêve heureux (ou très malheureux))

Note en double tu

 

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C'est une réflexion que tu as faite en te levant avec peine "Tu as de la chance, tu restes à la maison" qui m'a engendrée ce rêve de rendors après une triste première pensée :

depuis que le froid est tombé, même si pour l'instant il n'est pas excessif, je ne cesse d'être soulagée de n'aller point travailler, submergée de fatigue, ou de douleurs physiques, ou après des accès nocturnes du palud du chagrin, ou des bouffées de peine qu'un emploi de bureau rendrait ingérables (je désteste ce mot mais il s'agit bien de ça). En même temps je sais que si j'étais en librairie, comme jusqu'à il y a peu à Livre Sterling, je tiendrais sans problème, heureuse et motivée, contente d'employer mon corps à un travail physique. Simplement je serai trop fatiguée pour écrire après.

 

*        *        *

Je me réveillais dans notre lit que tu avais laissé. Il était plus tard que je ne le croyais, d'ordinaire nous nous levions en même temps, et tu étais probablement déjà parti accompagner à son lycée le plus jeune des garçons. Il faisait froid mais grand soleil, ce qui, rare en cette pluvieuse saison, méritait un salut. Nous devions faire souvent l'amour et bien, je me sentais comblée, sans ce vide vertigineux qui depuis bientôt huit ans si souvent me tenaille. J'enfilais un de tes pulls et descendais à la cuisine après un bref passage aux toilettes de la salle de bain, que j'ai toujours préférées à celles du premier. Nelson me faisait fête et les chats, courtois, venaient me saluer. J'avais une pensée, comme toujours, pour Nina.

Je déjeunais en paix. Scrambled eggs, café,
jus de fruits frais, pain grillé. Pasta speculoos
crunchy que tu n'oubliais jamais de m'acheter.
Tout était propre et calme.  6a00d8345227dd69e2019affc05e1c970d-800wi

 J'ai mis sur la platine un vieux vinyl de Mal Waldron, celui que tu m'avais fait découvrir rue du Zodiaque et qui était resté, sans doute pour cette raison, mon vraiment préféré. Déjà les mots venaient. Le stagiaire (1) sans doute n'allait pas tarder, ni toi sans doute, qui profitais parfois de la sortie matinale obligée pour faire quelques courses, du pain frais (2).

Je prenais une douche rapide, pestant un peu contre la vétusté relative de l'installation, c'est un peu la malédiction de la plomberie anglaise. On s'y fait. Puis j'allais dans notre bureau, ma place face à la porte avec la fenêtre sur ma droite, la tienne inchangée, et me mettais à travailler. J'avais toujours le MacBook Air offert par les amis, et parfois m'installais, surtout quand tu souhaitais être seul, sur la table de la salle. Mais pour démarrer au matin je préférais la pièce prévue pour. Et quand nous étions deux c'était plus stimulant. Un regard, un sourire, et nous repartions dans notre concentration. Seule me gênait parfois la sonnerie du téléphone qui concernait le plus souvent la maison d'édition.

D'ailleurs il sonnait. C'était un journaliste pour une interview (de toi) en flamand. Je répondais sans effort de mon néerlandais scolaire mais opérationnel afin qu'un rendez-vous puisse être pris ultérieurement.

Le réveil est venu de ce que j'ai cru à un coup de fil en vrai. C'était bien mon téléphone. Pour un texto de mon meilleur ami concernant un concert ultérieur potentiel. Providentiel, il m'a raccompagnée en douceur dans la vie d'ici. Mes jambes, et la hanche gauche étaient douloureuses. Je devais sans tarder affronter la douleur, sans doute qu'une fois levée tout rentrerait en place, une gêne courbatue plus qu'une souffrance aigüe. Tu es revenu de chercher du pain frais. Je suis parvenue à venir t'embrasser. Puis la journée était lancée : je devais écrire, à toute blinde, et ranger. Écrire sans attendre que quelqu'un me soutienne. Écrire sans attendre de n'avoir plus de peine, d'avoir trouvé la paix. Car il est vraisemblable qu'elle ne survienne pas, ou reste si incomplète. Indésirable, je n'ai pas de place au monde, n'en aurai sans doute jamais. Toujours trop quelque-chose ou pas assez. Déclassée ou surclassée. Trop intelligente pour ma condition. Pas assez pour m'en arracher. Trop moche, pas assez blonde pour séduire ou garder (4), pas attirante, tu me l'as dit, je le sais. Et un peu vieille, désormais. Le temps presse. Je dois avancer. J'ai enfilé un de tes pulls. Ils sont trop grands mais ils sont chauds. Sur son portrait du mur, l'ami Jerome me souriait (3). Tu m'avais dit qu'il passerait. J'avais hâte de ces retrouvailles même si c'était (surtout) pour travailler.

J'ai songé à Krešo Mikić, le mystère résolu, cinq ans après (cinq !) de la silhouette semblable. Je finis toujours par comprendre. J'y mets trop longtemps. Y être parvenue m'a donné cependant le morceau de courage manquant.

 

(1) qui travaillait pour quelques mois dans les bureaux du sous-sol pour ta maison d'édition.

(2) car ma présence avait quand même à la marge modifié quelques habitudes

(3) Le portrait d'en vrai n'est pas très riant. C'est amusant.

(4) Je suis toujours quittée pour une femme aux cheveux teints, à croire que l'homme occidental a l'érotisme monochrome et très standardisé (Florence A. a donc raison)


Comment j'ai pu craindre un instant d'avoir changé de sexe mais non j'ai seulement rajeuni

 

Dans le cadre de mon opération hebdomadaire anti-sunday evening five o'clock blues, entre la cinquième vision de "ma" comédie croate (1) et une soirée télé (2), je parcourais les blogs que je sais amusants et suis, chez Christophe Lhomme arrivée sur ce billet : 

à 53 ans j'ai changé de sexe

Je me suis précipitée pour vérifier que je n'avais pas subi le même sort (2013 a été pour l'instant si peu clémente pour moi, je n'aurais pas été surprise)

PB247584

Ouf ! Ils se sont contentés de me rajeunir, si tant est qu'on considère que cette appellation ringarde et insupportable (3) est aussi signe d'âge.

 

(1) Je suis en train de perdre mes derniers grands amis à force de les en gaver, mais voilà j'essaie simplement de ne pas leur faire manquer un chef d'œuvre, un futur film-culte, qu'ils soient fiers ensuite d'avoir été parmi les premiers à pouvoir le faire découvrir à d'autres.

(2) J'en vois qui sursautent, ça fait plus de huit ans que je ne la regarde plus du moins vraiment, mais il s'agit de rendre hommage à Georges Lautner en revoyant ses Tontons Flingueurs. 

(3) À moins d'un usage symétrique pour les hommes censé indiquer également leur célibat.


La courte vies des (sacs) Papillons

 

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Quand je travaillais à Livre Sterling, qui n'avait pas encore fermé, nous utilisions pour emballer les grands formats les solides sacs Papillons de l'École des Loisirs. Il se trouvait souvent des dames (1) pour refuser poliment, l'environnement blabla prêtes à se compliquer la vie à porter un livre dans un autre paquet mal conçu pour ou à la main.

Je leur expliquais alors que ces sacs étaient oxo-biodégradables, qu'au bout de quelques mois ils se fragmentaient, qu'elles pouvaient les utiliser la conscience tranquille. L'explication complète, inscrite sur ces sacs est précisément : "Ce sac est oxo-biodégradable. Sa durée de vie est limitée dans le temps car après fragmentation il devient biodégradable". Certaines se laissaient convaincre, d'autres non, mais toutes étaient sceptiques et je les comprends : ses sacs semblent d'un plastique à toute épreuve. 

Seulement voilà, pas celle du temps et c'est fait pour et pour une fois il ne s'agit pas d'une publicité mensongère. 

Il se trouve qu'aujourd'hui l'un des derniers sacs que j'ai rapportés de la librairie, fin juillet, peut-être celui qui contenait le portrait de Jerome Charyn en grand séducteur que le patron m'avait offert lorsque nous avions effectués les presque ultimes rangements, s'est fragmenté. J'en ai connu de plus spectaculaires, des fragmentations, (comme par hasard l'un d'eux dans lequel j'avais glissé tes messages amoureux des papiers administratifs sérieux et qui s'étaient trouvés tout étalés par terre) mais cependant le processus à l'œuvre y est clairement visible :

PB247581

Je tiens à préciser que la photo n'est pas retouchée et que le sac était gentiment posé dans un coin, qu'il n'a subi aucun outrage qui justifierait son nouvel état. 

Voilà donc une maison d'édition qui soigne son image et respecte ses clients et l'environnement. 

Pour un peu on en viendrait presque à regretter l'efficacité de l'oxo-biodégradation annoncée : ces sacs sont si beaux. 

 

(1) Je n'y peux rien, ne fais que constater : les messieurs très rarement. Certains même me demandaient de les doubler car ils ne me croyaient guère quand je leur certifiais que ces sacs pouvaient contenir des livres très lourds. Bizarrement, si le patron leur affirmait la même chose ils se laissaient convaincre. 

J'en connais d'ailleurs un qui, entré avec un sac publicitaire pour Marc Lévy, s'était laissé équiper d'un autre de l'École avant que je ne le raccompagne à son hôtel voisin.


D'une réticence quotidienne plus ou moins partagée (l'usage du téléphone)

 

Je ne sais plus si j'ai déjà ou non écrit sur le sujet, mais ce billet si bien mis en patates chez Martin Vidberg m'a rappelé une difficulté, une réticence que dans la vie quotidienne j'avais : 

Téléphonophobie

J'ai grandi dans un monde sans téléphone (sauf dans les entreprises et chez les gens riches), puis avec le téléphone rare, cher et très contrôlé par des parents dont le budget était limité. Quand j'ai pu disposer d'un téléphone fixe mais personnel, j'en ai fait quelques années un presque abondant usage : elles correspondaient aussi à la période dans laquelle après les études les amis s'établissent dans différentes régions et garder le contact passait souvent par là. Il fallait également satisfaire les parents, qui nous voulaient très présents. Ma famille d'origine (j'ai des cousin(e)s que j'apprécie) était dispersée de par ma bi-nationalité native (1) même. Et puis il y avait les appels cruciaux avec mon fiancé qui effectuait son VSNE au Burkina Faso et c'était si bon et si indispensable d'entendre sa voix, une fois par semaine, sauf coup d'état.

Une période de ma vie professionnelle durant laquelle mes fonctions d'informaticienne avaient vu une part "assistance" s'inclure, qui se faisait par téléphone, m'a vue passer beaucoup de temps sur cet appareil. Au point d'en avoir mal aux oreilles parfois, le soir. Et la gorge sèche d'avoir trop parlé. 

Presque simultanément sont apparus ou plutôt démocratisés l'internet, les messageries et les téléphones portables. Très vite je n'ai eu de ces derniers qu'un usage parcimonieux et ce n'était pas une question de forfait : ils étaient formidables pour les appels précis, utilitaires, les rendez-vous de dernière minutes, les retard de ligne 13. Parfois on pouvait même grâce aux textos s'appeler en silence.

Toute la part "appels pour prendre des nouvelles et en donner" a basculé vers les e-mails qui présentaient pour moi une foule d'avantages :

- ne pas avoir à articuler, vocaliser était pour moi un soulagement, je suis quelqu'un qui lutte sans relâche contre une perpétuelle fatigue et il m'arrive d'être mutique par épuisement. Écrire ne me coute que d'être assise à une table ou devant un ordi. 

- pouvoir communiquer à n'importe quelle heure sans déranger était formidablement pratique : en effet mes heures de liberté étaient essentiellement le soir tard une fois la journée de bureau accomplie et la deuxième journée de mère de famille bouclée. Or je suis d'une génération où un coup de fil passé 22h30 signifie : Un malheur est arrivé.

- comme Martin Vidberg j'ai les pensées plus claires, en tout cas moins confuses à l'écrit qu'à l'oral. 

- J'entends parfois mal ce que l'autre me dit, c'est mon côté "Professeur Tryphon". Il n'est pas lié à l'âge, jeune j'étais déjà comme ça. 

- d'une façon que je ne sais expliquer, "j'entends" parfois lors d'appels très intimes, des choses que l'autre ne dit pas, qui n'ont pas nécessairement à voir avec la conversation en cours et qui me révèlent des pans de son passé, généralement dont il ou elle ne souhaite pas parler soit qu'il ait joué un trop beau rôle soit un trop mauvais. Je me sens généralement très mal, sinon sur le moment (auquel cas je ne peux que raccrocher), du moins après. C'est comme si la communication téléphonique m'avait balancé en sus un paquet de données codées soudain en clair auxquelles je n'aurais pas dû avoir accès. Être la femme qui en savait trop n'est pas une sinécure.

 

Je n'ai pour autant pas de phobie, lorsque pour du travail ou une démarche seul convient l'appel, je l'effectue sans problème. Mais il me coûte un supplément d'effort. Lorsqu'il y a un enjeu affectif ou une urgence particulière, je sais appeler (2)

Quant aux sollicitations qu'évoque le billet, et plus particulièrement les appels commerciaux non désirés, il est évident que ma tendance immédiate est de couper par un "non" sans nuance alors que la même demande effectuée par message ou courrier a une chance d'être considérée et qui sait acceptée.

L'an passé à même époque j'avais rencontré un homme remarquable dans son métier. Nos échanges n'ont pas débouché sur un projet commun - dommage, je serai hors d'eau à l'heure qu'il est, au lieu d'au chômage -, mais ils m'auront beaucoup appris, offert un moment de grâce cinéphilique dont je me souviendrai toute ma vie et permis de comprendre ceci : pour nombre de personnes c'était le mail l'ennui et l'appel le plus facile et le mieux accepté. Lui préférait les coups de fil d'aussi loin que moi les lettres ou la messagerie.

Je lui dois de m'avoir rappelé que le téléphone permet, lorsqu'on aime (bien) la personne, d'entendre sa voix. Et d'avoir pris conscience par ricochet que lorsque je lis un message amoureux ou amical ou professionnel avec quelqu'un que je connais bien, j'entends sa voix me le dire à l'intérieur sans bruit.

 

(1) Et non administrative (je suis française) ce que je regrette un peu car mon identité réelle est partagée. 

(2) Cela dit lors de la dernière rupture subie, et alors que le bon réflexe eût sans doute été, si j'avais été assez fortunée, de bondir dans le premier train pour une explication directe (j'y ai pensé mais j'étais dans un rouge financier si foncé que la crainte de devoir rester ensuite sur place, trop brisée, et devoir payer en plus du train une nuit d'hôtel m'a bloquée - quelques jours plus tard une amie m'a proposé de financer l'expédition, Tu ne peux pas te laisser traiter comme ça, mais il était évident qu'après coup ça n'avait pas le même sens -) et le second bon réflexe de décrocher (même si on ne les décroche plus) mon téléphone. Cette seconde option ne m'a pas un seul instant effleurée. Du tout. Sans doute qu'une part de la désinvolture de mon correspondant venait de la connaissance de cette incapacité et que mon impécuniarité protégeait sa lâcheté.

Et j'ai écrit ... une lettre.
Maladroite et malheureuse.

"Y a des impulsifs qui téléphonent, y en a d'autres qui se déplacent" Théo dans Les Tontons

 

 


Dialogue au dîner

dîner après la pièce de théâtre en compagnie des amies abonnées dont Nadine fait partie. Comme nous sommes aussi (et surtout ?) cinéphile nous causons de ciné.

Nadine : - Moi, je croyais que Lautner était déjà mort et depuis longtemps.

Moi (surprise, persuadée de la même chose) : - Ah bon, il est vivant ?

Nadine : - Non, il est mort.

Moi : - ?

Nadine : - Hier.

 Finalement il m'a semblé que c'était une assez jolie façon de saluer le réalisateurs des Tontons.

Ce n'est pas la première fois que je remarque qu'une des caractéristiques les plus palpables lorsqu'on avance en âge est de ne plus savoir parmi les personnes renommées dont nous avons apprécié à un moment donné la présence ou le travail qui est mort et qui ne l'est pas.


Intéressante équité

 

Fatiguée et pas très en forme, j'accuse un peu le coup de tous ces mois sans (sans Celui qui, sans travail salarié, sans assez d'argent, sans éléments vraiment réjouissants) et de l'abord de la saison froide dans ces conditions, je tiens cependant à parler de la pièce que je viens de voir, en la douce compagnie d'amies (c'est si difficile d'organiser des sorties en groupe, et si agréable quand on y parvient : pouvoir ensuite boire un coup ou manger en devisant du spectacle ou d'autres, ne pas rentrer directement sous le coup d'une émotion trop forte ou d'une pure déception). Je sais en effet que si je ne le fais pas immédiatement je n'en trouverai plus l'énergie ou le temps. C'est reparti d'écrire fort, en ce moment. J'ai décidé de ne pas tenir compte de mon problème de couleur sombre due aux circonstances subies. Si je dois attendre que l'existence m'accorde assez de bonheur pour écrire dans ma veine d'humour idéale, je vais mourir avant d'être parvenue à boucler quoi que ce soit (en dehors des blogs s'entend). Du coup entre l'hiver naissant et cette relance d'un rythme de travail, et mon apprentissage du croate par comédie interposée, c'est l'épuisement. 

Il s'agit de la pièce d'Éric Reinhardt, Élisabeth ou l'Équité, qui se joue actuellement au théâtre du Rond-Point. 

Une société française, filiale d'un groupe américain dominé par les fonds de pension qui le détiennent de fait doit fermer au moins une usine. La DRH tente de faire son travail avec une pincée d'humanité et de connaissance des contraintes locales que ne comprend guère le PDG américain et que le patron de la filiale française souhaite utiliser seulement tant qu'elle servira ses intérêts personnels. L'un des syndicalistes est particulièrement pugnace et compétent. Et tout ce petit monde va se livrer bataille sur fond d'enjeux financiers et sociaux avec des points de vue que tout oppose mais pas tout le temps.

Autant prévenir : c'est un peu long (2h20) (1) et rien n'est fait à part les accents français attendrissant d'Anne Consigny et Benoît Résillot lorsqu'ils parlent anglais et une scène de traduction touistée vers la fin, pour nous détendre. La pièce ne cherche pas à séduire. Seulement à nous laisser comprendre certains fonctionnement typiques de notre économie. Ce n'est pas pour tout le monde (d'ailleurs quelques personnes qui s'attendaient peut-être à davantage de caricature ou de fantaisie sont parties avant la fin). En revanche c'est bigrement bien joué (Anne Consigny à part sa maigreur inquiétante (2) est remarquable en DRH capitaliste non tout à fait dépourvue de cœur et d'éthique, mais très ambitieuse et quand même humaine ; DJ Mendel est convainquant en diable en patron américain que la France afflige, et Gérard Watkins est plus vrai que nature en syndicaliste convaincu, loyal mais roué, vulnérable mais volontaire ; pour ne pas parler des seconds rôles qui sont tous parfaits), terriblement bien vu, fin, ciselé.

Pendant presque 20 ans j'ai travaillé au sein de la direction des ressources humaines d'une grosse entreprise et même s'il n'y avait pas d'usines à gérer, et que mon travail était purement technique, j'ai assisté en direct à des jeux de pouvoir, des préparations de négociation, des dialogues et discussions et belles saloperies (des loyautés aussi, je ne veux pas noircir) très proches de celles que la pièce décrit. Et du déchaînement médiatique aussi, la pression que ça peut mettre.

Je rentre donc avec la satisfaction d'avoir vu une œuvre qui porte à la connaissance d'un public plus large les coulisses d'un monde du travail malmené. Le propos de la pièce est plus optimiste - si chacun des gens de pouvoir y met du sien on peut à l'intérieur même de ce système respecter les personnes et faire des profits - que mon avis personnel. Mais pour cette raison même il peut, qui sait, pousser à réfléchir des gens qu'un discours plus radical eût braqué d'entrée. 

Belle pièce donc, à voir ; pour les spectateurs de bonne volonté.

J'oubliais : la mise en scène de Frédéric Fisbach (lequel joue également le rôle du mari de la DRH) est parfaite, peu de décors mais qui évoquent d'emblée ce qu'ils doivent, les lieux et dates qui s'affichent en début de chaque séquence, les acteurs qui aident aux déplacements d'objets et parfois participent à la marge d'un moment. Il y a là une forme d'intelligence de la grammaire théâtrale qui fait du bien, une inventivité abordable, une excellence sans excès. On a envie de remercier.

 

PS : Le dossier de presse.

(1) En même temps j'ai beau réfléchir, tout étant parfaitement cohérent et certaines nuances indispensables à la qualité de l'œuvre (oui ça irait plus vite si on brossait de chaque protagoniste antagoniste un portrait simpliste de type Méchant / Bon), je ne vois pas ce qui pourrait être élagué sans modifier l'équilibre général.

(2) J'ai passé une partie de mon temps à me demander comment elle faisait pour tenir sur les chaussures à talons aiguilles qu'elle portait presque en permanence puis à me demander comment elle faisait pour tenir tout court. Ça parasitait un tantinet. Et puis je trouve qu'elle ressemble à quelqu'un (mais ça, c'est une tout autre histoire) (et qui ne trouble que moi).