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Troublée 1 - Circulation

 

C'était après l'after, un after fort intime, puisqu'on était partis pour rentrer chacun chez soi des trois derniers de la soirée, et puis un café accueillant, malgré l'heure nocturne, alors vite un demi, histoire de ne pas se quitter comme ça et qu'on puisse finir notre conversation.

Puis on se quitte, j'attrape un vélib après avoir raccompagnée jusqu'à sa porte l'amie, il se trouve qu'ensuite je rattrape le copain qui prenait le même chemin inverse dans ses débuts, que le mien.

J'ai pu du coup le raccompagner aussi et arriver quand même à la station du coin de ma rue, en moins de 30 minutes, j'avais hérité d'un bon biclou. C'était curieux le retour : une voiture de police qui me  klaxone afin que je grille un feu rouge pour la laisser passer (!?!) et un véhicule de fourrière qui me dépasse vers la porte Pouchet en filant si vite que l'auto fixée à l'arrière (tournant sur ses propres roues avant), littéralement bondissait. Sans parler d'un bus mystérieux sur lequel était inscrit "Sans voyageurs" en gros.

La ville la nuit avait soudain un petit côté Twilight zone (variante : Qu'avaient-ils mis dans ma bière ?).

Puis j'ai remisé le vélo et tout est revenu dans une relative normalité.


Un an, bon sang (en pensant à Maryse Hache)

 

Je connaissais Maryse de trop loin, ces rencontres un peu manquées de la vie, on se voit avec bonheur lors d'événements collectifs, on aimerait trouver le temps de se revoir davantage et puis le temps qu'on trouve le temps, c'est trop tard (brutalement (0)).

Ma vie bousculée et dont je me rencontre rends compte que depuis cette année 2005/2006 si dangereuse, elle n'a plus jamais retrouvé son assiette, je n'ai fait que courir pour ne pas m'effondrer, parer au pire, au plus pressé, me hâter, me laisser séduire, me faire encore quitter, vivre entre deux villes, entre deux métiers (programmer et écrire ; plus tard : vendre des livres et écrire), trouver un refuge (la Grande Bibli) ne pas pouvoir y aller autant que je voudrais (gagne pain à assurer ou à de nouveau rechercher), ma vie bousculée, ne me permet plus de rester au seul sein d'un groupe si accueillant soit-il, je suis obligée de bouger. C'est comme si j'avais peur que le chagrin n (1 ≼ n ≼ 3) me transforme en statue de sel si je restais là. Je m'active afin qu'il ne durcisse pas et qu'alors il m'étouffe (1).

Avec Maryse, on s'est donc un peu manquées. Elle se battait contre la maladie (2) et moi je bossais ou sinon cavalais.

On s'est un peu manquées. Pas complètement - grâce aux messages, ou par l'entremise de twitter - Combien de fois un de ces touites bien placé (au juste bon moment) m'aura-t-il redonné courage ?

On s'est un peu manquées et une fois vraiment : il y avait cette invitation un dimanche de juin avec d'autres amis que j'aurais aussi aimé revoir, mais j'étais ailleurs (l'un des derniers week-end de ciné-club, ou bien Bruxelles, si assidue à la préparation de mon prochain chagrin, au convoyages de livres pour faire connaître ici celui qui tant comptait (3), ou bien La Rochelle, ce festival de cinéma qui aide à tenir quand plus rien ne va ou quand on finit par le croire, à force). Je me souviens d'avoir regretté.

Je me souviens aussi d'avoir pu me libérer au jour du dernier au revoir, mais qu'il s'en était fallu de peu : le patron aurait pu être requis par ailleurs et moi coincée à tenir la boutique, il pouvait rester à asssurer la permanence, l'a volontiers accepté tout en m'offrant les heures, à condition que je ne m'attarde pas, j'avais filé dès la fin de la cérémonie. Des clients très vite m'avaient accaparée, pas au point de me laisser oublier les paroles d'autres amis internautes que Christophe avaient rapportées avec une émotion que je partageais et un calme que j'admirais - cette sensation qu'il nous avait laissée que personne n'oublierait ni n'avait été oublié -. Au fond ça n'était pas si mal, de retourner travailler juste après. Et très bien qu'on soit tous là. Tous, je crois. Y compris une voyageuse qu'un typhon avait failli retenir. À quelques heures ou jours près. 

Tout tient souvent à peu de choses près.

Ma vie est très différente de celle de l'an passé. Tant de choses ont pris fin ; Maryse n'est plus là pour caler le petit touite qui fait aller, rappeler l'existence des mésanges, dissuader de fréquenter qui n'a pas de respect (que ne l'ai-je écoutée !).

Comme quoi on peut manquer aussi à ceux qu'on a manqués.

Pensieri.

Le billet chez Anne, en plus qu'un réel hommage, donne le chemin vers les autres billets. On aimerait parfois que l'absence puisse s'achever.

 

(0) Toutes proportions gardées, le décès de Patrice Chéreau m'y a fait à nouveau songer. Lorsque l'on n'est pas proches d'entre les proches on en est resté à des nouvelles d'un mieux, que l'on espérait, ou on n'a plus entendu parler de maladie et si l'on est d'un naturel optimiste on croit alors immanquablement que c'est parce que les choses se sont arrangées. #benouimaisnon 

(1) Une soirée comme celle d'hier à la librairie Charybde avec Céline Minard, me prouve que si rudimentaire qu'elle soit, ma pauvre défense est efficace. J'ai ri, fait rire, oublié d'être le rebus souhaité par successivement chacun de ceux qui ont prétendu m'aimer.

(2) C'est vrai aussi que nous nous sommes rencontrées trop tard dans nos vies.

(3) Ironie du sort, ce travail de petite fourmi a produit ses fruits pour le volume suivant, juste avant que je ne sois désignée comme la femme de trop. Avec un peu de chance le principal intéressé pourra croire que ce sont ses nouvelles amours qui lui portent chance. Le pire c'est que je suis  récidiviste du processus, et épuisée d'être toujours celle qui tire l'eau du puits quand les autres filent avec le baquet sans même que j'aie pu étancher ma soif, ne serait-ce qu'un godet. Je crois que c'est fini pour moi d'aider par affection. Je n'en ai plus la force, de toutes façons et de revenir ça risque d'être long.

 


Au sujet des violences faites aux femmes (et par extension à tout groupe minoritaire supposé moins musclé)

Une très intéressante intervention qui circule sur twitter et qui m'est parvenue via @Mar_lard.

 

(et c'est là que je me rends compte que mon expérience personnelle m'a esquintée, pas pu m'empêcher de penser, J'espère que cette non-violence physique correspond aussi à une façon respectueuse de traiter (moralement) ses partenaires dans la vie ; je crains de traîner ce genre de pessimisme désespérant tout au long de ma vie restante ; ce brillant orateur n'y est pour rien, à part peut-être de se présenter si bien en défenseur, que le même mécanisme pourrait être à l'œuvre ("Enfin un homme à qui faire confiance et qui me comprend") qui m'a à nouveau mise cette année en danger)

Une colère que je n'ai pas (mais peut-être devrais-je ?)

 

Aujourd'hui a fait grand bruit sur l'internet une émission piteuse de type caméra cachée dans laquelle un jeune homme que l'on pourrait estimer suffisamment bien de sa personne pour n'avoir pas besoin d'avoir recours à d'aussi grossiers subterfuges, voler des baisers prononcés à de jeunes et jolies (1) inconnues après les avoir sommairement abordées.

Ce qui m'embête c'est qu'en parler, même pour signaler que c'est plus qu'incorrect, carrément méprisant, c'est lui faire de la réclame, peut-être qu'il se fera virer de ce boulot-là mais que ce brin de notoriété conquis d'une façon pourrie lui servira de tremplin vers d'autres aventures. 

Je n'aimerais pas être sa mère. J'aurais honte.

Mais bon, il y a plus grave, me disais-je, et puis le type n'était pas en mode grosse brutalité, il semblait possible de lui coller en retour de tentative le bourre-pif qu'il méritait.


Puis j'ai lu ce billet écrit par une jeune femme que je ne crois pas connaître (2) :

Cette colère qui ne s'éteint plus

J'ai été émue. Et j'ai pris conscience d'un truc : que moi aussi, aussi peu jolie et sexy que je sois et la plupart du temps équipée en sportive, j'en avais connu à la réflexion pas si peu souvent que ça du harcèlement de rue. Que peut-être mon opinion était en train d'évoluer sur ce sujet.

Qu'à part deux ou trois fois et toujours des matins à des heures et des trajets d'aller au bureau, en plein jour dans des quartiers plutôt réputés calmes et bien fréquentés, je ne l'avais tout simplement pas perçu comme tel.

Deux fois seulement j'ai dû faire usage de ma force pour m'en défendre dont une qui me laisse fière (j'ai balancé sur le quai un tripoteur de mes fesses, sous les yeux de ses acolytes en attendant juste l'instant avant que les portes de ne ferment - nous étions dans une rame de métro -. Il s'est trouvé tout con à nous regarder repartir, je n'ai pas eu un seul regard pour ses complices qui jusqu'alors se marraient et soudain regardaient leurs pieds, je suis allée m'adosser un peu plus loin, comme si de rien n'était, ignorant les quelques rires soulagés d'autres passagères). 

Plusieurs fois j'ai joué les emmerdeuses quand j'avais un doute si des types étaient en train de gêner une fille ou pas. Généralement poser d'un ton courtois la question : Euh vous êtes ensemble ou pas ? suffit à décourager ceux qui sont seulement de gros relouds. Après il faut être capable de pouvoir faire face à toute réaction ... dont celle de se faire engueuler par les deux (certains ont des modes d'expression fort étrange de leur amour).

Très souvent, parce que je ne me considérais pas comme une cible possible, j'ai mis si longtemps à capter qu'il s'agissait de ça, que ça en rendait la tentative ridicule et que le type de lui-même abandonnait. Parfois c'est d'ailleurs à ce moment là que je pigeais ( #BécassineBéate ). Cela dit pour que même une fille comme moi se soit fait régulèrement embêter, avec mes jeans et mes gros pulls ou au temps du bureau mes habits corporate si peu seyants, et mon absence absolue de blondeur, c'est qu'effectivement Something is rotten in the state of Denmark (Hamlet I, 4).

Très souvent aussi, je suis tellement dans la lune et perdue dans mes pensées que je ne capte d'ailleurs une anomalie environnementale qu'après. J'ai le souvenir hilarant d'un exhibitioniste de fond de bus pour lequel je n'ai compris que le truc qui à la périphérie de mon champ de vision dépassait n'était pas sa main mais sa bistouquette, qu'au moment où il la remballait dépité par mon absence totale d'attention (je lisais). Après seulement, j'ai éprouvé une grande pitié.

Une autre fois c'est un type qui m'a coincé un genou (j'étais en pantalon mais léger) dans les siens pendant toutes les stations rives gauche du RER C. En fait je bouquinais, complètement prise par ce que je lisais, j'avais à peine capté qu'il y avait quelqu'un en face et vers pont de l'Alma je me suis dit, Tiens c'est bizarre, j'ai mal au genou, quelque chose coince, et puis j'ai fait un geste pour bouger l'articulation ou dégager de se qui pesait sans avoir compris ce que c'était (un peu comme un geste de la main qu'on ferait pour chasser une mouche qui nous tourne autour), et se faisant lui ai collé très involontairement un bon coup de pied ; au moment où je m'en excusais et à sa réaction illogiquement confuse et qu'il se carapatait j'ai compris que (et j'ai bien ri).

La plupart du temps ça peut tourner, quand la tentative n'est pas physique, à un brin de causette ou un bout de chemin. Plusieurs fois alors que je rentrais tard dans la nuit, des types qui n'avaient pas d'intentions louables (ni trop méchantes non plus), m'ont finalement accompagnée jusqu'à un endroit que j'avais décidé (généralement Porte de Clichy) c'est à dire j'explique que j'ai une famille, que je rentre à pied parce que je n'aime pas le taxi, et vous vous allez où, ils me disent un lieu, je dis jusqu'à tel endroit c'est la même route, si vous voulez on fait un bout). Peut-être ai-je eu une chance inouïe, ou une mocheté rédhibitoire - dans ce cas pourquoi m'avoir abordée ? -, mais je suis toujours tombée sur des types tout bêtement seuls et malheureux qui n'ont pas insisté au delà de l'endroit accordé. Si l'un d'eux avait été armé ou un tueur en série je ne serais plus là pour tenir ce blog. Mais je ne conserve aucun mauvais souvenir de ces curieuses rencontres, plutôt celui d'avoir finalement été laissée assez tranquille puisque de fait je semblais accompagnée ( #astuce ).

Souvent ils étaient très reconnaissants - en même temps ils avaient eu droit à une séance gratuite de psychothérapie ambulante, peut-être qu'ils pouvaient ? -.
Certains tentent leur chance dans l'espoir de ne pas terminer la nuit seuls, mais sont respectueux, si on leur dit Désolée mais non, ou J'ai quelqu'un qui m'attend, ou qu'on répond avec une blague discrète et un sourire, ils n'insistent absolument pas. Je ne compte pas leurs tentatives comme du harcèlement. Mes parents se sont rencontrés dans un bus, il a bien fallu qu'ils se soient adressés la parole à un moment. Il n'est pas exclu qu'un de ces compliments éculés, ou quelques regards appuyés n'aient pas servi d'amorce.


Je crois aussi que si je ne me sens pas agressée c'est parce que je ne suis pas sujette à la peur ; que je sais que si ça dégénère (ça peut toujours, et très vite ; la violence est, le plus souvent, avant tout une accélération), à part s'ils ont une arme à feu ou sont nombreux, je peux me défendre ; souvent les hommes comptent sur la frousse comme alliée mais si l'on réagit fermement elle peut changer de camp. La plupart du temps, j'ai des chaussures qui me permettent en cas de besoin de filer en courant, et une condition physique et une connaissance des lieux susceptible de me permettre de semer un pataud. Je suis aussi capable de jouer sur l'humour, avec certains ça fonctionne, une esquisse de surrenchère (plus risquée mais généralement efficace), me mettre à discuter football (oui, je sais toutes les  femmes ne savent pas, mais si vous tombez sur un passionné vous faites d'un chasseur à l'affut un pote ou un ennemi juré si vous en tenez pour l'OM et lui le PSG mais bon vos fesses resteront en paix), et saoûler un type qui se sera dit Je vais la faire boire.

Bref à chacune d'adapter à ses capacités les façons possibles de se dégager d'une emprise non souhaitée. Mais ça va mieux si on sait à quoi s'attendre et si l'on connaît par avance certaines ripostes possibles.

Sans parler des quelques cas, par exemple si on se fait prendre par surprise et mettre KO, quelle que soit la nature de l'agression, son but, dans lesquels on ne peut rien faire. Les hommes courent ce risque aussi pour leurs biens matériels, le téléphone s'il est prestigieux, l'appareil photo, l'ordinateur portable ... 

Il y a les situations plus embarrassantes, lorsque le harcèlement de rue devient de l'insistance déplacée en lieu (relativement) fermé. 

La fermeture de la librairie où je travaillais m'a de facto débarrassée de deux ou trois pénibles qui venaient tenter de m'imposer leur charme, comment dire, assez peu perceptible de prime abord. Dont un qui était un type d'une courtoisie et d'une apparence de gentillesse à toute épreuve mais d'un gluant fini. L'épreuve était aussi pour moi de parvenir à me dépêtrer de son extrême ... euh ... sollicitude (3).


Cet été encore dans un café normand je me suis fait un peu embêter, mais le mec était bourré, je lui ai claqué mon ordi sous le nez, j'ai regardé ses potes d'un air, Il est toujours comme ça ? Un des mecs se tenait mieux que les autres qui a répondu à ma question non formulée, Il est bourré (genre : ça excuse tout, mais ce n'était pas le moment de relever) et le dragueur a titubé jusqu'à son groupe en grommelant de vagues excuses et que je n'étais pas marrante, Ben désolée mais là non. D'une certaine façon il a gagné, et les tenanciers du rade ont perdu une cliente, car par la suite et malgré un correct wifi, j'ai évité de retourner là - very bad oloé -.


Le coup du Oh pardon je vous croyais seule ! fait effectivement plus mal, même si on ne me l'a jamais fait en mode pure marchandise comme à Béatrix, car il y a ce côté : "élément déjà possédé par quelqu'un" qui est insupportable. Pire encore : être accompagnée par un homme qui malgré notre présence ne se gêne pas pour jouer les harponeurs des rues. Euh, si je te dérange, je peux m'en aller. Le pire : quand ils le font en s'adressant à une femme qui se trouve derrière nous (4). Dans ces cas-là on a l'impression au mieux d'être transparente, un petit fanôme en plus vivant, au pire d'être si laide qu'ils éprouvent le besoin de regarder ailleurs. L'un d'eux m'a répondu une fois le plus sérieusement du monde et très surpris que je proteste : Mais c'est seulement par galanterie ! Son idée était qu'une très jolie femme pouvait prendre ombrage qu'un homme qu'elle croisait ne la complimente pas et que ça devait lui faire plaisir de se l'entendre dire. Ah mais non mais attends là, je crois qu'il faut que je t'explique.

Bien que nous soyons au XXIème siècle déjà un peu entamé, l'incompréhension persiste. Que les vrais harceleurs, des dangereux, des pervers existent et sont trop nombreux mais pas tant. Qu'en revanche beaucoup d'hommes sont avant tout dépourvus de la conscience que leur attitude est gênante, pesante et qu'elle peut être perçue comme une agression. Qu'il faut peut-être savoir rester indulgente à la part qui ne relève que d'une vague tentative déplacée de flatterie - le compliment glissé au passage s'il n'est pas vulgaire ou rabaissant -. Et qu'aussi on peut parfaitement se parler, et entamer dans la rue ou autre lieu public une conversation, mais à condition indispensable qu'elle soit placée sous le signe d'une égalité. 

 

 

PS : Parfois un simple, Mais pourquoi vous faites (/ dites) ça ? peut se révéler des plus efficaces. Et si l'homme envahissant se montre insistant : Vous aimeriez qu'on fasse ça à votre fille ?

(1) jamais des vieilles et moches, espèce de dégonflé !

(2) avec les pseudos, sait-on jamais

(3) Pour ceux qui me suivent aussi sur d'autres lieux, c'est lui à qui j'avais lancé "Je dois y aller, Bessette m'attend !" et que sa relative inculture avait rendu d'une surprenante efficacité.

(4) Ainsi cette fumeuse assise derrière moi sur le muret qui borde l'église Saint Pierre à Uccle et entreprise exactement comme si je n'étais pas là par l'homme qui se trouvait assis tout près de moi. Je crois qu'elle s'était posée là pour finir sa clope tranquille, au lieu de quoi après avoir répondu par une banalité elle s'est hâtée de s'éloigner. Lui n'a pas capté combien c'était pesant pour elle, humiliant pour moi et gênant pour toutes les deux. Comme il allait fort mal à ce moment là j'ai laissé filer. Peut-être qu'il faudrait que je m'équipe d'une dose d'indifférence au mal-aller et me défende aussi bien face aux souffrants qu'aux autres. Peut-on changer ?


La porte

 

Dans cette rame de la ligne 13, je suis un peu émue, perdue dans mes pensées : je vais à la maison du Danemark voir / écouter, entre autre Maj Sjöwall, j'espère qu'elle ira bien, c'est quelqu'un à qui je dois bien de belles nuits sans sommeil dans les années 80 et des jours "d'Usine" en tenant le coup alors que ça m'est pénible. 

La rame est d'un ancien modèle et ma place l'une du milieu dans l'un des groupes de six sièges qu'on a aux extrêmités. 

À ma gauche un homme plutôt massif mais qui ne déborde pas de son siège (j'apprécie) ; en face de lui un autre, plus jeune et plus fin, qui tient sur ses genoux un enfant aux cheveux courts, je dirais de trois ou quatre ans. Très sage. Je n'ai pas prêté attention aux autres passagers.

Je ne prêtais attention d'ailleurs à personne, plongée dans mes souvenirs de Martin Beck, que parfois menaçaient une bouffée de ce chagrin qui me tenaille depuis juin. 

Soudain, peu après La Fourche la porte de séparation entre les voitures s'est ouverte. Aucun signe avant-coureur, rien, elle s'est claquée ouverte, comme si poussée par un fantôme musclé. Vlan. L'homme à ma gauche a semblé demander des yeux une approbation à son voisin d'en face, lequel tenait de ses deux mains son enfant, et d'une efficace intervention l'a reclaquée fermée. Vlan. Son intervention avait été suffisamment solide pour qu'un loquet se soit réactivé. Il n'y a plus eu d'alerte.

Je n'éprouve plus ou peu de peur, et n'étais pas en première ligne. Il n'empêche que ce dysfonctionnement était un brin dangereux. Le père et l'enfant étaient demeurés d'un calme olympien, à croire qu'ils leur arrive tous les jours de fréquenter une porte qui train ou métro ou tram en marche s'ouvre sur la voie.

Des accidents semblent s'amuser parfois à survenir presque, et puis finalement pas. 

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Prova d'orchestra

 

Je tiens cette video de @MmeDejantee sur twitter et elle m'a fait oublier le temps qu'elle durait que les problèmes d'égouttements intempestifs étaient passés en 48 heures et après l'intervention de deux plombiers successifs de certains points de l'appartement à mon nez, à croire qu'il y a un phénomène de vases communiquants, une constante d'écoulement à respecter en ces lieux.

(du coup je me demande : et si au lieu de garder le lit je sortais, est-ce que mon nez cesserait de couler et moi d'éternuer ?)

 

Tant que les êtres humains sont encore capables spontanément de s'amuser comme ça, tout n'est pas perdu.

 

PS : Le titre du billet, vient de ce film de Fellini. 


Celui qui t'intéresse à ce qui ne t'intéresse pas

 

Il se dit assez communément dans les milieux de créations (domaines divers) que le talent est une notion contestable. que ça n'est pas si simple, voire assez compliqué. Je suis la première à en tenir pour le fait que rien ne résiste au travail et pas le travail sous forme de mettre un grand coup de collier, non, le travail quotidien raisonnable et répété. Un jour soudain on s'aperçoit qu'on a acquis quelques compétences.

Il n'en demeure pas moins que je crois avoir saisi ce soir un indicateur de talent assez fiable :

Voilà. un humain (homme ou femme ou encore enfant) talentueux c'est, au  delà de tous ceux qui peuvent produire quelque chose qui nous émeut et qu'on admire, quelqu'un qui t'intéresse à ce qui ne t'intéresse pas.

C'est comme ça d'ailleurs qu'enfant j'avais découvert qu'il existait des écrivains (1) : petite, je lisais beaucoup de roman d'Enid Blyton. Comme son prénom ressemblait à celui d'une firme italienne et que mon père travaillait en usine (2), j'étais persuadée que les romans étaient conçus dans des sortes de petites fabriques avec des rôles impartis à chacun des (nombreux mais anonymes) rédacteurs.

Et puis en CM1 ou CM2 une institutrice de celles qui comptent dans la vie qu'on aura ultérieurement, madame Banissi, à Taverny, nous fait lire les souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol. La chasse ne m'intéresse absolument pas. Je trouve, en bonne petite citadine qui aime les animaux (qu'elle fréquente à son goût trop peu, surtout les chevaux) et en gamine dont le premier film vu au ciné a été Bambi en italien, que tuer des bêtes qui ne vous ont rien fait et alors que l'on a assez d'autres choses à manger, C'EST MAL. Et voilà qu'il y a ce monsieur, ce Marcel, là, qui parvient non seulement à m'intéresser à une partie de chasse et qu'en plus je bondis de joie quand le papa réussi le coup du roi. À ce moment-là j'ai pigé qu'il pouvait y avoir des vraies personnes qui écrivaient les livres et ce qu'était leur métier.

J'ai eu envie de faire ça plus tard. Quelqu'un (un adulte de la famille, ça a disparu qui) m'a dit Oui mais comme travail ? et j'en suis ensuite restée 33 ans persuadée qu'écrire ne pouvait être un métier du moins pour les gens de peu qui tissaient ma lignée et dont j'étais (3).

Il m'est néanmoins resté une admiration, que personne n'a su m'ôter, pour celui qui était parvenu à me passioner pour ce qui ne me plaisait pas.

Ce soir à Beaubourg, j'ai longuement mais ça m'a paru bien trop court, écouté un homme qui parlait de guerre en l'évoquant dans l'ordre des lettres de l'alphabet. Or la guerre, pas plus que la chasse, ne fait partie de mes centres d'intérêts, je pourrais même dire qu'à part la terrible 14-18 (4), je la fuis. Mais voilà, lui qui en parle, fait découvrir des documents, des extraits de films, il a sa façon toute personnelle et c'est passionnant. 

Le talent, je crois bien fort que c'est ça : parvenir comme par magie (mais en fait beaucoup de travail combiné avec une forme de grâce et des capacités supérieures (si, si)) à faire aimer à des inconnu(e)s un sujet pour lequel ils ou elles ne se sentaient pas concernés. 

Je n'ai qu'une hâte : la prochaine session (21 novembre, pas la peine de me proposer quoi que ce soit d'autre ce jour-là)) (5).

 

 

(1) Je l'ai déjà plusieurs fois raconté mais j'ai moins de flemme à recommencer qu'à rechercher les billets.

(2) Une vraie où des voitures étaient fabriquées. Pas comme quand je parle me concernant de "L'Usine" qui en fait était une banque dans laquelle, malgré quelques périodes traversées auprès de collègues agréables, je me sentais prisonnière, enfermée.

(3) Merci Mar(c)tin, merci marie, merci à Pierre Sauvil d'être parvenus à effacer de moi ce préjugé là. Je voudrais pas me la jouer en mode Cosette, mais vous avez un peu été mes Jean Valjean.

(4) À cause que mon grand-père maternel a "fait" Verdun, qu'il en est revenu (sinon je ne serais pas là pour tenir ce blog) et que ma mère l'a ouspillé comme du poisson pourri le jour où dans la 4L de mon cousin Vincent il a tenté de m'en raconter des bouts. Résultat : plus aucune mémoire de ce qu'il m'avait confié, juste le souvenir de ma mère en harpie (et de la 4L, bleu clair).

(5) Et c'est au point que je me sens capable si je suis retenue in fine pour le boulot que j'ai en vue de prévenir : attention les soirs de Petite Encyclopédie, je partirai plus tôt, non négociable, c'est ainsi.

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L'art du politiquement incorrect (ou comment j'ai touché ponctuellement un tarif horaire intéressant)

 

En période de vaches maigres, les réunions de consommateurs peuvent être des sources d'un peu d'épinards dans l'assiette. C'est très aléatoire - il faut correspondre au coup par coup à des critères précis -, limité - sinon ceux qui les organisent ont des ennuis et potentiellement on en aurait aussi, il faudrait que ça soit déclaré comme travail - et pour les femmes souvent remarquablement inintéressant dans les sujets de sélection : la bouffe, le ménage, les enfants. 

Une fois au siècle dernier, le sujet de la réunion fut le whisky (youpi !) mais ils ne voulaient que des hommes : j'avais donc soufflé les réponses de sélection au téléphone à mon mari.

Cela dit elles m'ont sauvées plus d'une fin de mois lorsque les enfants étaient petits - beaucoup de réunions sont organisées au sujet des produits les concernant - et quelques-unes avaient été l'occasion de bien manger, de découvrir de vraies choses utiles et de faire quelques rencontres amicales. Certaines furent ludiques et drôles. 

Depuis un moment je me suis donc mise à nouveau sur les rangs pour d'éventuelles sélections. Mais la vie de peu de dépenses que j'ai choisie en quittant le monde de l'entreprise a fait de moi une piètre consommatrice (déjà que). De plus en plus souvent je ne connais même pas les produits dont l'usage habituel sert d'objet à la sélection. En plus d'être devenue inéligible à l'amour, je le suis en consommation. Sans réels regrets pour ce dernier point, en fait.

Par ailleurs, les lieux des réunions tendent à s'éloigner de Paris intra-muros sans que soit pris en compte un dédommagement pour le déplacement de qui en vient. Une réunion compensée par 30 € si 11,20 € passent dans l'aller retour en zone 5, ça paie tout juste son coup.

Sur celle d'aujourd'hui coup de chance : j'avais le bon âge et les bons enfants, il fallait pouvoir faire la réunion en anglais posséder un smartphone et pratiquer les réseaux sociaux ; les horaires et le lieu proposés étaient compatibles avec mon emploi du temps, je pouvais participer. Il était fait mention d'un blog ultérieur éventuel. J'ai eu la naïveté de me dire Chic alors, il va être question d'un peu de l'internet et je vais gagner de quoi rembourser quelques coups à boire aux amis que j'y ai (1).

Quelque chose était louche : les organisateurs étaient sur notre présence vraiment très insistants. Deux relances pour la confirmer dont une 10 minutes avant. 

La salle était munie d'une glace sans tain comme pour les identifications des Usual Suspects et de usual cameras mais nous n'avons pas eu droit à la courtoisie de l'avertissement quant au fait d'être filmées. Nous n'étions que des femmes, c'était mauvais signe - en plus que sans espoir de rencontre romantique -. Il a été dit rapidement qu'il s'agissait en fait d'une pré-sélection en vue de constituer une communauté de consommatrices sur l'internet, le but de la manip étant qu'on teste des produits ou du moins qu'on en parle genre comme entre amies mais sauf qu'en étant "récompensées" (2) par les marques concernées.  

C'était deux fois une embrouille : rien de tel n'avait été évoqué lors de la sélection pour la réunion, or ce n'est pas la même chose de venir s'entretenir d'un sujet que d'être embarquée dans un recrutement et quand bien même je leur plairais il était hors de question sauf à crever de faim que je participe à ce genre de sournoiseries. 

J'ai failli dire que Désolée, je n'avais pas compris ça, que ça ne m'intéressait pas, au revoir ; me lever, m'en aller.

Puis j'ai pensé que si je faisais ça mon dérangement ne serait pas même dédommagé. J'étais aussi  curieuse de voir un peu ce que ça pourrait donner. Mais pas trop longtemps. Je me suis dit qu'il devait être assez facile vu comme ils insistaient sur le mother way of life, de ne pas leur convenir, qu'en étant moi-même à fond ça le ferait : ils souhaitaient visiblement des femmes formatées et je n'en suis pas. 

Sur quatorze nous n'étions que deux ou trois à avoir nos vrais cheveux. Toutes les autres étaient teintes.

Il a fallu s'aligner par ordre de notation que l'on avait donné de 1 à 10 pour exprimer notre bien-être, comment on se sentait. Pour le coup c'était vraiment Round Up the Usual Suspects. J'ai été déçue : j'étais la seule apparemment à retenir un fou-rire. Pourtant il y avait parmi nous une réalisatrice.

Il fallait dire notre marque préférée et celle qu'on détestait. Déjà ça ne m'avait pas effleuré qu'on puisse dans l'absolu avoir une marque préférée : un produit précis dans un domaine défini oui (3). Mais je tenais du coup le bon moyen de ne pas m'attarder.

Sur quatorze, trois ont cité Apple et je crois qu'elles étaient sincères : c'est effectivement une marque qui a une identité en tant que telle et ses afficionados ou - nadas ont un vrai truc d'identification. Je n'aurais cependant pas pensé dans cette proportion-là. Je suppose que comme la sélection c'était faite sur téléphones et utilisation des réseaux sociaux, elles pensaient que c'était bien adapté de parler des outils d'accès, des téléphones les plus utilisés.

J'ai parlé d'une marque de whiskies (4). Pas très bien, j'étais fatiguée and my english was getting rusty. 

Les autres, toutes les autres, se répartissaient entre cosmétiques, fringues et petits délires gourmands (chocolats trucs ou machins, trop addictifs, trop bons). Une des participantes a même évoqué une chaîne de supermarchés (?!) (5). Pour certaines j'ignorais jusqu'aux noms des enseignes ou produits dont elles parlaient.

Concernant la marque détestée j'ai dit en ce moment Barilla et expliqué pourquoi. Ce qui a stupéfié plusieurs femmes : elles n'avaient pas eu écho des déclarations de ce cher Guido.

Première pause et ça n'a pas traîné : les trois férues d'outils informatiques et moi avons été appelées. Nos choix pas girly comme il fallait - même si ça n'a pas été dit, un tirage au sort (6) a été évoqué -.

J'avais pu répondre au sujet de Barilla, pendant le début de pause. Ce qui fait qu'en plus je n'avais pas perdu mon temps. J'ai trouvé cependant cavalier que nous n'ayions pas non plus été prévenues qu'il s'agissait d'une sélection directe par élimination (même si personnellement je m'en étais doutée).

Je pensais en revanche qu'on aurait encore un petit boulot à faire avant de partir et j'ai failli laisser mes affaires dans la salle pour les récupérer après. Même pas : direct dehors, avec quelques mots d'explication pour l'une des quatre qui semblait éberluée, alors que je retenais mon hilarité. 30 € pour 35 minutes de présence. Je crois que ça faisait longtemps que je n'avais pas été si bien rémunérée en tarif horaire et pour quoi que ce fût.

J'espère simplement que les femmes qui ont répondu par les nunucheries attendues des produits exprimant avec grâce leur féminité l'ont fait exprès.

 

(1) J'en ai un peu assez de vivre au crochet de mes amis. Quand on traverse une mauvaise passe, c'est d'un réconfort formidable de pouvoir compter sur eux. Quand elle se prolonge, ça devient gênant.

(2) "rewards" was the word.

(3) Par exemple parmi les cosmétique telle crème hydratante qui empêche la peau de vous tirer.

(4) Après avoir hésité avec une marque de serviettes périodiques ou de tampons hygiéniques, mais j'ai eu pitié de celles qui étaient peut-être dans leurs mauvais jours et que ça aurait pu rappeler douloureusement à leur intimité. Mon mauvais esprit serait redoutable s'il n'était pas si souvent par mon bon cœur limité.

(5) Elle a quand même réussi à dire avec le plus grand sérieux l'équivalent réactualisé de Ma marque préférée c'est Prisunic. Et l'animatrice d'en prendre note avec non moins de plus grand sérieux.

(6) Le sort était contraire à qui avait prononcé "Apple", il faut croire.