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Poisse poubelle
31 octobre 2013
Journée de splendide poisse, ne pas courir parce qu'il préfère demain - quand il rentrera dira qu'il a trop mal aux jambes d'avoir tant piétiné à ce salon de gamers, donc finalement ça sera demain et sans lui, donc ça aurait pu être aujourd'hui -, ne pas jouer non plus au foot, tu ignores si la raison qu'on t'a servie est la bonne ou si c'est que par ailleurs il (un autre "il" que le précédent) a été séduit, ne pas le voir, il (un 3ème) n'a pas le temps, faire l'amour un peu certes, mais n'importe comment, ne pas travailler, il (un autre encore etc.) fait très bien l'affaire, le revoir mais il n'est pas seul, le revoir mais il est pressé, le revoir mais tu ne le connais pas en fait, finir un livre pour se consoler, en entamer un autre que tu dois lire par amicale obligation mais qui parle d'amour, en rentrant tard au soir même ton vélib est de trop, trois stations avant de trouver une place - tu n'as pas le téléphone qui permet d'avoir l'appli qui permet de voir où en sont les vélos -. Il t'avait proposé de partir en week-end dès jeudi, comme d'habitude à moindre coût c'était quand même mieux que rien, mais il te laisse ensuite dans le flou, pas même un mot en rentrant du boulot. L'argent sur le compte n'est pas arrivé, le débit explose, à un jour près on échappait aux frais, mais ce sont au moins trois jours d'indemnisation qui vont partir en fumée parce qu'un virement d'entreprise très banal a tardé. Tu as du mal à te connecter à la banque, voilà que plutôt que de corriger le bug général qui persiste, un mode d'emploi est fourni pour que l'utilisateur contourne lui-même le problème (?!). À ce moment là tu te dis Va te coucher, à part Bessette (livre reçu), Chéreau (vieille doc réceptionnée) et Bolaño (chouette soirée chez Charybde), c'était ta journée spéciale petites collections de calamités, évite d'en rajouter. Sur ce le chagrin, charitable, revient te donner la nausée. Il souhaite sans doute signaler qu'il est le plus important, que les autres difficultés ne sont que petites contingences.
Tu t'efforces de penser à quelques petits bonheurs du jour, par exemple quelques stupéfiants compliments d'écriture mais comme tu n'as pas fait exprès, simplement tenté d'exprimer ce que tu ressentais, tu n'en retires sans doute pas le secours qu'il faudrait.
Tu te consoles alors en te disant qu'au moins rien de grave n'est survenu, que ce ne sont que des petites poisses, que c'est leur cumul qui te mine ajouté au chagrin majeur et ce qui finit par tourner à une impression de malédiction : chaque fois que tu tentes de te redresser, un nouveau coup d'ordre divers (boulot et sous, amour, santé et éventuelles saloperies générales mais qui te touchent aussi) vient te cueillir en plein effort, espoir, essor, et te flanquer à terre. Chaque fois que tu entrevoies un peu de ciel bleu, là où tu es il pleut. Il pourrait aussi n'y avoir pas de ciel bleu. Du tout. Ne te plains pas. Intègre une fois pour toute que pour l'amour il faut avoir cheveux et yeux clairs ou être encore (bien) jeune et très très très charmante, sans même parler des jambes interminables qui n'ont jamais fait partie de ta dotation. Les tiennes sont musclées. Ça déplait.
Un post-it qui collait encore bien s'est pris d'amitié pour toi dans le métro, il date un peu mais peut-être s'était-il égaré, alors tu te dis qu'avant de te coucher tu vas peut-être rendre service à Stéphanie qui saura qu'on avait tenté de la prévenir que son rendez-vous
ne pouvait être inversé avec celui de Cédric.
Sans doute est-il tombé d'un dossier. Tu auras au moins rendu ce service. Été
ainsi peut-être un peu utile. Qui sait ?
Délicatement émue
30 octobre 2013
Délicatement émue, en lever d'une sieste triste, de celles que la fatigue et sœur solitude imposent, par un numéro de téléphone à sept chiffres, un petit mot attentionné glissé dans un bouquin, l'espoir ténu de revoir quelqu'un, de ceux qui comptent.
Insidieusement (billet de Virgile)
30 octobre 2013
Je suis toujours aussi mal à l'aise lorsque j'aborde des sujets politiques ou de sociétés, c'est peut-être un des quelques cas où j'ai intégré la pression sociétale qui veut que l'opinion d'une femme compte moins, soit moins assurée. Souvent c'est parce que mon avis est fondé sur une longue fréquentation de la lecture du monde (la planète pas le journal, même si le journal aussi), ce qui me fait à force disposer d'une forme de connaissances que moi-même je ne sais mesurer. Je ne sais pas présenter les choses sous forme d'arguments solides, de statistiques comme il faudrait (ici chez Le Roncier).
En même temps, depuis le président précédent, je parviens de moins en moins à rester sur la sage réserve que j'aimerais adopter. Je n'avais pas ouvert de blog pour ça, je voulais juste raconter ce que dans la ville j'observais, comme Paul Fournel dans son "Poils de Cairote" (1) mais pour Paris et ma banlieue. C'est peu dire qu'entre mes chagrins personnels et les dérives de ce pays que finalement je n'ai pas su quitter (2), ça a dégénéré (3).
Ce matin je grommelais par fatigue qu'on soit pris pour des imbéciles (Oh quelle surprise, les dirigeants des principaux pays se font espionner leurs communications par ceux des autres, Oh quel étonnement, pour libérer des otages une rançon a été versée, Ça alors des sportifs de haut niveau sont dopés ... ces jours-ci ça se multiplie) lorsque j'ai lu ce billet chez Virgile, sur un sujet qui a défrayé la chronique (4) et fait se ridiculiser le président de la République (passant à la télé pour achever de convaincre ceux qui ne l'étaient pas encore que son gouvernement, ce pays, ses instances, et donc un peu chacun de nous avait foiré, bien copieusement, sur un cas particulier - la meilleure façon de donner l'impression qu'on est en train de foirer pour tous et sur tout, quelle bande de nuls ses spin doctors -) :
Comme souvent je suis d'accord avec lui en tout point et il exprime ce point de vue bien mieux que je ne saurais le faire, et sans ces hésitations maladroites qui me font me prendre les pieds dans le tapis des raisonnements effectués. Merci, Virgile, une fois de plus. Et j'en oublie mes petites râleries.
"Le FN n’a presque pas d’élu, mais il force les élus des autres partis à prendre position sur des questions clivantes, faussement présentées comme importantes. Le FN n’est pas au pouvoir, mais il impose ses sujets de débat, il produit du discours qui essaime. Insidieusement. On ne s’en rend pas compte, on se croit de gauche, on se croit progressiste et puis un jour, à l’occasion de l’expulsion d’une Leonarda ou du placement en foyer d’un gamin blond enlevé à ses parents bruns, on sort avec aplomb une bonne grosse connerie raciste."
On ne pourra pas dire que l'on n'avait pas vu venir le danger.
(1) En fait j'avais un solide début de manuscrit quand son livre est sorti, j'ai du coup renoncé à tenter une publication papier. C'était trop la même idée et le même ton, mais en moins exotique et moins bien maîtrisé.
(2) Eussé-je été blonde et belle ...
(3) Ça me rappelle le coup du gars qui n'aimait pas la guerre mais finalement se retrouve à construire la base de son travail autour de ça.
(4) Et comme souvent lors de bouffées d'emballement médiatiques, on ignore ce qu'il est advenu (du moins si comme moi on n'était pas à la recherche spécifique de l'info mais très occupé(e) à vivre)
La poussette
29 octobre 2013
Début d'après-midi en période de congés scolaires, même la ligne 13 et ses fréquences depuis un an ou deux renforcées, n'est pas surchargée. J'ai en queue de rame trouvé une place assise et je lis.
Autour de moi tout est calme.
Soudain à La Fourche, alors que retentit la sonnerie de fermeture des portes, une voix de femme :
- Monsieur, votre poussette !
Alors que le métro repart et comme je suis installée en sens inverse de la marche, je vois un homme, tranquille, poser à terre une petite fille d'environ 2 ou 3 ans, le temps de poser un sac qu'il a à l'épaule et avoir les mains libres pour lui enfiler une veste, un petit manteau.
Il n'a pas l'air plus embêté que ça d'avoir probablement oublié derrière eux la poussette de l'enfant.
Alors que je descends à Satin Lazare, mes pas rapides rejoignent ceux d'un homme encore jeune, qui pousse un peu maladroit et hésitant une poussette-canne à laquelle était accroché un petit sac en tissu de quoi contenir un doudou, una merenda, mais dans laquelle il n'y avait pas d'enfant.
Je crois deviner qu'il s'agit de la poussette perdue, me prends à espérer qu'il est en train de chercher un guichet où la déposer, ce n'est de toutes façons pas un de ces engins de haute compétition comme de nos jours on en croise tant et qui serait revendable. Ça pourrait tout aussi bien être un mode ultime de trafic : qui pourrait soupçonner que l'accessoire de puériculture est truffé de drogues dans ses tubulures ?
Le soin tendre avec lequel l'homme à la station de plus haut sur la ligne prenait soin de la petite, me laisse croire que cette hypothèse n'est pas celle qui convient. Il n'empêche que j'ai assisté à quelque chose sans savoir réellement à quoi. Et que c'était presque curieux tout ce calme, cette tranquillité. Ou alors les deux hommes étaient ensemble et il était convenu que l'un remporte la poussette quand l'autre accompagnait quelque part l'enfant.
Le mystère restera.
"Le silence des pantoufles"
28 octobre 2013
C'est un lundi matin d'après une nuit tempêtueuse, chacun fait rechute du mal qui le tient, je lutte depuis plus de quatre mois contre le retour de ce foutu palud du chagrin, pourquoi ne suis-je pas capable de me faire traiter bien ?
Alors il faut tenter de remettre le corps en ordre de marche, c'est là que ça serait plus facile si je devais aller bosser (1), car je sais toujours assurer le travail, c'est peut-être ce qui me perd : ceux qui me quittent se disent toujours, Elle est solide, elle s'en remettra, et n'ont pas de scrupules à me planter là pour qui les fait frétiller davantage ou offre de meilleures perspectives. En vérité, c'est qu'à moins d'être clouée au lit par des 40 de fièvres, je ne fais pas défaut aux autres, qu'on peut compter sur moi, que je suis née comme ça. Ce qui ne veut pas dire que ça va.
Comme disait l'amie qui m'a fait l'autre samedi cet honneur de venir me chercher à une sorte de session de formation, vient un moment où l'on n'en peut plus de jouer les variables d'ajustage. Il y a certaines limites à notre bonne composition. Si on laisse trop souvent les autres nous les faire dépasser, ce sont les corps qui nous rappellent à l'ordre. Le mien produit de fortes fièvres nocturnes. Le réveil survient d'être tremblante et trempée.
Alors au matin, voilà, la première mission est de se remettre debout, de continuer vaille que vaille, de faire face aux tracas courants. J'essaie de me raccrocher à la marche du monde pour ne pas laisser les peines m'arracher à la réalité. Ma vie n'est qu'une micro-péripétie d'un très vaste ensemble.
Revue de presse. Chasse aux insolites qui font sourire, aux marques de l'air du temps qui indiqueront l'époque aux plus curieux et vifs de ceux qui nous succèderont.
Arrive un touite de quelqu'un que je suis (to follow et non to be), dont j'ai beaucoup aimé le premier roman ("Le dernier Lapon")
Ce n'est pas quelqu'un qui transmet à la légère, j'y vais donc voir. C'est un texte d'Alexandre Romanès, auquel je trouve hélas des accents prémonitoires,
et se remet alors en perspective notre responsabilité d'êtres humains, y compris indésirables. Pour agir, pas besoin d'être aimés, il suffit d'être vivants. Tout n'est pas terminé. Pour commencer, transmettons.
"Il faudrait que les hommes et les femmes de ce pays soient correctement informés. Qu’ils se réveillent, car le silence des pantoufles amène impitoyablement le bruit assourdissant des bottes."
(1) à condition que ça soit un bon travail, en librairie par exemple. Si le travail est toxique et sans utilité au monde, comme celui qu'en entreprise les dernières années j'avais, c'est au contraire bien pire, car il faut alors tenir debout malgré.
La perplexité de la gratuité et le niveau de pratique qui tend à s'élever
27 octobre 2013
(réflexion non aboutie, je ne sais que penser, j'écris pour poser les bribes, peur de n'avoir pas le temps d'y revenir) et en plus billet non relu, on m'a requise ailleurs.
C'est ce billet de Tim Kreider transmis par un camarade touiton, qui m'a relancé la réflexion, réamorcée sans doute la veille au soir alors que je discutais lors d'une fête avec un formidable magicien (amateur) :
Ce que dénonce cet article l'est à juste titre, mais il est (volontairement, l'auteur parle de l'écriture, son domaine de compétence, celui pour lequel il est sollicité) restrictif et accuse l'internet d'un mal dont il n'est que le révélateur, un des outils certes favoris, mais seulement un parmi d'autre. De la même façon que La Krizzz qui est la bonne excuse renouvelée (1) du système capitaliste pour ne rémunérer grassement que certains de ses éléments sert de catalyseur.
Je crois que depuis quelque chose comme une quinzaine d'années on assiste à une sorte de déprofessionnalisation de bon nombre d'activités et que l'apparente gratuité du net (d'une partie de celui-ci) a accélérée.
Des trente glorieuse, des mouvements d'émancipations de la fin des années 60, des folles années 70 est resté quelque chose de l'ordre d'une autorisation des pratiques. Je ne crois pas que les plus jeunes puissent s'imaginer à quel point pour les petites gens les temps d'avant étaient coincés. C'est sans doute le plus visible en musique : jusqu'aux années 60 par ici (2) il fallait être riches pour pratiquer d'un instrument, ou d'une famille trop pauvre pour croire s'en sortir par le sérieux et l'application (auquel cas peu importe si le rejeton devient musicien, sportif ou bandit de grand chemin, tout étant fermé des accès accadémiques, rien n'est interdit), ou d'une lignée d'artistes. Ensuite on a pu si on était un môme avec un peu de gniak ou pourvu d'un parent muni d'un rêve de jeunesse frustré qu'il était prêt à accorder, apprendre l'usage d'un ou plusieurs instruments. Des conservatoires pratiquaient des tarifs en fonction des revenus parentaux, des possibilités de prêts d'instruments ou de locations peu chères existaient, qui voulait s'en donner la peine - l'étude d'un instrument, cette longue patience - pouvait s'y essayer. Il y a eu une sorte de mouvement de fond comme quoi tout le monde pouvait avoir droit à ce qui lui convenait, à condition d'accepter éventuellement d'en baver au début, mais On n'a rien sans rien, n'est-ce pas ma bonne dame (3).
On a eu plus de loisirs que pendant ces Trente Glorieuses où le travail à coup d'heures supplémentaires et de jours de congés relativement peu nombreux (mais mieux cloisonnés). À âge équivalent nous sommes globalement en meilleure condition physique que nos aînés.
Il y a eu des résultats.
Je suis un petit pion de ça. J'avais envie de chanter, et ce désir a assez facilement croisé une offre de chorale. Il y a toutes sortes d'ateliers pour toutes sortes d'activités, et c'est un peu partout et pas forcément très cher. Le théâtre a vu fleurir des ligues d'impros (idéales pour qui veut s'essayer tout en étant intimidé par l'apprentissage d'un rôle). Le slam a libéré la parole de gens d'une diversité d'âges et d'horizon extraordinaire. Une pratique sportive d'un certain niveau s'est trouvée accessible à qui voulait se secouer, des équipements presque professionnels sont devenus accessibles aux amateurs les plus fous ou fortunés.
Le numérique a libéré le photographe amateur du handicap des coûts de développement, permettant de sortir LA bonne photo de séries longues.
L'internet en général et les blogs en particulier ont permis de libérer l'écriture des fourches caudines de l'édition classique, pour le meilleur et pour le pire, on peut rencontrer un public de lecteurs directement.
Dans la plupart des domaines d'activités où celle-ci peut être source de plaisir même si elle constitue un travail (4) sont apparus de grands amateurs d'un niveau proche de celui des professionnels, et pouvant éventuellement les seconder.
Je n'ai compris que ça posait un problème qu'en participant en tant qu'élément d'une chorale à des concerts au Stade de France il y a maintenant 15 ans. Nous étions ravis, épatés, concentrés, passionnés par l'expérience. Notre gratification n'était que de pouvoir venir une fois avec notre famille, on était déjà tout contents. Seulement, des syndicats de musiciens protestèrent : on enlevait ce faisant le travail de professionnels. Ils n'eurent pas gain de cause : il n'existait pas de formation professionnelle aussi nombreuse que la nôtre et disponible. Mais sur le fond comment leur donner tort : nous participions en bénévoles à une opération hautement commerciale, quelque chose n'était pas normal.
De plus en plus fréquemment, je constate que des amateurs rendent service - par exemple le quasi-pro ami d'amis qui couvre le mariage auquel il n'aurait pas été invité sinon ; une fête d'entreprise pour laquelle les musiciens sont un des salariés et ses potes, lequel en profite pour soigner son image puisqu'on vit désormais dans un monde du travail du savoir-être plus que du savoir-faire (5) - et de plus en plus aux dépends du professionnel auquel il aurait fallu faire appel sinon.
Le magicien de la fête privée se montrait fier, et c'était à son honneur, de ne pas réclamer de paiement pour sa pratique, puisqu'il gagne sa vie par ailleurs. Je sais qu'en l'occurrence il ne prenait la place de personne puisqu'il n'avait pas été envisagé d'animer la soirée par des tours de magie, que ça s'était quasiment improvisé au gré d'une conversation de voisinage. Je sais aussi que par exemple les amis qui jouèrent à mon mariage n'auraient pas pu être payés, c'était leur présence même parmi mes amis qui avait créé la possibilité d'avoir un vrai groupe et pas seulement une vague sono pour la fête.
Sans doute que la limite acceptable est quelque part par là : lorsque la présence de l'amateur correspond à un lien direct entre celui à qui il offre sa prestation et lui et qu'en son absence il n'eût été proposé à personne d'autre de s'y coller.
Sinon, ça revient à priver de travail ceux qui en font métier.
L'autre ligne de partage entre ce qui est acceptable et ce qui l'est moins serait la présence dans l'ensemble économique de l'événement concernés, d'éléments qui touchent une rémunération et d'autres qui fournissent sans contrepartie financière leur contribution. Autant il peut être louable d'accorder gratuitement une part de travail à une structure si petite (mais aux buts satisfaisants) qui ne peut nous payer, mais tout le monde y offre du temps ; autant être une poignée de gratuits et que quelques-uns en fassent leur pain quotidien n'est ni cohérent ni fair-play. Si on a les sous pour imprimer ce magazine, on devrait avoir ceux pour rémunérer ceux qui y contribuent par un travail créatif.
En l'état actuel des choses, il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond.
D'autant plus que pendant ce temps des activités dont on pourrait supposer qu'elles procèdent, elle, de la gratuité, sont soudain professionalisées. J'ai appris récemment (mais peut-être que tout le monde le savait déjà) que faire spectateur d'une émission de télé en direct pouvait constituer un boulot rémunéré. L'idée étant d'éviter tout débordement, de donner une impression flatteuse du public de l'émission (ce public est sélectionné), d'être certains que les gens viendront. On peut aussi faire la file d'attente pour d'autres (en particulier aux préfectures, là où ça peut être si long. Ou même promener leur chien.
Il me semble donc que l'on assiste à un double mouvement : de remplacement des professionnels par de bons amateurs dès lors qu'une prestation est fournie avec une part créative. Et de professionnalisation d'activités qui jusqu'alors étaient de si simples éléments de la vie quotidienne qu'on le faisait soi-même sans se poser de questions.
Cumulés avec les mutations (nécessaires et urgentes) que rencontrer le droit d'auteur, l'ensemble nous promet un changement assez radical et prochain de nos sociétés et la façon que chacun a de s'y placer.
Je suis curieuse de ce proche avenir. Même si je doute qu'il sera glorieux. Il sera de plus en plus fréquent d'avoir une pratique sportive ou artistique d'un niveau intéressant, de moins en moins fréquent d'un jour pouvoir en vivre.
(1) Grandie dans les années 70 du siècle passé, je conserve l'impression que depuis 1973 elle n'a jamais cessée. Certains se sont faits de la thune dans les années 80 parce qu'ils étaient de par leur métier aux avants-postes de ce qui allait précipiter vingt ans plus tard sa dangereuse aggravation, il n'empêche que pour le tout-venant des gens dont je fais partie, il n'y a jamais eu relâche : c'est travailler plus pour gagner moins et de façon aléatoire jusqu'au jour où l'on est éjecté du circuit (et ou c'est : travailler beaucoup trop moins pour gagner à peine de quoi survivre).
(2) En gros l'ex Europe de l'Ouest, avec des spécificités locales : par exemple en Italie tu pouvais être du peuple et aimer l'opéra ; de nos jours et c'est mauvais signes ce sont une partie des classes dirigeantes qui affichent leur mépris pour ce qui est beau et culturel - pour eux chiant et pas suffisamment porteur de profits sauf à virer spéculatif et participer de l'épate générale, J'ai là quelques Picasso -.
(3) Ce qui hélas a été globalement dévoyé avec un gros mouvement accélérateur de la télé-réalité en un "Moi aussi je peux faire célèbre" (sans savoir rien faire de particulier que d'accepter de s'exposer), mais la pompe avait été amorcée par le "Je veux tout, tout de suite" de la Konsumgeselschaft au mieux de sa forme dans les années 80,
(4) Par exemple il ne viendrait sans doute pas à l'esprit de grand monde de s'exercer pour autrui sur son temps personnel et hors rémunérations ou obligations morales à la comptabilité.
(5) et dans lequel il faudrait à la fois être disponible et motivé pour son emploi 24/24 7/7 et avoir deux hobbies glorieux pratiqués à niveau respectable et faire les devoirs d'école de ses enfants.
Troublée 3 - l'accélération du téléphone
27 octobre 2013
Depuis que j'ai ce nouveau téléphone d'un vieux modèle (1) je ne l'ai laissé tomber vraiment que deux fois. Une lors des jours encore froids au lieu d'être printanniers d'avril ou mai - je n'étais pas encore entrée dans le chagrin, même si je sentais que l'on m'aimait moins bien -, une histoire de gants qui m'ont rendue maladroite, l'autre aujourd'hui dans l'après-midi alors que je l'avais sorti de ma poche et posé sur la table le temps d'essayer quelque tenue pour la soirée déguisée "Cabaret".
La première chute avait fait remonter la poussière sur l'écran. D'où de curieux effets d'optique par moment. La seconde, bizarrement a rendu mon appareil ... plus rapide. Comme si le fait de choir lui avait débouché un canal de transmission.
Un objet qui fonctionne mieux après avoir failli être cassé, ne trouvez-vous pas ça troublant ?
Par dessus le marché la poussière a re-foutu le camp (mais on ne s'en plaindra pas).
(1) J'ai bien récupéré de la panne du précédent sauf quelques numéros de téléphones et tous les textos. Or quelques-uns eussent mérités de rester en mémoire, surtout que.
Petite mise en garde à l'attention des apprentis auteurs de best-sellers histoire de pouvoir écrire autre chose après
26 octobre 2013
Julien Doussinault, invité hier soir à l'Attrape-Cœurs pour nous parler d'Hélène Bessette, dans le cadre de la résidence qu'y effectue Fabienne Yvert, nous a fort bien parlé de l'auteur d'Ida et de La tour (1).
Il nous a entre autre raconté que la malédiction des vents contraires dont elle semblait équipée avait particulièrement frappé son best-seller-to-be "Les petites Lecocq", volontairement écrit avec un souci d'accessibilité au bon petit lecteur, à peine un peu de scènes frétillantes pour pimenter, mais rien que du très sage, vous verrez. Ou pas, puisqu'une dame Lecocq qu'elle avait croisé plus tôt dans sa vie - et je suis très prête à croire que l'homonymie était involontaire (2) - a cru se reconnaître dans l'une des personnages, a intenté un procès - dont une partie pour quelque chose comme "atteinte aux bonnes mœurs" -, avait les moyens de se payer un très prometteur et brillant jeune avocat (Roland Dumas !) et bref, un mois après sa sortie, le potentiel best-seller était retiré des librairies sur décision de justice.
Il aura fallu à l'écrivain trois ans pour refaire surface, tant ce procès l'avait essorée (du temps, de l'énergie, de l'argent, sans doute aussi un solide sentiment d'injustice et de découragement devant tant d'absurde adversité (3)).
Donc prenez garde les amis : pour votre best-seller, soyez très prudents sur les fonts baptismaux.
(spéciale dédicace à ceux qui se reconnaîtront ;-) )
(1) C'est ce titre-là qu'hier je ne retrouvais pas.
(2) Je me suis rendue compte récemment que j'ai oublié (finalement retrouvé car ma mémoire n'est pas si mauvaise, mais retrouvé après réflexions et recoupements) le nom de l'espèce de cheftaine scoute débridée à qui je devais d'avoir pu quitter "l'Usine" plus tôt que je ne le prévoyais. De même que celui certains collègues dont deux que je trouvais sympathiques. Mais voilà, mon existence s'est embarquée dans une tout autre dimension et ils n'y sont pas.
(3) Je ne crois pas qu'Hélène Bessette fût folle, juste un peu au départ, différente, décalée, et trop en avance sur la société qui aux femmes ne le pardonne pas (dans le même cas un homme se trouve plutôt auréolé d'une considération d'artiste maudit, ce qui ne donne pas un quotidien des plus rigolos mais n'est pas sans prestige, ni vu sans indulgence) ; elle l'est devenue à force de s'en prendre plein la gueule, et des trucs parfois si gros qu'il est inévitable de finir par croire à une forme de persécution et de coups répétés d'un sort funeste ; ainsi, elle qui était anti-fasciste si clairement et se retrouva à devoir faire des ménages à Londres chez l'ex-médecin de Mussolini. Ce qu'elle refusera, mais au prix d'un enfoncement supplémentaire dans les difficultés financières.
La soirée à l'Attrape-Cœurs n'était pas filmée mais pour qui s'intéresse au sujet, il reste pour l'instant trace d'une intervention au Comptoir des mots, trois ans plus tôt :
Rencontre Hélène Bessette au Comptoir des mots par laurelit
Troublée 2 - l'étrange syndrome du rajeunissement du 2 août
26 octobre 2013
J'étais donc au Rond-Point, vendredi en fin de journée, pour écouter (voir) "Les Visages et les Corps" de Patrice Chéreau. C'est peu dire que par moments j'ai été émue, il y a des éléments si forts, d'autres si exaltants et d'autres si familiers.
Une phrase d'apparence anodine, très soudain me reste :
"2 août 2009 : il est tard j'ai 18 ans" qu'il a écrite à 65 ans (si mes calculs sont bons).
Plus tard, j'ai retrouvé un billet que j'ai publié sur une annexe très exactement le 2 août dernier et qui comportait cette phrase :
"J'ai donc 19 ans 1/2 et voilà, c'est reparti".
J'ai comme la bizarre impression de l'avoir plagié. Troublée par la petite concordance calendaire au point de vouloir me procurer l'ouvrage dont la lecture était tirée. Juste pour vérifier.